Appuyez sur Entrée pour voir vos résultats ou Echap pour annuler.

Proposition pour le cas des ressources électroniques : mélanger SNE-Reflex et ISO 690 ...

Tutoriel pour rédiger vos citations de doctrine - Notes de bas de page et bibliographie en droit
... Et comment éviter le piège des erreurs de citation/référence

[ Ce billet fait partie d’une série sur les thèses de droit [1]. ]

Vous rédigez un mémoire ou une thèse en droit. Vous travaillez en cabinet d’avocat ou en juridiction et devez rendre une note.

Vous vous demandez comment citer les références de doctrine. Voici des réponses simples et directes. Ce billet est fait pour apprendre en moins de 10 minutes les règles de citation, notes de bas de page et rédaction de de votre bibliographie [2].

Les normes SNE-Reflex [3] et ISO 690 sont beaucoup plus compliquées et détaillées que ça. Je les suis pour l’essentiel mais je ne traite que les cas standards.

NB : je ne traiterai pas ici des citations de jurisprudence ou textes officiels (loi, réglementation, codes, circulaires). C’est nettement plus facile et le site SNE-Reflex le fait en détail. J’objecterais toutefois au SNE que les numéros RG, de pourvoi/requête, de pôle et de chambre ne sont pas du tout optionnels. Sans eux, impossible d’identifier une décision

Sommaire

1. Papier (norme SNE améliorée)

Nous reprenons ici la norme SNE Reflex en en améliorant certains points non adoptés au manque de culture bibliographique des jeunes juristes, qui n’ont plus le papier sous les yeux (d’où suppression des abréviations des noms des encyclopédies comme JCl.), ou peu pratiques pour identifier dans erreur l’auteur (d’où suppression de l’abréviation du prénom ; modification d’autant plus nécessaire que l’abréviation du prénom est très éloignée de la norme ISO).

Quant à l’utilisation des minuscules pour le nom de famille de l’auteur, la norme ISO 690 est une norme internationale, suivie par toutes les sciences humaines et sociales. Et le droit s’en affranchirait, comme ça, largement ?!?!

Livre papier

Auteur (NOM prénom), Titre de l’ouvrage, sous-titre, volume (vol. X), tome (t. X), n° de l’édition, année d’édition, lieu de publication, éditeur, collection, sous-collection

Exemple :

  • GAUTIER Pierre-Yves, Propriété littéraire et artistique, vol. 1, 9e éd., 2015, Paris, PUF, Droit fondamental, Classiques

Etude dans un ouvrage à mise à jour papier (Lamy, JurisClasseur …)

Nom de l’ouvrage encyclopédique in extenso, éditeur (sauf s’il est déjà dans le titre), Nom de l’étude ou du fascicule, n° de l’étude ou du fascicule, date de mise à jour, n° du paragraphe, auteur(s)

Exemple :

  • JurisClasseur Sociétés Traité, Fasc. 62-10, Sociétés en commandite simple, n° 26, BOUGNOUX Anne

2. Ressources électroniques (norme SNE et ISO combinées)

Nous combinons ici les normes SNE et ISO, en reprenant évidemment la suppression des abréviations exposée plus haut.

Les mentions spécifiques aux ressources numériques sont en gras.

Important : le nom du site/base de données (ou le nom de domaine) est une alternative à la mention de l’adresse web (URL). Il est inutile de mentionner les deux à la fois. Si le document est sur une base payante d’éditeur, on mentionnera le nom de la base de données. Si en revanche on a à faire à une page web gratuite, on peut citer le nom du site web mais l’URL profonde sera plus précise et donc plus utile.

Page web gratuite, PDF en ligne gratuit

Auteur(s) (NOM, Prénom), Titre du document, n° d’édition et/ou année, éditeur (sauf s’il est déjà dans le titre), n° paragraphe ou page, [consulté le date], disponible à l’adresse : URL (ne mentionner l’URL que si on a affaire à un document non disponible sur un site clairement identifié ou si le chemin pour parvenir au document n’est pas clair ; si l’URL ne permet pas d’accéder au document, ne donner que l’adresse du nom de domaine)

Exemples :

  • BELLET Christian, Prendre la franchise au sérieux… (A propos de TGI Strasbourg, 6 avril 2018, n° RG 16/00419), 1er juin 2018, [consulté le 7 juin 2018], disponible à l’adresse : http://www.bmgb-avocats.com/prendre-franchise-serieux/
  • POSEZ Anne, L’inexistence du contrat : Un autre regard sur sa formation, thèse de droit, Université Panthéon-Assas, 2010, disponible à l’adresse : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01201755/
    NB1 : la version d’origine d’une thèse n’étant pas susceptible de modification, il est inutile ici de donner une date de consultation.
    NB 2 : la base de thèses TEL donne des identifiants uniques à ses documents. On peut donc aussi citer la même thèse ainsi :
  • POSSEZ Anne, L’inexistence du contrat : Un autre regard sur sa formation, thèse de droit, Université Panthéon-Assas, 2010, <tel-01201755>

