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Trouver et analyser un projet de loi en discussion au Parlement
Définitions, méthode de recherche et surtout les clés pour comprendre

Vous cherchez un projet ou une proposition de loi en cours de discussion à l’Assemblée nationale ou au Sénat et vous ne trouvez rien ?

Ou bien vous trouvez mais vous ne comprenez rien ?

Ce billet est fait pour vous [1].

NB : déjà publiés sur ce blog, sur des sujets similaires :

Sommaire

1. Comprendre les mots

Déjà, les mots. Qu’est-ce qu’ils veulent dire ? C’est important, parce que si on ne sait pas de quoi on parle, on risque de ne pas trouver le document correspondant.

Projet de loi, proposition de loi — mais aussi loi, décret, arrêté — : tous ces documents sont souvent simplement appelés des "textes". Une fois publiés au Journal officiel, ils deviennent des "textes officiels".

Un "projet de loi" (abrégé en PJ ou en PJL), cela veut dire que c’est le Gouvernement qui a rédigé le texte.

Une "proposition de loi" (abrégée en PP ou en PPL), c’est différent : cela signifie que c’est un parlementaire (un député ou un sénateur) qui a rédigé le texte. Enfin, rédigé c’est beaucoup dire ... Souvent, c’est un groupe d’intérêts [2] ou un juriste qui l’a rédigée pour eux. Les parlementaires sont rarement juristes et la moindre erreur de droit dans la rédaction de la proposition de loi l’amènera à la poubelle.

Comme l’écrit le JDD [3], les PPL, comme elles sont la plupart du temps écrites sans le soutien de l’exécutif, « ne sont très souvent même jamais inscrites à l’ordre du jour des débats de l’Assemblée ou du Sénat, et tombent ainsi dans les oubliettes parlementaires. Pour les en faire sortir, les oppositions peuvent toutefois utiliser leur "niche parlementaire", un jour par mois, lors duquel elles peuvent choisir les textes débattus dans l’hémicycle. Entre 2017 et 2022, 2 419 PPL ont été déposées (2 226 à l’Assemblée, 193 au Sénat), et 114 seulement ont été adoptées définitivement, alors que 240 des 320 projets de loi l’ont été. »

Certaines rares grosses propositions de loi, on le verra plus loi, sont cependant écrites de facto par ou avec le soutien de l’exécutif. Celles-ci ont toutes les chances d’être adoptées.

Un "dossier législatif", c’est une page web qui, sur un projet ou une proposition de loi donné, retrace toute la procédure parlementaire (tout ce qui est arrivé à ce texte, toutes ses différentes versions et étapes) et liste tous les documents importants.

L’Assemblée nationale (parfois abrégée en AN) et le Sénat sont des assemblées parlementaires. On dit aussi des chambres [4]. L’ensemble de ces deux assemblées, c’est le Parlement. Un député, un sénateur, peut aussi s’appeler un parlementaire.

2. Le circuit d’un projet de loi

En général, le Gouvernement confie son projet de loi à l’Assemblée en premier. Parce que les députés sont plus représentatifs de la population, mais aussi plus "obéissants" aux consignes des chefs de la majorité. Mais ce n’est pas obligatoire.

Ensuite, la procédure parlementaire se déroule une chambre après l’autre — sauf en cas de commission mixte paritaire (CMP, voir un peu plus loin).

Comme il y a deux assemblées, pour qu’un projet de loi ou une proposition de loi soit adopté, il faut que l’Assemblée nationale et le Sénat se mettent d’accord. Un texte ne peut être considéré comme adopté par le Parlement que s’il a été voté dans les mêmes termes, à la virgule près, par les deux chambres (article 45, alinéa 1, de la Constitution) [5]. Évidemment, pour éviter un blocage, une des deux chambres est plus "puissante" que l’autre : c’est l’Assemblée nationale. C’est elle qui gagne en cas de désaccord [6].

Pour arriver à cet accord, il va falloir que le texte soit examiné par l’une puis l’autre assemblée. Le texte va donc circuler entre l’AN et le Sénat. Ce circuit, ces allers-retours, c’est ce qu’on appelle la navette parlementaire.

Plus précisément, comme l’unité de base de la discussion parlementaire est l’article (discussion et vote se font article par article, puis on a un vote global sur le texte), si au cours de la procédure parlementaire, un article est adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, il est définitivement adopté. C’est la conséquence de l’art. 45, al. 1 de la Constitution [7] précité. Il ne sera donc plus discuté au cours du reste de la procédure et — c’est un point capital pour les veilleurs — il ne figurera plus dans les "textes adoptés" ultérieurs (les différentes versions du texte publiées sur les sites web parlementaires). Pour être clair à 100% : si un article disparaît au cours de la navette parlementaire, cela ne veut pas forcément dire qu’il a été supprimé. Méfiez-vous : revenez en arrière dans la procédure, recherchez l’article (par son numéro) et regardez ce qui lui est arrivé.

Si les deux assemblées n’arrivent pas à se mettre d’accord, elles doivent alors réunir une dizaine de membres de chaque côté pour une commission mixte paritaire (CMP). Et si cette CMP échoue, eh bien, comme expliqué plus haut, c’est l’Assemblée qui aura le dernier mot.

Pour trouver un document parlementaire, il faut aussi savoir où il se trouve, plus précisément à quelle étape du circuit il se trouve. Sinon, les risques de confusion et de version pas à jour sont bien réels.

Regardons donc la procédure parlementaire classique plus en détail.

3. La procédure parlementaire en détail

NB : un schéma très clair (et surtout complet et exact) de la procédure législative est disponible sur le site de l’éditeur LexisNexis.

 Un ministère prépare un avant-projet de loi. Le plus souvent, ce texte n’est pas public. Il est en revanche soumis aux groupes d’intérêts qui donnent leur avis et il est souvent modifié suite à cela. Cela peut aussi être l’inverse : des lobbies préparent un texte ou plus souvent des morceaux de texte (un projet de réforme de tel ou tel article de loi par exemple) et les font parvenir au ministère. Le lobbying le plus efficace et le moins visible se fait toujours *en amont* du projet de loi.

