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La réalité virtuelle en 2D des applis de cartes n’est pas la réalité ...

Quand Google Maps et l’appli RATP sont dans les choux
... mais vise à le devenir

Ce mardi 17 octobre 2017, il est 10h35 quand je consulte Google Maps sur mon smartphone pour aller de l’Etoile au 1 rue d’Astorg dans le 1er arrondissement à Paris.

GMaps et RATP peuvent vous mettre en retard si vous les prenez à la lettre

Voici les deux options principales que l’application Android de GMaps me propose :

  • prendre le RER A puis la ligne 9 : durée annoncée 17 mn
  • prendre le métro ligne 1 puis changement à Franklin Delano Roosevelt pour la 9 : durée annoncée 19 mn.

Bien que je sache qu’en règle générale le métro est plus rapide que le RER sur les courts trajets, les deux minutes d’avance du trajet par le RER m’attirent. Je choisis le trajet annoncé à 17 mn.

La durée réelle du trajet fut de ... 35 mn, soit le double du temps prévu par l’application. 95% d’erreur.

J’aurais dû me méfier : en zoomant sur le trajet RER + ligne 9, je me rendrai compte que GMaps me fait sortir à Auber pour ensuite *revenir en arrière* par la 9. Ce qui est généralement absurde — et l’était dans le cas présent : il valait mieux carrément sortir à Auber et finir à pied (ça, GMaps ne le proposait pas). Cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

Autre cas : le 20 novembre 2018 à 17h31, je pars de la rue de Tillsit près de l’Etoile pour me rendre rue d’Astorg dans le 8e arrondissement. GMap me donne 16 mn par le RER A et 25 mn à pied. Eh bien, il me faudra 30 mn par le RER A. J’aurais probablement mis le même temps à pied !

Une cause possible de ce type d’erreur réside à mon avis dans le fait que dans le Métro, on capte très mal Internet. Google ne peut donc pas s’appuyer sur une énorme base de données de trajets réels (passés ou en cours), base qu’il a en revanche à sa disposition sur les routes [1].

Les estimations de temps de trajet de l’application RATP ne sont guère plus réalistes. Les retards fréquents des métros et bus, surtout quand on en prend trois ou quatre d’affilée pour arriver à son travail, font passer (cas vécu) une durée théorique de 1h15 du Pré-Saint-Gervais à la Faculté libre droit d’Issy-les-Moulineaux à une durée réelle de 1h30-1h45 en moyenne [2].

L’avantage de l’appli RATP, toutefois, est de signaler les perturbations de trafic. Ce que Maps ne fait pas ni ne prend en compte.

Au final, en terme d’estimation du temps de trajet, il est plus efficace d’avoir mémorisé des temps de trajet moyens réels et de consulter un plan papier ou PDF du réseau RATP. En revanche, cela peut prendre 2 à 3 minutes de plus que GMaps. Mais on regagne largement ces quelques minutes perdues par un temps de trajet effectif soit raccourci soit mieux estimé. De toute façon, même utiliser GMaps prend du temps : sortir son portable de la veille, allumer le GPS, attendre qu’il se connecte, taper l’adresse de destination, lancer la recherche consulter les résultats, faire un choix ... Tout cela représente généralement entre 1 et 3 mn.

Moralité : une marge de sécurité de 25 à 30% minimum, du bon sens et de l’expérience sont nécessaires si vous voulez correctement estimer votre temps de trajet en transports en commun sur l’Île-de-France avec ces deux applications pourtant connues de la plupart des internautes.