Livre en ligne, ebook

Auteur(s) (NOM Prénom), Titre du document, n° d’édition et/ou année, éditeur (sauf s’il est déjà dans le titre), n° paragraphe ou page, nom de la ressource numérique sinon nom de domaine (ne pas recopier http://www. ni le suffixe, tel.com ou .fr), [consulté le date], disponible à l’adresse : URL (ne mentionner l’URL que si on a affaire à un document non disponible sur un site clairement identifié ou si le chemin pour parvenir au document n’est pas clair ; si l’URL ne permet pas d’accéder au document, ne donner que l’adresse du nom de domaine)

Exemple :

  • LE TOURNEAU Philippe, Dalloz action Droit de la responsabilité et des contrats, 2014, n° 3291, Dalloz Avocats, [consulté le 7 juin 2018]

Etude dans un ouvrage à mise à jour en ligne (Lamy, JurisClasseur …)

Nom de l’ouvrage encyclopédique abrégé, éditeur (sauf s’il est déjà dans le titre), nom de l’étude ou du fascicule, n° de l’étude ou du fascicule, date de mise à jour, n° du paragraphe, auteur(s) (NOM Prénom), nom de la ressource numérique, [consulté le date]

Exemples :

  • JCl. Sociétés Traité, Fasc. 62-10, Sociétés en commandite simple, 15 janvier 2017, n° 26, BOUGNOUX Anne, Lexis 360, [consulté le 7 juin 2018]
  • Lamy sociétés commerciales, n° 164, MESTRE Jacques, Lamyline, [consulté le 7 juin 2018]

3. Raisons des choix opérés

La norme SNE Reflex (aussi appelée Guide de citation des références juridiques) est celle suivie par (ou inspirant [4]) tous les éditeurs juridiques. L’autre norme est la norme internationale (payante, elle) ISO 690 traduite en français (ex-Z44-005). Les deux sont généralement acceptées, sachant qu’une l’ISO 690 a quand même en pratique été adoptée par toutes les sciences humaines et sociales (SHS). Et au niveau international. Toutefois, la norme SNE pourra sembler plus « naturelle » à un juriste.
C’est pourquoi cette dernière a été partiellement retenue ici. Elle se caractérise par six déviations principales par rapport à la ISO 690 :

  • séparateur : pas de point dans la SNE, mais une virgule
  • auteur : dans la SNE, son nom est présenté sans majuscules, et son prénom est abrégé en initiale. Exemple : Gautier P.-Y. (et non GAUTIER, Pierre-Yves). Cette abréviation du prénom peut empêcher un non juriste ou un juriste débutant d’identifier correctement l’auteur. Nous ne la reprenons donc pas. Et nous faisons le choix de garder les noms de famille en majuscules, car cela facilite leur indentification comme tels
  • titre : l’ISO met le titre en italique. Pas la SNE
  • la SNE abrège les noms d’ouvrages à mise à jour. Exemple : JCl. (et non JurisClasseur). Je ne reprends pas car les jeunes juristes ne travaillent que très peu avec de l’imprimé et ne distinguent donc plus guère que le nom de la base de données de l’éditeur
  • l’ISO 690 place l’année après l’éditeur ; l’édition juridique se caractérisant notamment par la fréquence des rééditions, la SNE place l’année après le numéro de l’édition afin de lier ces deux informations temporelles. Exemple : Gautier P.-Y., Propriété littéraire et artistique, vol. 1, 9e éd., 2015, PUF (et non GAUTIER, Pierre-Yves. Propriété littéraire et artistique. Vol. 1. 9e éd. PUF, 2015)
  • l’ISO 690 ne connaît pas les noms des bases de données/plateformes en ligne des éditeurs juridiques. Uniquement des adresses web (URL).

A notre avis, la norme SNE ne gère pas convenablement les références à des documents électroniques. A date d’octobre 2023, elle n’a toujours pas évolué sur ce sujet et progressivement, ne "colle" plus à la réalité et aux besoins. Notamment, elle ne prévoit pas la citation de l’URL lorsque le document ne vient pas d’une base de données d’éditeur connue, ni la date de consultation pourtant essentielle, les contenus des éditeurs comme les sites web gratuits étant mis à jour fréquemment. On a donc pour cela emprunté à la norme ISO.

NB : en pratique, sur pas mal d’aspects, il n’est pas bien grave de manquer de respect à l’une ou l’autre de ces normes. Ainsi, écrire GAUTIER Pierre-Yves au lieu de Gautier P.-Y. (selon la norme SNE) n’a guère d’importance.

En revanche, oublier un élément essentiel à l’identification sans erreur possible du document (n° de paragraphe par exemple), de sa date de publication et de sa version (n° d’édition, consulté le date) est très gênant car il empêche de retrouver et vérifier la référence exacte citée.

