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Le lien hypertexte et la loi (*)Par Emmanuel Barthe, documentaliste juridique, BMH Avocats Aux yeux d'un documentaliste, le lien hypertexte est très pratique. Il permet de renvoyer facilement un de ses "clients" vers une page web pertinente. Il le dispense d'un résumé ou de la reproduction du texte -la plu part du temps illégale, faut-il le rappeler ? La tentation devient alors forte d'utiliser systématiquement les liens pour une veille diffusée par e-mail, ou pour faire des bulletins bibliographiques sur intranet. La loi y met pourtant quelques limites. Alors, que risque t-on à créer des liens ? Il faut d'abord savoir quel droit national va s'appliquer à nos liens. Internet étant un réseau international, les lois de plusieurs pays peuvent lui être applicables. A priori, c'est le droit applicable au contenu lié qui s'appliquera au lien, donc le droit américain pour un lien vers une page d'un quotidien américain (nous ne verrons pas le droit américain ici). Mais le droit français a le bras long et considère que si un site est tourné vers un public français, notre droit national s'applique. Le cas du contratSi on a signé un contrat, ce sont ses dispositions et la loi qu'il désigne qui s'appliquent. Et si le droit ou non de créer des liens systématiques ou fréquents vers le contenu n'y est pas traité, il faudra interroger l'éditeur ou le producteur et éventuellement conclure un autre contrat pour les liens, les recommandations pratiques données infra restant valables. Un point particulier traité ci-dessous est valable en cas de contrat. Et il est important. Il s'agit du droit du producteur de base de données, où l'utilisateur de la base de données a aussi des droits, contrat ou pas contrat. Même si on a un contrat, il y a encore une chose à vérifier. De plus en plus d'agrégateurs de contenu presse proposent d'insérer automatiquement sur un site ou un intranet web des panoramas de presse constitués en fait par des liens hypertextes profonds vers les articles. Ce sont alors ces agrégateurs - ou le CFC s'il a un mandat de l'éditeur - qui cèdent les droits, non les éditeurs. Il faut alors vérifier que le site qui vend cette prestation a bien les autorisations correspondantes des fournisseurs d'actualité. Les risques liés à la responsabilité pénale ou civileUn lien vers un site ou une page illicite ou illégale peut rendre ce lien illicite/illégal, notamment quand le lien pointe vers une injure, une diffamation (délits de presse selon la loi du 29 juillet 1881), un dénigrement, une contrefaçon ou une reproduction non autorisée. De plus, si les mentions légales du site ou certaines mesures techniques visent à interdisent certains types de liens, le lien qui les viole sera volontiers considéré comme une faute. Si en plus, il cause un dommage, on est alors en présence d'un cas de responsabilité civile du créateur de lien. Faute et dommage sont aussi les fondements des actions en concurrence déloyale. Concrètement, cela suppose la réunion de trois conditions : l'abus, la systématisation ou encore l'automatisation (indexation par un moteur de recherche) des liens profonds vers le même site ; l'exploitation commerciale du contenu lié ; et le risque de confusion entre les deux produits. Le parasitisme (appropriation du travail d'autrui) est un écueil très proche. Il faut ici tordre le coup à une idée fausse : les représentants des titulaires de droits d'auteur ont prétendu que la Netiquette imposait d'obtenir une autorisation avant tout lien profond. Faire des liens profonds sans autorisation serait donc une faute en soi ? Pas du tout : cette autorisation n'est pas une obligation mais en réalité une politesse. De plus, la version de la Netiquette invoquée pour s'opposer à la liberté de lier date d'avant l'explosion du nombre des sites web, phénomène qui a rendu l'autorisation systématique quasi-impraticable. Sa version suivante est beaucoup plus libérale. Le lien face à la propriété intellectuellePrincipe : en soi, à lui seul, un lien web ne viole pas ni le droit d'auteur ni le "copyright" américain. Les sociétés d'auteurs et les éditeurs ne sont pas toujours d'accord avec cette analyse, mais les commentateurs juridiques et les juges n'y voient rien à redire. Au regard du droit d'auteur, la reproduction sans autorisation des titres d'articles n'est pas un vrai problème. La protection accordée au titre est en effet faible, et dans l'affaire Microfor / Le Monde, la Cour de cassation a admis qu'une base de données reprenne sans autorisation les titres de très nombreux articles. Mais le droit d'auteur impose également de ne pas modifier sans autorisation la façon dont page web liée s'affiche. On aboutit ainsi à l'interdiction des techniques du "framing" - attention aux intranets constitués de "frames" (en français : cadres) - et des liens automatiques (qui renvoient à une autre page web sans intervention de l'internaute). Enfin, à côté du droit d'auteur, un nouveau droit permet d'interdire les extractions du contenu d'une "base de données" (au sens, ici, de fichier structuré, ce qui inclut une bonne partie des sites web). Introduit en France en 1998, le droit du producteur de base de données (ou droit "sui generis"), donne au producteur le droit d'interdire les extractions quantitativement ou qualitativement substantielles, ou encore systématiques et anormales. Pour le documentaliste, c'est là l'aspect le plus délicat des liens hypertextes. En effet, ce droit s'applique aux bulletins bibliographiques à base d'hyperliens, aussi appelés par abus de langage revues de presse. Concrètement, si on extrait plus ou moins massivement et/ou fréquemment les titres d'un périodique en ligne pour faire des liens vers ceux-ci, on risque une action en justice et une éventuelle condamnation. En revanche, la loi interdit au producteur de la base de s'opposer aux extractions non substantielles et normales réalisées par une personne qui a un accès licite - qu'il soit gratuit ou payant - à la base. Les seules échappées résident dans l'imprécision des termes "substantiel" et "anormal". Sur le caractère substantiel, les juges se contredisent : pour l'un "le caractère substantiel qualitativement ou quantitativement doit s'apprécier en fonction de l'utilisation qui en est faite" (définition subjective) alors que l'autre décide au contraire que l'extraction doit s'apprécier par rapport à l'importance des données extraites (définition objective). Sur la normalité, qui définit les conditions d'usage "normales" de la base : le producteur ou les usages des documentalistes ? Car pour les documentalistes, la réalisation de bulletins bibliographiques, y compris numériques, est une pratique normale. Conseils pratiques :
* : Ce résumé est aussi un article paru dans le Guide pratique "Le droit de l'information" édité par Archimag (avril 2004). |
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Date de mise à jour : 16/04/2004
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