Dans l’élaboration des projets de loi, le rôle des groupes d’intérêts est très important. On peut le voir avec le cas de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC » (sortie du plastique à usage unique d’ici 2040, lutte contre l’obsolescence programmée, le gaspillage alimentaire et les dépôts sauvages de déchets ...) : parmi les représentants d’intérêts inscrits au répertoire, 264 (et pas uniquement des fédérations professionnelles ...) ont déclaré des activités de lobbying destinées à influencer l’élaboration de la loi et/ou son application [8]. Autre exemple, plus ancien, mais portant sur un véhicule juridique bien connu et qui montre bien l’aspect "en amont" du lobbying : la société par actions simplifiée qui, depuis sa création par une loi de 1994 [9], est devenu la forme sociale standard pour les créations de société en France et est en passe de remplacer la SARL. L’origine de cette forme de société beaucoup plus souple, beacoup moins formaliste que la SA ou la SARL, n’est autre qu’un rapport d’un groupe de travail du CNPF [10] [11].

 Lors du Conseil des ministres (les comptes-rendus du Conseil des ministres sont publiés en ligne), qui se tient le mercredi entre midi et 14h, le texte est officiellement présenté.

 Pour les réformes importantes, le ministre tient une conférence de presse, souvent le jeudi qui suit, à laquelle la presse est invitée. Un communiqué du ministère, un dossier de presse sont publiés sur le site du ministère à cette occasion. Pour autant, le texte intégral du projet de loi est rarement diffusé à ce moment-là. But du jeu : donner le maximum de publicité au texte grâce à la présence des journalistes. C’est à ce moment-là que le grand public commence à être au courant du projet de loi.

 Certains projets de texte de loi sont élaborés par des parlementaires et non par le Gouvernement. C’est ce qu’on appelle une proposition (et non un projet) de loi.
NB : souvent, ce sont de fausses propositions de loi : l’agenda du Gouvernement au Parlement étant surchargé, le Gouvernement confie en fait son projet de loi à des parlementaires pour qu’ils le fassent passer sur l’agenda réservé au Parlement. Un exemple est le texte de réforme de la prescription civile : bien que d’origine gouvernementale, le texte est présenté en 2007 par le sénateur Jean-Jacques Hyest, sous la forme donc d’une proposition de loi. M. Hyest est administrateur territorial de profession, et il a renforcé ses compétences en droit en présidant la commission des Lois au Sénat depuis 2004.

 Aussitôt le projet présenté en Conseil des ministres le Gouvernement le transmet (généralement) à l’Assemblée nationale. En général, c’est à ce moment-là que le texte intégral du projet de loi est publié (sur le site web de la chambre qui commence l’examen du texte).
NB : parfois, le Gouvernement choisit de confier le texte d’abord au Sénat. Notamment lorsqu’il s’agit de réformes importantes du droit français parce que les parmi les sénateurs, il y a nettement plus de juristes de profession que chez les députés. Là aussi, un bon exemple est la réforme de la prescription civile, adoptée en 2008.
Important : le texte transmis par le Gouvernement (pas les PPL) doit être systématiquement accompagné par un exposé des motifs (pourquoi le Gouvernement veut que le Parlement adopte ce texte) et une étude d’impact (qu’est-ce que ce texte changerait dans le droit et son impact économique). C’est une obligation, sanctionnée par l’art. 39 al. 4 de la Constitution [12]. Beaucoup de détails croustillants, parfois des révélations, sont plus ou moins cachés dans ces documents, surtout dans l’étude d’impact (comme elle est assez longue, elle est souvent ignorée par les journalistes).

 Une étape clé se tient alors : il faut placer les divers examens du texte dans l’agenda systématiquement surchargé de l’Assemblée nationale et du Sénat.
On peut alors fortement ralentir la progression du texte. C’est ainsi que des projets de loi, déposés tardivement — disons 6 à 8 mois avant les élections législatives — ne trouvent pas place dans l’agenda parlementaire et sont ainsi recalés sans examen ni vote. Mais jouer sur l’agenda et la lenteur de progression du texte peut également permettre de recaler un texte dont l’examen a commencé ... mais n’a pas été terminé avant la fin de la législature. En effet, pour éviter l’encombrement de l’agenda parlementaire (ou le "nettoyer" au bénéfice du nouveau Gouvernement qui veut faire passer rapidement les promesses du programme de sa majorité, tout dépend du point de vue), les textes non définitivement adoptés lors de l’ancienne législature doivent, pour que leur examen reprenne sous la nouvelle, être déposés à nouveau, sauf s’ils sont devant le Sénat — car à l’AN, c’est la "table rase". C’est ce qu’on appelle le problème de la caducité des projets et propositions de loi [13].
De plus, les périodes réservées aux projets de loi (du Gouvernement, donc) dans le calendrier du Parlement sont très étendues. Les propositions de loi n’ont donc que peu de temps pour être étudiées. Mais cela ne suffit pas toujours au Gouvernement qui, parfois, fait littéralement porter, à sa place, un projet de texte par un parlementaire. Il lui "confie le bébé". En échange, le parlementaire se verra confier par le Gouvernement une mission ou une responsabilité particulière. Autrement dit, un projet de loi est déguisé en proposition de loi parce que l’agenda du Parlement est tellement encombré qu’il n’y a plus de place dans les périodes réservées au Gouvernement — surtout si la réforme en question est un sujet vaste, qui va prendre pas mal de temps. C’est ce qui s’est passé pour les grandes réformes du droit civil ces quinze dernières années, avec en sus le fait que les sénateurs sont souvent plus compétents en droit que les députés : prescription civile, droit des obligations et contrats.

 Selon son sujet, le texte se voit assigné (ou pas ...) une des diverses commissions [14], pour l’examiner et le modifier (une proposition de modification s’appelle un amendement). Beaucoup de choses se jouent à ce moment-là :