4. Quelques suggestions personnelles

"Op. cit." (dans les notes de bas de page) devrait être *explicitement* interdit par les normes de citation depuis longtemps. Parce qu’en pratique, il empêche de savoir ce qui est cité. On utilise cette abréviation si l’ouvrage a été cité précédemment, mais à un endroit assez éloigné. Évidemment, personne ne se fatigue à aller chercher cet endroit assez éloigné. Et quand bien même il le ferait, il ne serait pas certain à 100% d’avoit identifié le bon ouvrage. Et donc aucun lecteur ne sait de quel ouvrage parle l’auteur. Enfin, le gain de place (très limité) qu’il permettait dans la galaxie papier ne se justifie plus dans le monde numérique.

Auteurs, éditeurs, bibliothécaires : attention à un grand classique : le taux d’erreurs de référence dans les publications juridiques françaises est selon nous d’environ 4% des citations. Ca s’est amélioré : il était de 8% au début des années 90. Mais ce taux de 4-5% stagne depuis un bon moment.

A noter que les erreurs se propagent par le copier-coller. Conseils :

  • auteurs, quand vous citez, allez chercher l’original et vérifiez :
    • qu’il dit bien ce que qu’il est censé dire
    • qu’il est correctement cité dans la citation que vous reprenez
  • auteurs d’ouvrages et de thèses : vérifiez que vos citations en notes de bas de page et votre bibliographie sont "raccord".

Editeurs, soyez audacieux [5] : quand vous citez un texte ou une décision de justice disposant d’une URL publique stable, à côté de votre lien interne, ajoutez ce lien public. On gagnera du temps quand la version officielle sera demandée.

Pour reprendre le souhait de mon collègue Rémy Lérignier [6] : « Et si les sites juridiques français :

  • utilisaient systématiquement URL pérennes et DOI
  • étaient compatibles avec les logiciels de gestion bibliographique
  • et que Reflex (resté "figé") évoluait pour devenir un système de référencement bibliographique complet et "solide" ».

Pour finir, la tentative de normalisation derrière le Guide SNE-Reflex n’a pas avancé : toujours pas de Bluebook obligatoire en droit français, ni même d’implémentation de schémas XML. Il faudrait relancer ce chantier, d’autant que l’open access de la doctrine avance doucement, lui.

5. Bibliographie : tutoriels et guides détaillés pour rédiger des références bibliographiques

6. Et pour les documents en anglais ?

Les règles de citation en droit anglo-saxon sont différentes.

Les principales normes de citation pour les écrits académiques américains sont :

  • APA (CSE) (médecine, psychologie, sciences dures)
  • MLA (Chicago) (littérature, sciences humaines et sciences sociales)
  • Harvard (écoles de commerce et de management)

Aux USA, en matière juridique, les règles de citation suivent le Bluebook (payant). Le Bluebook est obligatoire et sévèrement appliqué, y compris par des juges aux avocats. Les 560 pages de sa dernière édition sont si lourdes à suivre à la lettre que certaines (rares et courageuses) publications choisissent de s’en affranchir.

Une version simplifiée et pratique du Bluebook est disponible sur le site du Legal Information Institute (LII) de Cornell : Introduction to Basic Legal Citation (online ed. 2017) by Peter W. Martin (version PDF). Une autre plus développée mais ne dépassant pas 53 pages est disponible ici : The Law Student’s Quick Guide to Legal Citation by The Boston University School of Law Legal Information Librarians, edited by Steve Donweber, Pappas Law Library, Boston University School of Law, 2012 (PDF).

Même s’il n’est pas si aisé que ça à utiliser, un formulaire en ligne gratuit propose de vous aider à formaliser votre citation : http://www.citationmachine.net/bluebook-law-review/.

Toutefois, pour des raisons de cohérence et de facilité de lecture, il est conseillé de suivre les règles de citation de la langue principale de votre "paper". Si donc votre note juridique est rédigée en anglais et destinée à des Américains, il est recommandé de suivre les règles du Bluebook.

Emmanuel Barthe
bibliothécaire documentaliste juridique

Notes

[2NB : si vous ne voulez pas formater vous-même vos citations de A à Z, il existe de nombreux logiciels d’aide à la gestion et à la rédaction des références bibliographiques. Ils gèrent aussi l’appel à citation dans le texte. Mais ils vous laisseront quand même du travail ;-) Exemples de logiciels : Zotero, Mendeley, Endnote, BibTeX, etc.

[4Des collègues m’ont signalé de nombreuses déviations chez des éditeurs pourtant membres du SNE. NB : Lexbase n’est pas membre du SNE.

[5Cette suggestion est la reprise d’un souhait de Jean Gasnault (La Loi des Ours). Cf la problématique des "walled gardens".

[6Post de Rémy Lérignier sur X (ex-Twitter), 19 octobre 2023.