Qui est Jouve ?
L’ "imprimeur électronique" des éditeurs juridiques
Jouve est un acteur peu connu mais incontournable du monde de l’édition électronique française voire européenne, et tout particulièrement de l’édition électronique juridique. Il appartient au groupe Petites Affiches-EJA (Joly, LGDJ, ...) [1] qui a lancé le portail Lextenso.
Son métier principal ? : l’informatique éditoriale et documentaire.
Un "imprimeur numérique"
C’est en fait à l’origine un imprimeur, qui tout en gardant la maîtrise du métier de production des imprimés, s’est spécialisé dans l’édition, la diffusion et la recherche électroniques, notamment le traitement des gros volumes de données numériques et leur diffusion sur cédérom ou serveur Internet.
Il maîtrise donc les technologies de production éditoriale numérique : SGML, XML, feuilles de style XSL, bases de données, reconnaissance optique de caractères (OCR). La page de son site "Une Offre globale au service des Editeurs Juridiques" donne un peu plus de détails. Jouve est donc aussi, voire d’abord une société de services et d’ingénierie en informatique (SSII) éditoriale.
Jouve est également l’hébergeur de plateformes en ligne d’éditeurs juridiques .
Quelques réalisations pour le milieu juridique
Sa plate-forme Apollaw permet aux éditeurs juridiques de produire sites web et cédéroms à partir de leurs bases de données éditoriales.
Sa technologie — notamment son moteur de recherche — équipe par exemple le cédérom Navis Fiscal de l’éditeur juridique Francis Lefebvre :
http://www.jouve.fr/jouve/html/1marche.htm. Tout le fond en ligne de Francis Lefebvre (certains Mémentos, les dossiers thématiques, le BRDA en ligne et la version en ligne des Navis), d’ailleurs, est stocké sur les serveurs de Jouve.
Jouve a réalisé les nouvelles versions des sites web du Conseil d’Etat [2], de Francis Lefebvre, ainsi que le Recueil Dalloz en ligne et le site web de l’AJDA puis la plateforme Dalloz.fr [3] et héberge et maintient le site de la Cour de cassation.
C’était également Jouve qui "composait et imprimait" — autrement dit qui réalisait, mais n’écrivait pas — les pages du site web de l’Assemblée nationale, comme l’indiquait une mention au bas des documents en ligne de la 12ème législature : "Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE 11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS" [4].
On peut aussi rappeler que c’est Jouve qui initialement a conseillé le Juris-Classeur, vers 1999, lorsque, racheté par LexisNexis, l’éditeur a entamé la numérisation de ses fonds, notamment les JurisClasseurs, afin de pouvoir proposer leurs versions numériques (cédéroms puis fonds en ligne).
Jouve a également développé le portail intranet et web de la Bibliothèque Interuniversitaire (BIU) Cujas, la plus grande bibliothèque de droit en France. Ce portail intranet doit inclure un moteur de recherche "fédérée" sur les données numériques des abonnements de la Bibliothèque.
L’implication de Jouve dans la production des bases de données des éditeurs devrait probablement aider à la conception de ce moteur, mais à la vue du portail web tant attendu [5], on se pose quelques questions, et on se rappelle les limitations des interfaces de Navis et de Dalloz.fr.
Partenariat étroit avec les offices de propriété industrielle
Cette société fournit aussi l’interface et le moteur de recherche principal (à partir de sa plate-forme centrale, dénommée GTI) de la banque de données en propriété industrielle (marques, brevets, dessins et modèles) Plutarque et la commercialise, l’INPI apportant les données. Jouve est d’ailleurs le concessionnaire unique de l’INPI pour les bases de marques et de brevets français.
Pour plus d’informations sur le partenariat entre Jouve et l’INPI et son implication dans les bases de données de propriété industrielle, voir les pages "Des solutions novatrices pour la Propriété Industrielle (2/2)" et "Office Européen des Brevets : Un outil de gestion des données de Propriété Industrielle " sur le site de Jouve.
Et toujours le papier
Comme je l’indiquais plus haut, Jouve a gardé son métier d’imprimeur. Il imprime ainsi Livres Hebdo [6] et a permis au Moniteur d’imprimer de manière plus souple ses ouvrages à feuillets mobiles [7].