  • si aucune commission ne lui est affecté, cela signifie que le texte est mis à la poubelle
  • en commission, les réunions ne sont pas forcément publiques. Des articles clés du texte peuvent donc être défigurés en petit comité et discrètement. Si un groupe d’intérêts a raté le coche lors de l’étape de l’avant-projet de loi, c’est le moment pour lui, à travers les députés qui sont de son "bord", de re-tenter le coup
  • un amendement doit passer un double filtre : le "traitement" par les services de la commission ou de la séance (mise en forme du dispositif juridique, corrections légistiques) et celui, impitoyable [15], de la recevabilité financière (le fameux article 40 de la Constitution : il interdit aux initiatives parlementaires d’augmenter les charges publiques ou de baisser les recettes) par une cellule dédiée d’administrateurs de la commission des finances (le "tampon" final émane cependant du président de cette commission sur délégation du président de l’Assemblée) [16]. A noter que les propositions de lois sont elles aussi soumises à l’examen de leur recevabilité financière [17]
  • les amendements déposés par les membres de la commission sont publiés sur le site de l’assemblée parlementaire. Les amendements sont soumis à l’avis de la Commission (noté derrière un C majuscule) et du Gouvernement (derrière un G). Un avis défavorable condamne généralement à mort l’amendement
  • récemment (le 15 novembre 2018), une petite révolution a eu lieu dans la publication des amendements à l’Assemblée nationale. Désormais, les amendements sont « visibles dès la fin du délai de dépôt, sans attendre le passage par le service de la commission ou par l’examen de séance et recevabilité financière, ce qui est déjà possible au Sénat »
  • une fois examiné, modifié et adopté par la commission, le texte en résultant est envoyé aux autres députés (tous les députés, donc), qui peuvent à leur tour proposer des amendements. Qui sont eux aussi soumis à l’avis de la commission et du Gouvernement et publiés sur le site.
    Important : la version du texte adoptée par la commission est publiée (pas tout de suite ...), soit comme « texte de la commission » soit comme annexe d’un document appelé « rapport [...] fait au nom de la commission ». Si une deuxième commission a été consultée (pour avis seulement), son avis est également publié. Ces rapport et avis présentent en détail le texte, retracent les débats en commission et mentionnent, article par article, les modifications adoptées.

 C’est cette version modifiée du texte (et non le texte déposé, comme c’était le cas avant la réforme constitutionnelle Balladur) qui passe ensuite en séance plénière. La séance est publique : les citoyens peuvent y assister et les débats sont retransmis sur la Chaîne parlementaire (LCP). Le projet de loi est alors beaucoup plus visible de la presse et des associations, mais il est alors trop tard pour espérer le modifier substantiellement : la plupart des modifications importantes ont déjà été faites, en commission ...

 Le texte est alors voté. Généralement, les articles (tels qu’adoptés par la commission) et les amendements déposés « en séance » sont votés un par un. Le député auteur d’un amendement est appelé à le justifier brièvement. Puis l’ensemble du texte fait l’objet d’un vote final.

Il est *extrêmement rare* que les députés ou les sénateurs votent majoritairement contre un projet de loi. En effet, afin de s’éviter une humiliation publique, le Gouvernement "sonde" très discrètement les leaders de sa majorité parlementaire avant chaque projet de loi un tant soit peu "chaud". De plus, un député de la majorité qui ne respecte pas les consignes de vote (consignes est le terme utilisé, mais en réalité ce sont des ordres) sera presque systématiquement exclu de son groupe parlementaire puis du parti. Autant dire viré. Or, en pratique, il est quasiment impossible de se faire réélire à la fin de son mandat sans l’adoubement et les aides financières du parti.

Les parlementaires de l’opposition demandent systématiquement un renvoi en commission ou la question préalable, deux procédures qui équivalent à un rejet du texte. Ces demandes sont tout aussi systématiquement repoussées par la majorité. En fait, ces motions de rejet préalable et de renvoi en commission sont devenues l’occasion pour l’opposition d’un temps de parole supplémentaire.

Les deux seuls vrais risques que court le Gouvernement sont le manque de députés en séance (c’est arrivé) et une censure suite à un 49.3 (ça n’est pas encore arrivé).

Le premier risque réel est que les députés soient si peu nombreux en séance que l’opposition, alors plus nombreuse, réussisse à obtenir un vote contre [18]. Mais cela arrive très rarement.

Un autre risque rare pour le texte — un peu moins rare depuis les élections législatives de 2022 [19] — est l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, dit d’ "engagement de responsabilité". Le 49.3 permet au gouvernement de faire passer le texte qu’il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure qu’un dixième de l’Assemblée se doit de déposer. Mais si l’Assemblée vote la censure, le Gouvernement doit alors démissionner. L’utilisation du 49.3 n’a cependant encore jamais conduit au renversement d’un gouvernement. Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, hors projets de loi de finances (PLF) ou de financement de la sécurité sociale (PLFSS), l’article 49.3 ne peut être utilisé que sur un seul texte au cours d’une même session parlementaire [20].
Précisions utiles de Pierre Januel sur le 49.3 :

« Le gouvernement peut engager sa responsabilité sur tout ou partie d’un projet de loi. Il peut même l’engager plusieurs fois. Sur la CSG, Rocard avait d’abord enclenché le 49.3 sur quelques articles, avant de le demander sur le texte.
Une fois le 49.3 dégainé, le Gouvernement définit le contenu du texte. Il peut retenir — ou écarter — certains des amendements ou sous-amendements qui ont été déposés. Il peut même déposer ces amendements à la dernière minute.
Un usage veut que le Gouvernement ne demande pas de revenir sur des articles déjà adoptés (ou rejetés), SAUF à attendre la fin des débats pour demander la "seconde délibération" — merveilleux outil du parlementarisme rationalisé [21]. La seconde délibération permet au gouvernement (ou à la commission) de demander de refaire certains votes [22].
Les textes encadrent peu le 49.3. Attendre la fin des débats pour dégainer ce combo seconde délibération + 49.3 ne relève que de l’usage.
Mais pour accélérer les débats, le 49.3 est souvent précédé d’un autre merveilleux outil du parlementarisme rationalisé : la réserve. La réserve des votes permet au gouvernement de dire qu’on votera plus tard (plus tard = quand il aura engagé le 49.3). Les députés débattent alors à vide. C’est assez décourageant et c’est un bon moyen d’accélèrer les débats. La réserve a été très utilisée dans le passé, mais a, au final, été rarement employée sous E. Macron. »

 La chambre du Parlement qui vient de voter publie souvent une version temporaire du texte adopté, la "petite loi" :

  • elle n’est pas ce qu’on appelle un « texte adopté » (TA) qui est la version officielle
  • ce format présente l’inconvénient de présenter le texte avec sa numérotation provisoire, et parfois de comporter corrections typographiques et indications d’imprimerie
  • surtout « seul le texte des articles qui ont été modifiés continue d’apparaître dans la petite loi puis dans le texte adopté. Quand un article n’a été modifié ni en commission, ni en séance publique, son texte disparaît au profit de la mention informative "conforme" puis, lors de la lecture suivante, d’une ligne de points sans mention du numéro de l’article » [23].

