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Vive le cloud ?
Pourquoi je préfère (pour l’instant) un bon disque dur externe au cloud computing

[mise à jour au 25 mai 2023 : Nous sommes en 2023 et du fait du coût je n’ai en pratique pas vraiment changé de position. Je fais un peu de cloud gratuit sur Google Drive, que je trouve pratique pour partager avec un groupe.]

Les jeunes et même moins jeunes avec qui je discute vie en ligne/recherche d’informations/Internet me disent souvent à quel point selon eux on n’aurait plus besoin, avec une connexion Internet et un hébergement cloud [1], de disque dur et de même de PC. Un outil mobile suffirait. En 2010 et 2011, des développeurs français prônaient [2] déjà la sauvegarde de fichiers et le stockage en ligne.

A priori, vite vu et grosso modo, ce propos dans le vent est séduisant [3]. En effet, de nombreuses TPE, communautés, collectivités et individus mettent leurs données sur Amazon (Web Services/AWS et EC2), Google (agendas partagés, messagerie, fichiers ...), Skydrive (Microsoft), Dropbox, Hubic (OVH) etc. [4] et utilisent non seulement les applications bureautiques fournies par ces prestataires gratuits ou peu chers, mais aussi (plus cher) leur puissance de calcul.

Comme l’écrivent les Echos, « Microsoft, Amazon et Google misent sur les services de stockage et de partage de données en ligne pour les particuliers. Derrière ce marché ils visent aussi la conquête du monde de l’entreprise ». Le cloud est aussi une autre version de l’hébergement et de l’infogérance, plus récente et surtout portée par de nouveaux acteurs ...

Maintenant, si on prend le temps de réfléchir aux problèmes éventuels (et non pas exceptionnels), la perspective change quelque peu, surtout (mais pas seulement) si on est une TPE, un professionnel indépendant ou plus simplement qu’on a une forte activité en ligne :

 le premier argument qu’on avance en général pour un produit, c’est le prix. Or dès qu’on dépasse 10 ou 20 Go, surtout si on le compare au coût d’un disque dur externe, le stockage en ligne n’est pas (pas du tout) si gratuit ou si peu cher [5] que ça [6]. Et avec vos PDF et vos bases de données (professionnels) ou vos photos, vos MP3/4/fichiers iTunes et vos films (particuliers), sur 5 ans, vous dépassez allègrement les 20 Go.

 l’upload est largement en deçà des vitesses du download

 l’accès local aux données ainsi que les applications sont souvent (mais pas toujours) plus rapides

 sécurité informatique : le hacking d’un gros prestataire n’est pas moins probable que celui (virus) d’un PC isolé. Certains geeks disent même que plus le serveur est gros et connu, plus la probabilité qu’il soit hacké un jour est réelle

 quid de la propriété et de la confidentialité de vos données — notamment pour des juristes ou des auteurs ? Comme l’écrit un article de ZDnet.fr (le lien est de nous), « il peut parfois être utile de parcourir les CGU des services auxquels vous accordez votre confiance. Surtout quand il s’agit d’un service de stockage dans le cloud, qui collectera des données éventuellement personnelles » [7]. Beaucoup de ces conditions générales d’utilisation s’octroient une licence/un droit de reproduction et d’affichage de vos données

 un outil mobile reste moins productif qu’un bon vieux PC/Mac avec un grand écran, un "vrai" clavier et une "vraie" souris (voir notamment sur ce sujet notre billet L’iPad n’est pas un outil de travail pour les "knowledge workers" ...)

 en cas de vol de votre outil mobile et que vous n’avez plus de PC chez vous, comment faites vous ? Vous trouvez un PC chez un ami, vous allez dans un web café, voire vous vous connectez au travail (pas recommandé). Et si les services de cloud personnels sont "blacklistés" dans ces endroits ? Et si vous avez oublié votre ID ou votre mot de passe (tout le monde ou presque les fait mémoriser par le navigateur ...) ?

