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Sortir de Google Search
Et réinterroger Bing, Perplexity.ai et Yandex

Cela faisait plus de dix ans que je ne voyais plus l’intérêt d’interroger les moteurs de recherche web rivaux de Google Search. Bing était inférieur à chaque test. En tout cas en matière juridique, presse et entreprises/finances.

Mais tout récemment, le retour du projet de loi de fusion de l’IRS et l’ASN m’a intrigué et, pour la forme, m’a amené à une vérification des motifs réels derrière ce projet.

Pour cela, j’ai commencé par Google avec fusion irsn asn puis avec fusion irsn asn flamanville, mais même en variant les termes de ma requête initiale (par exemple, par introduction de filetype:pdf), Google ne me donne pas ce que je supputais et qui pouvait expliquer l’acharnement de l’exécutif à fusionner les deux organismes, alors même qu’un post LinkedIn Pulse de Michaël Mangeon, docteur en sciences de gestion et chercheur associé à l’UMR 5600 Environnement Ville Société de Lyon [1], démontre que rien dans le rapport de l’OPECST, pourtant censé justifier la fusion, ne la justifie réellement.

Seuls Bing et Perplexity.ai [2] (où j’ai posé la question "Quelles sont les véritables raisons du projet de fusion entre les deux organismes français de sûreté nucléaire français IRSN et ASN ?") mettent en avant (i.e. dans les 10 premiers résultats) deux articles qui soulèvent les questions qui fâchent (la plus grande indépendance de l’IRSN et sa capacité de publier ses avis, capacité que l’ASN n’a pas) : un article de la cellule investigation de Radio France et un autre de la Tribune [3].

Google, lui, peu ou pas. Certes, Google trouve une dépêche AFP laissant entendre des choses [4] en 14e position, mais un 14e résultat dans une liste, de nos jours, n’est que très rarement consulté. D’autant que le premier résultat de Google, un billet de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) [5], noie habilement et diplomatiquement le poisson [6] tout aussi bien que l’autre billet de la SFEN consacré au sujet début 2023 [7].

J’ai modifié ma requête pour Google et Bing en "Quelles sont les véritables raison du projet de fusion entre les deux organismes français de sûreté nucléaire français IRSN et ASN ?" Cela n’a rien changé sur le fond : Bing donne dès les premiers résultats des articles plus "francs du collier" et Google des résultats très similaires à sa requête initiale.

J’ai utilisé le chatbot IA de Google, Bard, et le résultat, même si les critiques du projet s’y retrouvent, ne donne rien de mieux que Google. Autrement dit, aucune évocation chez Bard de l’aspect "IRSN trop indépendant et communiquant trop".

En utilisant le moteur russe Yandex, un billet du blog de Mediapart apparaît en 5e position. Son auteur estime carrément que cette fusion viole de facto la loi sur la transparence nucléaire.

Tout cela me rappelle les techniques des enquêtes OSINT, où on utilise plus souvent des moteurs alternatifs, comme Yandex, justement, pour identifier un lieu sur une photographie ou l’original d’une photo. Et m’amène à me poser une question : Google Search deviendrait-il politiquement correct ?

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique, veilleur

Notes

[1Le rapport de l’OPECST et la fusion IRSN-ASN, par Michaël Mangeon, 13 juillet 2023.

[2Perplexity est une IAG de type RAG donc basée sur les résultats d’un moteur, en l’occurence ... Bing. La synthèse est effectuée par GPT 3.5 ou 4 en version payante. Voir notamment : Can This A.I.-Powered Search Engine Replace Google ? It Has for Me, The New York Times, par Kevin Roose, 1er février 2024.

[3Sûreté nucléaire : enquête sur les dessous du projet de fusion entre l’ASN et l’IRSN, par Anne-Laure Barral, Cellule investigation de Radio France, 6 octobre 2023. Page web alternative sur le site France Info. La fusion IRSN-ASN pour plus d’efficacité ou plus de sûreté ?, par Charles Cuvelliez, La Tribune, 7 février 2024.

[4Derrière la fusion de l’IRSN et l’ASN, un débat sur la sûreté nucléaire en France, AFP, 20 décembre 2023. Cette dépêche amène la probable 3e vraie raison du projet de fusion : l’origine de l’IRSN : une loi portée par la ministre écologiste Dominique Voynet après Tchernobyl. Alors que depuis quelques années, dans le contexte d’une volonté de relance du nucléaire pour les besoins de la transition climatique, les écologistes se voient fortement reprocher d’avoir fait perdre en compétences la filière nucléaire français du fait de l’arrêt de construction de toute centrale pendant 20 ans.

[5Orano (ex-Areva), EDF et surtout le CEA sont dominants dans l’organigramme de la SFEN.