 Puis le texte adopté (TA = version définitive) est publié sur le site de l’AN et transmis au Sénat. Qui le re-publie illico avec son logo, sa numérotation à lui et sa mise en page à lui, sur son site ! [24] Cela paraît absurde, mais c’est ainsi : on ne travaille pas sur le texte de l’autre, on se l’approprie en le re-publiant avec sa mise en page, son logo etc. C’est la traduction du fait que les chambres sont indépendantes l’une de l’autre. A chaque étape dans chaque assemblée, c’est pareil : on re-publie ce qu’on vient de recevoir de l’autre assemblée. Il n’y a donc aucune différence entre ces deux versions-là du texte et c’est normal.

 Et re-belote au Sénat : agenda, commission, amendements en commission, adoption en commission, amendements des députés, séance plénière, vote.

 Si les deux assemblées tombent d’accord (ce qui veut dire que le Sénat a voté le même texte à la virgule près ...), le texte est définitivement adopté.
Pas d’accord ? Si le Gouvernement a engagé (ordonné, en réalité) la procédure accélérée (on disait autrefois « déclaré l’urgence ») [25], réunion de suite d’une commission mixte paritaire (CMP, voir infra). Si pas de procédure accélérée, deuxième lecture par les deux assemblées.

 La commission mixte paritaire (CMP) : sept députés plus sept sénateurs [26] négocient un compromis sur les points restant en discussion. En pratique, ce sont les président des deux délégations qui se rencontrent avant la tenue de la CMP pour négocier.
Juridiquement, la CMP n’est pas automatique. Une CMP, pour se tenir, suppose qu’elle ait été convoquée. La réunion d’une CMP est en effet une décision du Premier ministre (que ce soit un projet ou une proposition de loi) ou des présidents des deux assemblées (uniquement dans le cas d’une proposition de loi). Depuis la révision constitutionnelle de 2008 cette faculté des présidents des chambres n’a été utilisée qu’une seule fois, pour la proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation des détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation. En pratique, la CMP est systématiquement convoquée en cas de désaccord entre les deux assemblées. Mais le délai de convocation, lui ... Regardez donc la proposition de loi sur le régime juridique des actions de groupe (dites "class actions") : la procédure accélérée a été déclarée par le Gouvernement et le Sénat a voté en première lecture le 7 février 2024 une position différente de celle de l’AN. Donc, depuis le 7 février, une CMP aurait pu être convoquée ... mais ne l’a toujours pas été. Manque d’enthousiasme de l’éxécutif, encombrement de l’agenda parlementaire, la présidente de l’AN est de la majorité présidentielle ... : probablement un peu de tout ça.
Les sénateurs sont un peu plus sous pression durant cette négociation que les députés puisque ce sont les députés qui trancheront in fine s’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, sans compter les pouvoirs du Gouvernement (amendements après accord en CMP et transmission de l’accord aux deux chambres, voir infra). Cela dit, les députés n’ont pas intérêt à écraser trop fort les orteils des sénateurs. Car une absence d’accord en CMP serait un échec politique très visible pour la majorité. Et si la majorité présidentielle à l’Assemblée passe en force, la majorité sénatoriale le lui fera payer plus tard.
Or la CMP, c’est quand même 30% des des lois promulguées de 1959 à 2013. Et la CMP, c’est le plus souvent un compromis : dans ces 30% de textes qui ont nécessité la réunion d’une CMP, 20% ont fait l’objet d’un accord en CMP, le dernier mot n’ayant été donné à l’Assemblée nationale que pour 10% des lois promulguées, après échec de la CMP [27] [28].
Important :

  • les débats se tiennent à huis-clos. Leur publicité peut se faire « seulement par un compte-rendu écrit qui fait état des travaux et des votes de la commission, ainsi que des interventions prononcées devant elle » [29]. Autrement dit : pas de vidéo, notamment pas de direct vidéo, donc pas de suivi en temps réel possible. La CMP est une "boîte noire" [30]
  • la CMP dépose un rapport : en général, le rapport de la CMP contient son projet d’accord sur les points restés en discussion. Il reste aux deux assemblées à voter ce projet d’accord, ce qui est quasiment "dans la poche" puisque la CMP réunit les députés et sénateurs les plus actifs sur le projet de loi et que, comme expliqué plus haut, la majorité n’a pas intérêt à passer trop en force
  • le Gouvernement n’est pas présent en CMP (en séance, il l’est), ce qui donne au législateur la possibilité de s’émanciper quelque peu de la discipline majoritaire. Mais le Gouvernement veille : d’une part, comme le relève Pierre Januel pour la newsletter Dalloz Actualité, « les portables de certains députés proches des ministres chauffent en pleine réunion, au plus grand agacement des sénateurs », d’autre part, comme l’écrit Jean-Jacques Hyest (sénateur UMP puis membre du Conseil constitutionnel) à la revue Pouvoirs, le droit donné au Gouvernement, et à lui seul, de proposer ou d’accepter après coup des amendements au texte adopté par la CMP peut lui permettre éventuellement de remédier à une dénaturation de ses intentions par la CMP [31]. Il y a une dernière raison — et non des moindres — pour laquelle les parlementaires doivent tenir compte de la position du Gouvernement : si le texte ne lui convient pas, il peut refuser de présenter les conclusions aux deux chambres [32]
  • lorsque les majorités au Sénat et à l’Assemblée sont du même bord politique, l’échec de la CMP est impossible. Dans l’autre cas, en revanche ... Depuis 2017, l’AN est à majorité LREM mais pas le Sénat, ce qui fut une des causes de l’échec de la CMP dans le projet de loi Pacte.

 Echec de la CMP (pas de texte de compromis) ou refus d’une assemblée de voter le compromis adopté par la CMP ? C’est reparti pour un tour (une autre lecture dans les deux chambres).

 La deuxième lecture ? Tout recommence exactement comme avant, si ce n’est que ça va un peu plus vite, car des deux côtés le sujet a été traité et il y a moins de choses à discuter.

 Accord entre les deux chambres ? Texte adopté.
Pas d’accord ? CMP.

 Echec de la CMP (pas de texte de compromis) ou refus d’une assemblée de voter le compromis adopté par la CMP ?
Sans procédure accélérée, c’est reparti pour un troisième tour. Mais ce sera le dernier. Car en pratique, le Gouvernement décide systématiquement à la fin de ce troisième tour de demander à l’Assemblée nationale de trancher [33].
Avec la procédure accélérée, pas de troisième tour. Le Gouvernement décide systématiquement de demander à l’Assemblée nationale de trancher.

 60 députés ou 60 sénateurs — de l’opposition, forcément — peuvent alors saisir le Conseil constitutionnel, ce qui retarde l’adoption finale du texte d’un mois maximum, puisque le Conseil a un mois maximum pour rendre sa décision.