Autres limites

On peut par ailleurs signaler d’autres problèmes fréquents sur Google Maps :

  • sur Paris, la durée prévue par Google Maps pour effectuer un changement et prendre une correspondance est systématiquement de 2 mn. Tout habitant de l’Île-de-France sait que ce n’est pas réaliste. Les couloirs interminables des grandes stations de métro, pour ne pas parler de celles de RER, ne permettent pas de tenir ce temps. Et puis il y a le métro raté à quelques secondes prés, qui fait que là où théoriquement ça aurait dû prendre 3 mn, ça va en prendre 5. Il y a les personnes qui ne peuvent pas courir. Etc. Le temps réel mis dans le cas supra pour changer de la ligne A à la ligne 9 du Métro à la station Auber a été de 10 mn. Pas de 2 mn
  • avec le RER : quand GMaps vous pousse à prendre un RER au lieu du métro ou d’une autre solution. Il suffit de rater d’une minute le RER en question pour devoir attendre le suivant 10 mn, ce qui décale tout le reste du voyage
  • avec le bus : GMaps ne connaît pas les horaires des bus de banlieue. L’appli RATP, elle, les connaît
  • si le trajet (les petits ronds bleus) passe par une longue portion de rue, les petits ronds bleus recouvrent le nom de la rue sur l’application Maps. Résultat paradoxal : il est impossible de lire le nom de cette rue sur la carte
  • si on cherche des restaurants ou des hôtels ou tout autre type de lieu sur GMaps et qu’on se déplace sur la carte, les points rouges signalant ces lieux n’apparaissent souvent pas sur la nouvelle portion de carte. Alors, on recommence la recherche, on s’énerve ...
  • sur Maps comme chez Yelp, La fourchette.com, Resto-in, TripAdvisor et les autres annuaires d’entreprises bien connus, bien des évaluations et les notes qui vont avec laissent rêveur [3]
  • hors des grandes agglomérations, de nombreux erreurs et problèmes existent sur Maps :
    • un chemin censé permettre de traverser une voie ferrée est en réalité barré par une grille et la porte dans la grille est fermée à clé
    • en forêt et en montagne, des chemins marqués sur la carte GMaps n’existent pas. D’autres, non marqués sur GMaps, existent. Les cartes IGN sont cent fois plus riches et plus précises ... Mais hélas chères dès qu’on commence à s’équiper sérieusement et peu ergonomiques en version numérique. Google aurait intérêt à prendre à nouveau une licence IGN et à la garder cette fois, pour les mises à jour
    • des territoires revendiqués par deux structures étatiques concurrentes mais dont les revendications sont toutes deux légitimes, sont attribuées à une seule de ces deux structures
    • les cartes interactives dans les zones de campagne, forêt et montagne exigent que le GPS soit allumé la plupart du temps. La consommation d’électricité est alors telle que la batterie de mon OnePlus 3T, pourtant connu pour son excellente autonomie, s’épuise en trois heures d’utilisation continue.

La carte n’est pas le territoire ... mais pourrait le devenir

Plus fondamentalement, particulièrement quand je me promène en touriste, je ne peux pas apprécier une ville si je passe la moitié de mon temps à la regarder à travers un plan interactif. Je tiens à continuer à y déambuler à pied ou à vélo. Pourtant, chacun constate le nombre croissant de gens qui marchent en ne regardant rien d’autre que leur écran et n’entendent rien de leur environnement sonore, les oreilles bouchées par leurs écouteurs. Tiens ! Votre serviteur aussi, quand il écrit ce billet, marche les yeux sur son écran ...

Google Maps, YouTube, Facebook, Snapchat et autres interfaces numériques sont en train de redéfinir non seulement l’information que nous recevons (Maps est de fait, entre autres, un moteur de recherche local) mais aussi ce que nous voyons et faisons de la réalité physique et humaine qui nous entoure. Et je ne parle même pas de la réalité virtuelle (VR).

Et ni les particuliers ni les responsables politiques n’ont grande prise là-dessus.

Seules peut-être les entreprises. Si leur budget communication, marketing et publicité le leur permet. Voyez par exemple la recherche d’un restaurant sans autre précision dans le 17e puis dans le 8e à Paris sur Google Maps : toujours en tête de la liste, quelque soit l’arrondissement et quelque soit sa note, Hippopotamus. Tiens donc !

Emmanuel Barthe
usager des transports parisiens et des services Google