Vous reprendrez bien un peu de circulaires-bashing ?
Le VI, intitulé « Encadrer et revoir l’usage des circulaires » de la circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail possède un fort air de déjà vu. Dit autrement, le circulaires-bashing, qui s’est exercé au premier semestre 2018 (nettoyage à la paille de fer des circulaires présentes sur circulaires.gouv.fr) et plus récemment fin novembre (décret d’application de la loi ESSOC) [1], est toujours bien présent. Il est même renforcé.
Extraits saignants [2] :
- « L’opération décidée le 1er février 2018 de mise à jour de la base des circulaires adressées par les administrations centrales aux services déconcentrés et consultable sur le site http://circulaires.legifrance.gouv.fr a été un grand succès, conduisant au retrait de 65% du stock des circulaires.
Cependant, l’usage des circulaires par les administrations centrales n’a pas évolué.
Le nombre de nouvelles circulaires diffusées en 2018 a ainsi été supérieur à 1300. » - « Je vous demande de remplacer ces circulaires, comme c’est parfois déjà le cas, par la mise à disposition d’une documentation, régulièrement tenue à jour, sur les sites internet de vos ministères."
Ca, ça veut dire : prenez exemple sur le BOFiP - « L’organisation et le fonctionnement des services ne doivent plus faire l’objet de circulaires qu’à titre exceptionnel, sur les priorités d’actions du ministère. En ce cas, l’importance des circulaires en cause justifie qu’elles soient personnellement signées par le ministre. Une copie de la circulaire doit alors être adressée [au] cabinet [du Premier ministre] et au secrétariat général du Gouvernement. Ce dernier pourra refuser la mise en ligne d’une circulaire non conforme à cette directive. »
- conclusion prévisible : « Leur nombre doit être réduit significativement. Un compteur des circulaires diffusées par ministère et par an sera rendu public. »
Note personnelle : autant circulaires.gouv.fr a été un succès, autant on peut se demander si 100% des instructions contenues dans cette circulaire seront suivies à long terme. Ce type de circulaire très anti-circulaires et très exigeante n’est pas la première. Ainsi que le montre la conclusion de la circulaire du Premier ministre du 25 février 2011 sur les circulaires :
Le professeur Geneviève Koubi, spécialiste des circulaires, a sa propre explication dans son propre billet : l’aspect politique des circulaires est tellement renforcé dans cette circulaire qu’elle nie carrément l’aspect interprétationnel des circulaires pourtant consacré par l’article L. 312-2 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) [3].
Emmanuel Barthe
Notes
[1] Lire nos billets Ménage au kärcher dans circulaires.gouv.fr et Publication et opposabilité des circulaires et instructions suite à la loi sur le droit à l’erreur : nouvelles règles.
[2] Merci au twittos Jo @Jeshop pour le signalement.
[3] La circulaire administrative, un ’outil’ de qualité politique Circ. 5 juin 2019 , transformation des administrations centrales, nouvelles méthodes de travail - § VI, par Geneviève Koubi, Droit cri-TIC, 6 juin 2019.
Commentaires
2 commentaires
Les (probables) vraies raisons derrière le nettoyage des circulaires du 1er semestre 2018 et la circulaire du 5 juin 2019
Ce que nous n’avions pas pris en considération lors de la rédaction du présent billet, c’était la loi ESSOC (dite sur le droit à l’erreur) du 10 août 2018. Elle pose le principe de l’opposabilité, au profit des administrés, de l’ensemble des instructions et circulaires émanant des services de l’État. Sauf exceptions liées notamment au droit des tiers, toute personne (physique ou morale) peut se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, figurant dans ces documents, tant que cette interprétation n’aura pas été modifiée (CRPA art. L 312-3, al. 2 nouveau). Sont concernées les circulaires, instructions, notes et réponses ministérielles répondant aux conditions cumulatives suivantes (CRPA art. L 312-2 et L 312-3, al. 1 nouveau) :
Selon nous, ce nouveau principe d’opposabilité des circulaires explique largement et le ménage à la paille de fer fait par le Gouvernement de mars à mai 2018 dans circulaires.gouv.fr et cette circulaire sévère.
Voir aussi notre billet Tout sur la publication des circulaires et instructions et leur opposabilité.
Les FAQ et sites web remplacent les circulaires
La jurisprudence sur le droit souple du Conseil d’Etat, selon Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du CE :
« Le juge administratif doit prendre en compte les modalités d’action nouvelles de l’administration. Or celle-ci prend de moins en moins de circulaires au sens classique du terme. Aujourd’hui, un ministre, un bon directeur, c’est quelqu’un qui organise des questions/réponses, construit des sites internet qui sont, du point de vue de la mise en œuvre des politiques publiques, souvent plus efficaces que les textes et circulaires d’application. Si ces nouveaux champs de l’action administrative étaient en dehors du contrôle du juge, cela voudrait dire qu’une grande part de l’action de l’administration échappe au contrôle du juge administratif. Avec les arrêts GISTI ou Le Pen, le Conseil d’État a jugé que le juge administratif était présent sur ces nouveaux champs en maintenant le recours pour excès de pouvoir. »
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