 Le texte est transmis au secrétariat général du Gouvernement (SGG), qui le dépose sur la table du président de la République pour signature. Le président n’a pas le choix : il *doit* signer le texte [34] et il a 15 jours pour le faire, selon l’article 10 de la Constitution. C’est ce qu’on appelle la promulgation de la loi.

 La Constitution ne prévoyant pas de délai minimal entre l’adoption définitive de la loi et la promulgation, une promulgation rapide permettrait en théorie de faire obstacle à une saisine du Conseil constitutionnel. En pratique, le Président de la République attend un nombre de jours suffisant pour donner le temps aux titulaires du droit de saisine de mettre en œuvre la procédure de l’article 61 s’ils le souhaitent. Les services du Conseil constitutionnel, de leur côté, font une veille sur la probabilité qu’un groupe de parlementaires fasse une saisine. Et préviennent le SGG s’il y a un risque de saisine et de son éventuelle réalisation.
En 1997, toutefois, le Conseil constitutionnel a été saisi de la constitutionnalité de la loi portant réforme du service national alors que le décret de promulgation avait déjà été signé. Il s’est alors déclaré incompétent [35].

 Autre possibilité d’interruption du délai de 15 jours pour signer la loi, le président peut demander au Parlement d’examiner à nouveau une partie ou la totalité de la loi [36]. La nouvelle délibération peut notamment avoir lieu après une décision du Conseil constitutionnel, afin de substituer de nouvelles dispositions conformes à la Constitution à celles qui ont été annulées [37].
En pratique, la demande de nouvelle délibération est exceptionnelle. Ainsi, en 2003, l’article 4 d’une loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des députés européens, dont une disposition avait été déclarée contraire à la Constitution, a été soumis à une nouvelle délibération par le président de la République Jacques Chirac.

 Une fois la signature du président faite, le texte est transmis à la Direction de l’information légale et administrative (DILA, ex-Journaux officiels), l’éditeur officiel de l’Etat, pour être publié dans l’édition Lois et décrets du Journal officiel de la République française (JORF).

 Le lendemain de la publication au JO, le texte de loi devient obligatoire (entrée en vigueur). Sauf dispositions contraires sur cette date d’entrée en vigueur. Ces dispositions, très fréquentes dans les grandes réformes législatives/longs textes de loi, sont en général dans les derniers articles de la loi.

 Il reste souvent encore, pour le Gouvernement :

  • à prendre les textes d’application de la loi : décrets et arrêtés (publiés au JORF Lois et décrets). Et là, le lobbying — ou la mauvaise volonté gouvernementale — peut reprendre du service. Car s’il y de nombreux moyens d’enterrer une loi, la priver de ses décrets ou de ses arrêtés d’application en est un très efficace. Un exemple : les décrets d’application de la loi Aubry du 4 juillet 2001 sur l’interruption volontaire de grossesse : à part un décret pris rapidement, les autres ont traîné plus de trois ans avant d’être soit pris. Modifier une réforme peut aussi passer par une influence sur ses décrets d’application. Exemple clair dans cet article du Monde [38]
  • voire à préciser aux administrations comment cette application doit se faire concrètement, par une circulaire (publiée sur circulaire.legifrance.gouv.fr, le Bulletin officiel (BO) du ministère ou son site web).

4. Le cas particulier des projets de loi de finances

Les PLF (projets de loi de finances) représentent un cas particulier. Leur préparation s’étale tout au long de l’année, de janvier à décembre. Et chaque année, rebelote. Sur les étapes de leur adoption, lisez l’excellent article du site web de Bercy : Le projet de loi de finances (PLF), comment ça marche ?, par Bercy Infos, 24 septembre 2018. A noter tout particulièrement (pour la liste exhaustive, voir l’article précité) :

  • janvier : le Gouvernement fixe le cap. Le Premier ministre détermine les priorités du Gouvernement en matière de politiques publiques
  • février : réunions techniques. Bercy analyse et évalue avec les ministères l’exécution de l’année passée et leurs besoins en crédits et emplois pour l’année à venir
  • mars : réunions de performance. Bercy établit avec les ministères les indicateurs de performance sur lesquels leur action sera évaluée
  • mai : conférences budgétaires. Bercy négocie avec les ministères pour fixer les montants des crédits et les emplois qui pourront leur être alloués pour remplir leurs missions
  • juin : Procédure d’arbitrage et lettres-plafonds. Le Premier ministre rend son arbitrage et adresse aux ministres une lettre-plafond arrêtant les plafonds de crédits et d’emplois qui leur sont alloués
  • juin : débat d’orientation des finances publiques. Les plafonds de dépenses et d’emplois et les indicateurs de performance font l’objet d’un rapport présenté au Parlement lors du débat d’orientation des finances publiques
  • septembre : le Gouvernement saisit le Conseil d’État pour avis sur les dispositions du projet de loi de finances. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), un organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes, émet un avis sur le cadrage économique du projet de loi et sa cohérence avec la loi de programmation des finances publiques en vigueur ainsi que sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses.
    Adoption du projet de loi de finances en conseil des ministres, le même jour : présentation devant les commissions des finances du Parlement et à la presse
  • octobre-décembre : examen du projet de loi de finances par le Parlement. Le projet de loi est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre. Les parlementaires disposent alors de 70 jours pour examiner, amender et voter le projet de loi. De jure (députés et sénateurs ne peuvent ni créer de nouvelles dépenses, ni supprimer des ressources, sauf à les compenser par une autre recette) comme de facto, la marge de modification des PLF par les parlementaires est extrêmement limitée
  • 30 ou 31 décembre : la loi de finances est publiée au Journal officiel.

5. Comment trouver un texte en discussion au Parlement

Nous pouvons maintenant voir comment nous allons chercher et trouver le bon document.

 Déterminer — par une petite recherche Google, la lecture des journaux, ou en regardant sur Wikipedia — le titre le plus exact et officiel possible du texte et s’il s’agit d’un projet ou d’une proposition de loi. Un exemple : loi El-Khomri ou loi Travail, pour ce type de recherche, ça peut le faire, mais indirectement, pas d’un seul coup. C’est : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Notez bien : "projet de loi" et non pas "loi" tout court.
Essayer aussi de savoir si et quand (date précise) le projet est passé en Conseil des ministres et si et quand il a été déposé à l’Assemblée ou au Sénat.

