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Vidéos, podcasts : de nouveaux médias pour l’édition juridique


Vidéo et webinars (qui sont essentiellement des vidéos en direct et enregistrées en fait) sont de nouvelles catégories de médias juridiques. Poussées par YouTube et une pratique quotidienne de "vlogging" aux Etats-Unis depuis 2005, leur émergence est désormais un fait acquis.

Sommaire

La vidéo juridique : efficacité, pédagogie et présente depuis 2006 en juridique

Ce n’est pas comme si le phénomène était nouveau dans le secteur de la documentation et de l’édition juridique. Pour mémoire, sur ce blog, nous avions déjà communiqué sur plusieurs expériences de vidéo juridique et ce, dès 2006. En 2010, j’écrivais sur ce blog : « Juristes adorateurs du papier et de l’écrit, entraînez vous à parler et convaincre devant une caméra ! »

Et puis, quoi de plus efficace pour expliquer et faire passer une idée en droit qu’un professeur ou avocat médiatique comme Bruno Dondero ou Me Landot ? Les nouveaux chargés de cours privés sur Internet, quant à eux (Jurixio [1], Fiches-Droit.com [2] ...) utilisent Youtube pour leur publicité [3] ... mais, c’est à noter, vendent des supports écrits, qui constituent ni plus ni moins des concurrents pour les mémentos Dalloz et Carrés Rouge.

D’ailleurs, quelque part, la vidéo en droit participe du legal design [4]. Si le legal design consiste en résumé à faire comprendre le droit français avec du graphisme et un langage clair et à se mettre à la place du client, la vidéo peut clairement en faire partie.

D’autant que le survol en diagonale des vidéos — un des gros problèmes des vidéos à l’origine — commence à devenir possible avec leur segmentation en chapitres ("chapters") et titrage automatiques par Youtube depuis juillet 2020 [5].

Les juridictions suprêmes françaises sont depuis un bail ;-) sur Vimeo et Dailymotion

Il y a aussi de la vidéo juridique française sur Vimeo. Celles de la Cour de cassation, par exemple, une institution qui en publie (tous ses colloques notamment ...) depuis septembre 2014 [6] et qui a dépassé en 2021 les 1000 vidéos postées sur Vimeo. Le Conseil d’Etat met lui aussi ses vidéos sur Vimeo.

Le Conseil constitutionnel, lui, héberge ses vidéos chez le français Dailymotion. Particulièrement la retransmission de toutes ses auditions de jugement.

Au-delà de la qualité de ses vidéos, très supérieure en moyenne à celle de Youtube [7], Vimeo me semble avoir toutefois un inconvénient : Vimeo n’est pas "mainstream", est relativement peu connu et offre de facto peu d’interactions entre les membres de sa communauté.

Les éditeurs juridiques : de timides débuts, leurs chaînes vidéo. Et pourtant ...

Les éditeurs juridiques, vu leur vogue dans la jeune génération, vont donc devoir s’y impliquer plus sérieusement. Ils ont commencé (voir infra), mais sur les franges de leurs contenus principaux. Autrement dit, les commentaires/la doctrine restent écrits, on n’envisage pas encore une migration.

Il faut reconnaître qu’il est difficile avec les moyens techniques standards actuels de faire des distinctions précises, d’énoncer de longues définitions, de lister des critères d’application de règles de droit, de discuter du champ d’application d’un article du Code de procédure civile, de citer en note de bas de page ... Le format habituellement court de la vidéo (5 mn à 10 mn recommandé) n’aide pas non plus. Les colloques, toutefois, passent. Mais honnêtement, sans leurs actes écrits, il serait beaucoup plus difficile de les exploiter [8]. Les vidéos publiées par les éditeurs ressortent pour l’instant davantage du marketing et du domaine de la publicité qu’autre chose.

Pourtant, la vidéo (les webinars en tout cas) devient rentable, ce qui devrait motiver plus encore les éditeurs. Voir par exemple ce que la Lettre A écrit [9] à propos du groupe InfoPro Digital (qui inclut Le Moniteur) : « Les webinars [d’InfoPro] se sont taillés une place de choix pendant le confinement. Le groupe de presse professionnelle, qui a organisé pas moins de 250 webinars en 2020, entend maintenir sa croissance sur ce segment complémentaire des salons et événements qui ont repris en présentiel. Ils ont l’avantage d’élargir la jauge de participants tout en réalisant des économies sur les frais d’organisation. [...] Le groupe a de gros progrès à faire sur la vidéo où les médias notamment ne sont pas encore positionnés ou bien mal identifiés. Infopro Digital peut enfin compter sur son potentiel data, et compte faire progresser cette ligne de revenus. »

Un développement de la vidéo chez les éditeurs posera la question de l’hébergement. Car la vidéo demande une puissance serveur et une bande passante extrêmement importantes. Pour l’instant, Youtube, Vimeo et Dailymotion "font le job". Mais puisque les éditeurs juridiques français ont désormais majoritairement migré leur sites payants chez AWS [10], ils ont de la puissance chez le géant américain. Et la coupure d’avec les communautés YouTube ne devrait pas être un problème si ces vidéos sont privées, caractéristique des sites payants. Le coût, en revanche, pourrait être un problème, AWS devenant cher quand il est massivement utilisé.


Voici les chaînes des principaux éditeurs juridiques. Il sont tous sur Youtube, en contraste très net avec les institutions, qui ont choisi, on l’a vu, Vimeo et Dailymotion. On voit bien en parcourant les vidéos publiées par les éditeurs les aspects frange et marketing/publicité :

Deux exemples (rares) d’éditeur juridique publiant des vidéos de manière consistante et pas trop à la frange de son contenu principal :

Podcasts les éditeurs juridiques

Question nouveaux médias adoptés par la jeune génération et à adopter par les éditeurs juridiques, il faut ajouter les podcasts, où les extraits des programmes radio dominent.

Lexbase est en avance avec sa Lexradio et les podcasts qu’elle en tire (mais on aimerait des voix plus animées).

Mais les autres éditeurs n’ont pas oublié de lancer leurs podcasts, même s’ils sont moins systématiques que Lexradio. Pour en savoir plus sur les podcasts juridiques, lisez sur ce blog Podcasts juridiques : tentative de recensement et ébauche critique.

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique, veilleur

Notes

[1Morgan Chervet, chargé d’enseignement à l’Université Catholique de Lyon (UCLy) et dans des écoles privées lyonnaises. A noter qu’il est hébergé chez Podia, un prestataire de services (site, modèles de tutoriels, gestion de communauté ...) pour cours en ligne. Au lieu d’avoir à développer ses propres outils.

[2Maxime Bizeau, ancien avocat.

[3Mais pas Fiches-Droit.com.

[5YouTube Begins Adding Chapters to Videos Automatically, par Matt Southern, Search Engine Journal, 15 juillet 2021.

[6Leur chargé de communication, Guillaume Fradin, ne doit pas y être pour rien.

[8Exploiter les colloques tout en les laissant sous format vidéo, c’était justement le défi relevé par le défunt Droit In-Situ.