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Evidence-based librarianship : améliorer sa pratique professionnelle par une bibliothéconomie scientifiquement fondée

Cité sur la liste de nos collègues bibliothécaires documentalistes juridiques britanniques LIS-LAW, voici un article d’une collègue américaine qui donne quelques idées pour améliorer la qualité des formations initiales et continue des bibliothécaires documentalistes et celle de leurs décisions de gestion dans leurs centres d’information, y compris en bibliothèque et documentation juridique [1]. Comment ? Par un meilleur suivi de la littérature scientifique — au sens strict et rigoureux du terme — paraissant dans leur domaine, autrement dit l’IST :

Evidence-Based Librarianship : Opportunity for Law Librarians ? / Susan Nissen Lerdal [2], Law Library Journal vol. 98 n° 1 février 2006
http://www.aallnet.org/products/pub_llj_v98n01/2006-02.pdf

L’article donne plusieurs définitions, longues ou courtes, de l’EBL : personnellement, j’en retiendrai deux, pour leur brièveté et leur côté concret :

  • « augmenter les applications pratiques de la recherche et améliorer la prise de décision dans les opérations quotidiennes des bibliothèques »
  • « devenir plus familier avec la recherche et l’appliquer à la pratique quotidienne de la bibliothèque/documentation ».

En résumé, l’EBL est une bibliothéconomie/documentation fondée sur des faits (scientifiquement) prouvés [3]. Un site web http://www.eblib.net lui est consacré mais il n’a hélas pas été mis à jour depuis juin 2003 et de nombreux liens sont devenus faux. Il vaut presque mieux consulter les actes du 3e congrès international sur le sujet [4]. On peut aussi interroger les moteurs de recherche : Google, Yahoo, MSN, Ask [5].

Deux idées centrales dans l’"evidence-based librarianship" (EBL) :

  • les professionnels de l’IST lisent peu ou pas les articles scientifiques parus dans leur domaine/sur leur métier
  • donc, améliorer les pratiques de recherche documentaire et bibliothéconomique des professionnels de l’IST par des méthodes permettant un suivi critique de la littérature scientifique et une application de celle-ci au métier de tous les jours (ce qui n’est pas aisé a priori, vous en conviendrez).

Certes, l’article de Nissen Lerdal reste très théorique et on met donc un certain temps à comprendre de quoi elle parle concrètement, mais les idées exprimées en valent le coup.

Concrètement, alors ? Eh bien, par exemple, si on appliquait en France une des propositions listées par l’article, qui vise à favoriser les lectures scientifiques, l’ADBS livrerait dans sa newsletter l’Oeil de l’ADBS (accès réservé aux adhérents) des résumés et des liens hypertextes des articles publiés dans sa revue scientifique Documentaliste-Sciences de l’information (DSI) et rendrait celle-ci totalement gratuite pour tous ses adhérents payants (seule la dernière année est payante actuellement). Si on ajoute que la lecture de DSI est souvent considérée comme trop théorique/inapplicable en pratique, ce simple exemple montre que l’approche EBL de notre métier n’a rien d’évident [6].

Pour autant, malgré ses difficultés, l’intérêt de l’EBL me semble incontestable car seules des études scientifiques rigoureuses peuvent faire tomber les préjugés professionnels qui gênent certaines prises de conscience et certaines évolutions nécessaires pour l’amélioration de nos pratiques professionnelles. Ajoutons que pour avoir un réservoir de littérature scientifique suffisant en IST, il nous faudra très certainement élargir nos lectures aux publications en langue étrangère (anglais, espagnol et allemand d’abord). Le travail remarquable de l’ADBS à travers sa revue DSI et sa collection Sciences de l’information ainsi que celui de l’ENSSIB avec son Bulletin des bibliothèques de France (BBF) ne peuvent pas à mon sens tout couvrir et il serait regrettable de se priver des formidables sources anglo-saxonnes.

Pour le reste, je vous laisse lire l’article ...

Notes

[1Un bon exemple, en documentation juridique, des questions importantes à résoudre par une approche scientifique est la liste AALL Research Agenda publiée en novembre 2000 par le Research Committee de l’American Association of Law Libraries (AALL).

[2Reference Librarian et Assistant Professor of Law Librarianship à la Drake University Law Library, Des Moines, Iowa (Etats-Unis).

[3le terme anglais evidence se traduit par "preuve".

[43ème congrès international "Evidence based librarianship", 16 au 19 octobre 2005, Brisbane, Australie. A titre d’exemple, une communication très intéressante : Virtual evidence : analyze the footsteps of your users / Win Shih, University of Colorado Health Sciences Center, Etats-unis.

[5L’occasion de découvrir, entre parenthèses, qu’en langue anglaise — mais pas (pas encore ?), à mon sens, en français —, la suprématie de Google en termes de pertinence des résultats ne semble plus du tout évidente. Sur cette requête "evidence based librarianship", sur les 10 premiers résultats, on est à égalité de pertinence entre Google, Yahoo et Ask. Seul MSN reste un peu en arrière, mais si on prend en compte à la place les résultats de son rival intra-Microsoft, autrement dit le moteur de Windows Live, l’égalité est bien là.

[6Toutefois, les choix rédactionnels de DSI ont été revus récemment : « le conseil d’administration [de l’ADBS] a pris position pour faire évoluer la revue, jusqu’à présent à la fois scientifique et professionnelle, en décidant de privilégier son caractère professionnel. »