 Googler le titre officiel du projet ou de la proposition de loi. Si nécessaire ajouter les mots assemblee OR senat (sans les accents de préférence).

 Pas trouvé ? Changer de mots-clés. Utiliser des synonymes. Par exemple remplacer entreprises par sociétés. On peut s’être trompé notamment du fait du nom donné au PJ par les journalistes.

 Sur les deux sites AN et Sénat, vérifier les derniers documents publiés. Car il arrive que les documents soient annoncés mais pas encore publiés, essentiellement à l’AN [39], même si ce phénomène est en net recul [40]. Si c’est le cas, envoyer un mail au député (adresse mail sur sa fiche biographique sur le site de l’AN), son assistant parlementaire répondra.

 Une fois trouvé une version du texte sur le site d’une des deux assemblées, remonter du texte au dossier législatif. Si l’autre chambre a travaillé sur le projet ou la proposition de loi, ce sera mentionné dans le dossier. Il suffit alors de suivre le lien vers le dossier législatif sur l’autre site.

 Vérifier que le document trouvé est bien à jour. Qu’il est bien la dernière version du texte. Attention aux amendements, surtout s’ils ont déjà été adoptés : ils ne sont pas tout de suite intégrés au texte. Il faut alors aller chercher les amendements dans la base des amendements du projet de loi (accessible par des liens situés dans le dossier législatif) [41].

Attention : si la deuxième assemblée a déjà travaillé sur le texte, ne *jamais* se contenter d’un seul des deux dossiers législatifs, quand bien même avec tous ces liens on a l’impression que le dossier est complet sur le travail des deux assemblées. *Toujours* consulter l’autre dossier législatif. En effet, ni l’AN ni le Sénat ne listent dans *leur* dossier la totalité des documents et liens de *l’autre* chambre, particulièrement les communiqués de presse, les amendements et les comptes-rendus des débats en séance plénière et en commissions.

Bon courage !

Emmanuel Barthe
bibliothécaire documentaliste juridique, veilleur, spécialiste des données publiques juridiques

Pour aller plus loin / bibliographie

A part les deux sites parlementaires, pour rechercher un document parlementaire ou réaliser une veille sur un projet de loi, il existe d’autres outils, notamment TP de Francis Lefebvre et Contexte (payants), Pappers Politique qui exploite l’Open data et la Loi en construction (récemment intégrée à chaque site parlementaire). Carole Guelfucci les liste dans son billet La recherche des travaux parlementaires et les outils de surveillance de ces travaux. A ajouter à sa liste deux outils cités par Jean Gasnault :
Pluralisme et Dixit.

Des outils pour vous aider

En plus des sites web de l’Assemblée nationale et du Sénat, et des retransmissions en vidéo des débats qu’ils assurent, il y a :

  • Google ou Bing avec l’opérateur site :
  • La Chaîne Parlementaire (LCP) (gratuit)
  • Pappers Politique : recherche (gratuite) et alerte email et transcription vidéo (payants) dans les travaux parlementaires
  • Doctrine (payant) : recherche et alerte email dans les travaux parlementaires
  • NB : les plateformes en ligne des éditeurs juridiques ne contiennent pas les travaux parlementaires.

Notes

[1Pour les juristes : oui, j’ai consulté des ouvrages de droit constituionnel pour valider tout ceci. Les tweets et articles de Pierre Januel, notamment dans L’Hémicycle ont aussi été très utiles. Voir la bibliographie en fin de billet.

[2J’utilise volontairement le terme groupe d’intérêts, car il fait moins louche que "lobby". En effet, une association de consommateurs ou de défenseurs de l’environnement, c’est aussi un groupe d’intérêts. Sur ce sujet, voir notre billet Lobbying : de la naïveté en politique.

[3C’est quoi une PPL ?, par Christine Ollivier, Le JDD.fr (site web du Journal du Dimanche), 17 novembre 2022.

[4Pourquoi le terme chambre pour désigner une assemblée parlementaire ? Parce qu’à l’origine, il pouvait désigner toute pièce et qu’au Moyen-Age et jusqu’à Louis XIV, le roi et les nobles, détenteurs du pouvoir, pour traiter leurs affaires, recevaient dans leur chambre à coucher. Au Moyen-Age, de plus, c’est la pièce à vivre.

[5Art. 45 al. 1 de la Constitution : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. »

[6En dehors du besoin de sortir du blocage, la raison pour laquelle l’Assemblée prévaut sur le Sénat est qu’elle est plus représentative des Français que le Sénat. En effet, les sénateurs ne sont pas élus directement par les citoyens. Elus par des élus locaux, ils sont censés représenter les territoires, pas les personnes.

[7Voir Connaissance de l’Assemblée > n° 5 Les principales étapes de la procédure législative > Troisième partie De la navette à la promulgation > Chapitre I La navette entre les assemblées > Section 1 - L’accord spontané entre les assemblées : la navette classique : « Comme le prévoit l’article 45, alinéa premier, de la Constitution, tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. [...] la « navette » ainsi instaurée prend fin lorsqu’une assemblée adopte sans modification le texte précédemment adopté par l’autre assemblée. [...] Les articles conformes, qui ne figurent plus matériellement dans le texte des transmissions, ne seront pas appelés en discussion à partir de la lecture suivant leur adoption dans les mêmes termes. L’article 108 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que ces articles ne peuvent faire l’objet d’amendements que dans l’hypothèse de la coordination avec d’autres dispositions ou de la rectification d’erreurs matérielles (voir pour un exemple de cette exception JO Débats AN, séance du 19 décembre 1988, p. 3899). »

[8Le lobbying autour de la loi « AGEC », Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, 9 mai 2022. Selon la HATVP, sont notamment intervenus officiellement (on le sait grâce aux déclarations de 264 entités inscrites au répertoire des représentants d’intérêts) sur ce PJL : « l’entreprise spécialisée dans l’économie sociale et solidaire Castalie, par l’intermédiaire du cabinet de conseil Boury Tallon, l’ONG de protection de l’environnement WWF, l’association Surfrider Foundation Europe, l’organisation professionnelle Plastalliance, l’Association française de fabricants de films et sacs plastique, par l’intermédiaire du cabinet de conseil Domaines Publics, PlasticEurope AISBL, l’association Alliance Carton Nature, par le cabinet de lobbying Com’Publics, UFC-Que Choisir, l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP), l’organisation de défense de l’industrie du numérique, Tech’In France, l’Union des entreprises de proximité (U2P), le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l’association Amorce, qui représente les intérêts des collectivités en matière de gestion de l’énergie, des déchets et de l’eau, l’association Saveurs Commerce, qui recouvre la Fédération nationale des commerces alimentaires spécialisés de proximité, la FDSEA du Calvados, l’entreprise Derichebourg Environnement, maison-mère, et plusieurs de ses filiales spécialisées.