 et en cas de panne du service d’hébergement/cloud ? Où est votre sauvegarde personnelle à jour de vos dernières modifications ? Or, comme l’écrit Christophe Deshayes avec son expérience chez Atos Origin puis de consultant (Documental), « aucun grand nom du cloud n’a été épargné (Google, Amazon, Salesforce ...) ! Des pannes souvent répétitives et parfois très graves (de un à six jours consécutifs d’interruption !). Les engagements de services pourtant contractuels ne s’appliquent quasiment jamais, même lors des pannes de plusieurs jours » [8]

 même question en cas de fermeture ou modification importante du service. Pour les services gratuits ou à petit prix, ce n’est pas impossible : fermeture pour manque de rentabilité, parce que le prestataire veut faire migrer sa base installée vers une offre plus chère, parce qu’il a fait faillite ou a été racheté

 quid du droit applicable en ces de problème/panne/litige ? Comme le rappelle Christophe Deshayes, « une fois dans les nuages, l’informatique n’a en effet plus de frontières (quel droit, quelle régulation peuvent-ils encore s’appliquer ? [9]) ». Si les acteurs actuels du cloud sont américains, la Chine est en train de monter une "ville-nuage". C’est bien pour cela que le gouvernement français tient à tout prix à faire monter son cloud par des acteurs nationaux [10].

Si, comme je le disais plus haut, on est une entreprise, un indépendant ou simplement un particulier soucieux de ses données, et si on prend en compte tous ces cas là, le contrat de cloud global coûtera beaucoup plus cher que prévu parce qu’il devra inclure des garanties renforcées [11], notamment en termes de qualité de service (délai de retour en ligne après un incident, par exemple), de sauvegarde (mise à disposition à la demande et sous bref délai d’un disque dur ou autre solution de stockage haute capacité [12]) et de données nominatives. Et malgré cela, il est possible que le fonctionnement jusqu’au bout (récupération et remise en ligne de la totalité de vos données) de ces garanties s’avère difficile (manque de personnel un jour férié ou incompatibilités logicielles ou matérielles, par exemple).

Il est clair qu’avec le temps, cette situation évoluera. En attendant, un peu de prudence ne fait pas de mal : disons, avoir soit un contrat de cloud payant béton et si possible testé, soit un PC de base sécurisé avec routeur/box, pare-feu, logiciel antivirus à jour et un disque dur externe de sauvegarde et régulièrement "réconcilier" le stockage local et celui en ligne. Just my 2 cents.

Emmanuel Barthe

Notes

[1Ou même juste l’espace de stockage de base fourni par son fournisseur d’accès.

[2Ou faisaient la pub ?

[3La bataille du "cloud computing" se joue aussi auprès du grand public / Romain Gueugneau, Les Echos.fr 14 mai 2012. Le Cloud Computing : l’informatique de demain ? / Philippe Jarre, directeur général, IBM Global Technology Services, Le Cercle des Echos 16 avril 2012.

[4Il est également possible de faire du cloud crypté open source sur son propre serveur ... à condition à mon avis de savoir ce qu’on fait et de le sécuriser.

[5Ce billet 10 raisons pour NE PAS stocker ses données en ligne ? est du même blogueur qui ailleurs sur son blog prône le stockage en ligne ...

[6On lit souvent que dans l’informatique, les coûts baissent chaque année. Pourtant, au 24 avril 2012, les coûts de stockage sur Google Drive ont été multipliés par plus de deux. Pour 400 Go, on est passé de 100 à 240 dollars US (USD). Pour 16 To, Google Drive est passé de 4000 à 9600 USD. Un disque dur externe (qui dure sans problème 5 ans), c’est de l’ordre de 100 euros pour 1000 Go, soit environ 5 euros pour 50 Go. Un stockage en ligne, comme Dropbox, par exemple, c’est 10 USD par mois, soit 120 USD par an, pour 50 Go (exemples fournis par le blog stocker-partager.fr).

[7A quel point Google Drive est-il propriétaire de vos données ? / Vincent Pierrot, ZDNet France 25 avril 2012.

[9A part celui de l’hébergeur, faut il compléter.

[11Le « cloud computing », quand le droit aussi est dans les nuages / Eric Barbry, avocat, Droit des technologies avancées (un blog Expert Le Figaro) 19 mai 2010.

[12A l’échelle du téra-octet (1000 Go) au minimum, si, si : regardez bien ce que vous avez actuellement sur votre HD personnel à la maison et votre disque réseau au travail.