Activités hors juridique
Hors du monde de l’édition juridique, Jouve fournit sa plate-forme logicielle Brio Directory aux éditeurs d’annuaires comme Kompass et Le Bottin, travaille aussi pour l’édition scientifique, technique et médicale et pour des industries grosses consommatrices de documentation technique, comme Renault [8].
Jouve Aviation Solutions travaille au niveau international pour le secteur de la maintenance aéronautique, leur fournissant avec sa gamme AirGTI un système de gestion des documents techniques et données de maintenance.
En février 2008, Jouve a acquis Dimension Publishing, une société américaine spécialisée dans la gestion de projets "ebook".
Enfin, dans le cadre du Plan national de numérisation du Patrimoine, Jouve a également remporté deux grands marchés publics en 1998 et 2001 (numérisation des microfilms de registres paroissiaux, des plans et de la moitié des fonds photographiques) [9].
Vous pouvez trouver d’autres références de Jouve sur sa fiche dans l’Annuaire des prestataires réalisé par le Journal du Net.
Emmanuel Barthe
documentaliste juridique
Notes
[1] Les Petites affiches et Jouve sont en fait propriétaires l’un de l’autre en participation croisée. Ils ont successivement acheté LGDJ-Montchrestien, les éditions Joly, Gualino et la Gazette du Palais. C’est donc un groupe d’éditeurs-imprimeur.
[2] Lire sur le site de Jouve "Conseil d’Etat : Refonte de site"
[3] Voir sur le site de Jouve "Dalloz : Réalisation d’un site juridique "
[4] Un exemple : voir en bas de cette "petite loi"
[5] En 2004, je bloguais déjà sur ce portail, dans une version précédente de cet article ...
[6] Voir sur le site de Jouve "Livres Hebdo".
[7] Voir sur le site de Jouve "Le groupe Moniteur"
[8] "Renault valorise son patrimoine industriel", témoignage de Pierre Jaya, chef du service Agence Ressources Médias de Renault
[9] Numérisation du Patrimoine : le chantier le plus long de l’Administration / Christine Peressini, 01 Informatique, 10/03/2003
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Article en 2021 des Echos sur Jouve
Jouve, l’ETI française qui a décroché la Lune à Washington, Les Echos.fr, 28/07/2021
Extrait pertinent :
« "Nous sommes aujourd’hui leader de la gestion des flux documentaires dans l’univers du brevet", développe Thibault Lanxade, qui a pris les rênes de l’ETI en 2017. La gestion des flux documentaires ? Jouve est, en résumé, un spécialiste de la dématérialisation des documents : dans la banque, la santé, les assurances ou les mutuelles, l’entreprise numérise et traite des millions de pièces pour les différents usages de ses clients. Vérifier, par exemple, l’authenticité d’une pièce d’identité, d’un justificatif de domicile ou d’une fiche de paie lorsqu’un client souhaite ouvrir un compte auprès d’une banque.
Plusieurs virages entrepris à partir des années 1990 ont permis à Jouve de remonter progressivement sa filière et de s’éloigner de son coeur d’activité - une question de survie. "L’impression, c’est une activité très chronophage et consommatrice de cash, puisque vous devez investir sur des machines de plus en plus sophistiquées, avec des consommables de plus en plus chers. Le marché est en outre en décroissance structurelle, reculant de 2 à 3 % par an", justifie Thibault Lanxade.
Direction donc l’ "automation process", une expertise acquise notamment via la croissance externe, l’entreprise multipliant les rachats depuis une douzaine d’années.
Jouve a parallèlement développé ses propres algorithmes et s’est considérablement affûtée depuis dix ans - le nombre de salariés a été divisé par deux (de 3.000 à 1.500) quand le chiffre d’affaires n’a reculé que de 143 millions à 100 millions de chiffre d’affaires. »
Cette activité suppose : scan, OCR, indexation automatique, NLP à la sauce machine learning (dite "IA"), comme M. Lanxade le confirme dans son passage sur BFM TV.
Vous noterez qu’en plus de se contenter pour l’essentiel de reproduire les propos du dirigeant, Les Echos passent sous silence l’activité d’hébergeur et de SSII éditoriale — qui dure toujours en 2021 — dont nous parlons plus haut.
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