[9Dossiers législatifs : Assemblée nationale, Sénat. Loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 instituant la société par actions simplifiée, JORF n° 2 du 4 janvier 1994 p. 129.

[10Conseil national du patronat français.

[11Comme l’expliquent des spécialistes du droit des sociétés, « un groupe de travail du CNPF, présidé par Bernard Field à l’époque directeur juridique de Saint-Gobain, avait proposé en octobre 1990, un rapport intitulé "La Société anonyme simplifiée - Structure des rapprochements d’entreprises". En quelques années, avec quelques modifications dont celles de son intitulé, ce projet devenait la loi du 3 janvier 1994. La loi était toujours conçue pour aider au rapprochement des entreprises et seules des sociétés disposant d’un capital important pouvaient être associées d’une société par actions simplifiée. Il semble cependant que les membres de ce groupe de travail avaient bien en vue une formule ouverte à tous, mais il leur avait semblé que, pour faciliter le vote de ce projet, il était de bonne stratégie de limiter l’accès à la société par actions simplifiée. Il suffira alors de faire disparaître cette limite en 1999 pour ouvrir cette société à tous. » Source : La SAS 30 ans après sa création, par Michel Germain, Jean-François Hamelin, Matthieu Buchberger, Alain-François Cheneau, Jean-Jacques Ansault, Julia Heinich, Anne Rabreau, Bastien Brignon et Pierre-Louis Périn, Actes pratiques et ingénierie sociétaire, mai 2024 (accès réservé). Voir aussi pp. 13-14 de ce mémoire de DEA de 2000 sur la SAS soutenu par Aristidis Goulandris.

[12Aux termes de l’article 39, alinéa 4, de la Constitution, « les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des Présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. » Si la Conférence des Présidents constate la méconnaissance de cette obligation, le projet de loi ne peut être inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée parlementaire.

[13Les élections législatives ont lieu à l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale, soit qu’elle intervienne normalement cinq ans après les élections précédentes, soit qu’elle survienne par une dissolution prononcée par le Président de la République. Les pouvoirs du Sénat, en revanche, s’exercent continûment en raison de son renouvellement partiel tous les trois ans, même si après la dissolution de l’Assemblée, le Sénat cesse aussi de siéger — c’est une coutume républicaine en cas de dissolution.
Au moment de l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale (fin de la session), le plus souvent, des projets de loi, des propositions de loi et de résolution qui n’ont pas été définitivement adoptés par le Parlement sont encore déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale comme sur celui du Sénat.
Voici ce qu’il advient de leur sort :
Selon le site de l’AN — confirmé par celui du Sénat ainsi que par des observations du Gouvernement dans un contentieux devant le Conseil constitutionnel en 2012 :
« Au moment de l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale, voici le sort des projets de loi, des propositions de loi et de résolution qui n’ont pas été définitivement adoptés par le Parlement :
- Les projets de loi, les propositions de loi et de résolutions qui n’ont pas été définitivement adoptés par le Parlement et dont l’Assemblée nationale est encore saisie au moment où ses pouvoirs expirent deviennent caduques, qu’ils aient ou non fait l’objet d’une ou de plusieurs lectures devant l’une ou l’autre assemblée du Parlement. C’est ce que l’on appelle le principe de la "table rase".
- En revanche, ceux dont le Sénat est saisi ne sont pas affectés : le Sénat reste saisi indéfiniment des textes en instance sur son bureau. Il peut en poursuivre l’examen et, le moment venu, transmettre le texte à la nouvelle Assemblée.
Pour que l’Assemblée nationale nouvellement élue soit à nouveau saisie des projets et propositions devenus caducs, trois procédures sont prévues :
1. Le Gouvernement peut redéposer sur le bureau de l’Assemblée nouvellement élue les projets de loi devenus caducs et dont il souhaite voir poursuivre la discussion.
2. Le Président du Sénat transmet à l’Assemblée nationale nouvellement élue les propositions de loi adoptées par le Sénat qui sont devenues caduques à l’Assemblée nationale. Toutefois, pour celles qui avaient été déposées par des sénateurs, la commission permanente du Sénat qui les avait examinées au fond peut déclarer qu’elles sont désormais sans objet et s’opposer à leur transmission à l’Assemblée nationale.
3. Les députés de la nouvelle Assemblée peuvent redéposer des propositions de loi devenues caduques avant d’être adoptées en première lecture. Dans ce cas, ces propositions de loi ne sont pas de nouveau soumises à un contrôle de leur recevabilité financière (article 40 de la Constitution). »

[14Les commissions se distinguent par les sujets qu’elles couvrent chacune. La plus large est la commission des lois. La plus puissante — notamment parce qu’elle examine le budget et toutes les mesures fiscales — est la commission des finances.

[15Probablement du fait de son inexpérience sinon par radicalité politique (selon lui-même), 40% des amendements du député RN Jean Philippe Tanguy en commission sur le projet de loi de finance (PLF) pour 2023 ont été déclarés irrecevables, contre 15% en moyenne.

[16La recevabilité financière, par Samuel Le Goff, blog Les cuisines de l’Assemblée, 16 novembre 2012. Petite révolution dans la publication des amendements, par Brice Lacourieux, blog Les cuisines de l’Assemblée, 15 novembre 2018. Un épais rapport de 2012, par Jérôme Cahuzac, alors président de la commission des Finances, fixe l’état de la jurisprudence : Rapport d’information déposé par la commission des finances sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires, Assemblée nationale, 21 février 2012.

[17Comme l’écrivait Samuel Le Goff dans Les cuisines de l’Assemblée en 2012 : « En général, une certaine "indulgence" préside à l’examen de recevabilité des propositions de loi, et heureusement, car un certain nombre ne résisteraient pas longtemps à un examen un tant soi peu poussé. Mais comme 98% d’entre elles ont vocation à ne pas être inscrites à l’ordre du jour, ce n’est pas trop grave. Et puis il arrive qu’une proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour, et qu’en cours d’examen, on se rende compte qu’il y a un souci de recevabilité financière … C’est alors au président de la commission des finances (et à lui seul) de statuer, et de déclarer éventuellement irrecevable, tout ou partie d’une proposition de loi. »

[18Pourquoi les députés sont-ils le plus souvent si peu nombreux en séance ? Théoriquement, le vote par procuration (le député donne sa clé électronique de vote à un de ses collègues) est limité. Mais en pratique ... Surtout, il est vital pour un député de passer du temps dans sa circonscription s’il veut être réélu. Il doit surveiller les groupes d’intérêts locaux, voir les maires, le préfet, prendre le pouls de sa circonscription et faire remonter les problèmes. Autrement dit, le vrai boulot d’un député est de faire l’"assistante sociale" de son territoire. C’est là qu’il a (un certain) pouvoir — pas à l’Assemblée, sauf s’il est le membre actif et compétent d’une commission influente — et c’est de là qu’il tient sa légitimité ... et son élection.

[21Voir Connaissance de l’Assemblée > n° 5 Les principales étapes de la procédure législative > Deuxième partie De l’appel à l’ordre du jour à l’adoption en première lecture > Chapitre III Les procédures particulières d’adoption > Section 3 - L’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte > §1. Les conditions de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement.

[22Voir Connaissance de l’Assemblée > n° 5 Les principales étapes de la procédure législative > Deuxième partie De l’appel à l’ordre du jour à l’adoption en première lecture > Chapitre II La phase d’examen détaillé > Section 3 - La conclusion du débat > §1. La seconde délibération.

[23Article Petite loi en France de Wikipedia. "Petites lois" : explications, Sénat.

[24Si le texte a commencé au Sénat, évidemment, c’est l’inverse.

[25Pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, la procédure accélérée est systématique.

[26Depuis 2009, quatre représentants pour la majorité et trois pour l’opposition, les sièges étant en outre répartis au sein de la délégation de chaque assemblée en proportion des effectifs des groupes. Les groupes qui ne peuvent désigner de titulaires disposent de suppléants qui, s’ils ne peuvent pas voter, participent à la discussion et ont ainsi la possibilité de contribuer à l’élaboration d’un accord de la CMP.

[27La CMP, lieu mystérieux de pouvoir, par Jean-Jacques Hyest, Pouvoirs n° 146 - Le renouveau du Parlement, septembre 2013, p. 83-92.

[28Il est à noter qu’en procédure législative européenne, en revanche, la première lecture suffit en général, parce qu’on y pratique beaucoup le trilogue, autrement la concertation à trois (Conseil , Commission, Parlement européen). Selon une note de Practical Law EU (accès réservé) titrée Ordinary Legislative Procedure : « In theory, the OLP can consist of up to three stages :

  • First reading
  • Second reading
  • Third reading or conciliation phase.

In practice, however, the vast majority of proposals for (new) EU acts are adopted at first reading, with very few reaching second reading and close to zero reaching the third reading or conciliation phase.
This trend has been accompanied by a rise in the use of informal trialogue meetings (also referred to as trilogues or interinstitutional negotiations). These are meetings during which the EP, the Council and the Commission aim to reach a compromise agreement on the text of a proposed legislative act, outside of the formal structure of the OLP envisaged in the TFEU. In the EP term 2009-14, there were more than 1,500 informal trialogue meetings.
In the past, formal trialogues were only used during the last stage of the OLP (third reading or conciliation phase). They were used as a last resort measure to try to reach agreement on a proposal, because if the third reading failed, the procedure would stop, and the Commission would have to draft a new proposal.
Over the last ten years, however, informal trialogues have been taking place more frequently during the first reading. This is reflected in the guidelines adopted by the institutions in 2007, through their Joint Declaration on practical arrangements for the co-decision procedure.
A reason for shifting trialogues to the first reading could be that there are no time limits during the first reading, so in principle the three institutions could negotiate a compromise for as long as necessary. Nevertheless, since informal trialogues have shifted to the first reading, the average time for adopting EU acts has dropped from around three years to 18 months. »

[29Commission Mixte Paritaire : publicité garantie mais direct interdit, Les Cuisisnes de l’Assemblée, 14 mars 2023.

[30Dans la boîte noire des commissions mixtes paritaires, par Pierre januel, Dalloz Actualité, 5 avril 2019.

[31La CMP, lieu mystérieux de pouvoir, par Jean-Jacques Hyest, Pouvoirs n° 146 - Le renouveau du Parlement, septembre 2013, p. 83-92.

[32La mystérieuse commission mixte paritaire, par Pierre Januel, L’Hémicycle Confidentiel, 17 mars 2023.

[33A noter que théoriquement, ça peut être plus compliqué que ça.

[34Ne pas avoir le choix, c’est ce qu’on appelle en droit une « compétence liée ». On a un pouvoir (une compétence) mais on n’a pas la possibilité de refuser de l’exercer. On est lié, coincé, on a les mains liées.

[35Voir la décision n° 97-392 DC du 7 novembre 1997 Loi portant réforme du service national.

[36Cette décision doit être contre-signée et donc acceptée par le Premier ministre, ce qui ne pose guère de problème vu qu’en général ils sont du même bord politique.

[37La nouvelle délibération, qui a lieu après l’adoption du texte par le Parlement, ne doit pas être confondue avec la « seconde délibération » par laquelle le gouvernement peut, pendant les débats et avant l’adoption du texte par une assemblée, demander un réexamen de certaines de ses dispositions. Cette seconde délibération est beaucoup plus courante, notamment lors de l’examen des lois de finances.

[39Cela paraît absurde, du point de vue de l’internaute et du citoyen d’annoncer un document sans le publier. Pour l’Assemblée nationale, en revanche, c’est logique. Je m’explique : il y a une procédure, héritée du papier et de l’imprimerie. Le document est d’abord déposé puis édité puis il y a un bon à tirer (BAT, une autorisation de publication en fait) qui doit être signé/validé par le député. Donc, l’AN signale le document sur son site dès son dépôt, mais ne peut pas le publier tant qu’il n’a pas été validé. De plus, pour s’assurer que les journalistes vont parler de leur proposition de loi, des députés leur en réservent parfois la primeur pendant 24h. Le document n’est souvent alors même pas annoncé sur le site web de l’AN.

[40Ce qui continue à arriver, c’est que dans un gros projet de loi, notamment de finances ou bien comme la loi Pacte, des textes adoptés sont annoncés dans le dossier législatif mais le texte intégral n’est disponible que le lendemain voire le surlendemain car très long, il nécessite correction, relectures et validations.