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Papier contre numérique ou papier avec numérique ?
Pourquoi il est intéressant de combiner papier et numérique plutôt que de rester avec l’un ou de tout basculer vers l’autre

[NB : voir aussi en complément notre billet de mai 2011 : Débat papier contre numérique : quelques apports récents ]

Un constat : le papier n’est pas mort

Le papier n’est pas mort. Il devrait même vivre encore très longtemps, même si c’est, dans peut-être trente ans, sous forme de feuilles numériques aussi fines que le papier.

Nous le constatons tous. On a beau lancer sans cesse de nouveaux produits électroniques, le livre, même en France, survit voire ne se porte pas trop mal.

Y compris le marché de l’édition juridique. Certes, les tirages des traités baissent. Mais les revues juridiques papier voient peu de disparitions ou sinon de fausses disparitions (le BID fondu avec la RCC, Droit de l’informatique et des télécommunications (DIT) renaissant réorientée vers le droit d’Internet sous le titre Legalis.net), et même une floraison de nouvelles revues [1].

Les avantages imbattables du papier

 En matière juridique, en France, la procédure devant les juridictions ne peut se faire qu’en papier, à l’exception de deux juridictions suprêmes : la Cour de de cassation et le Conseil d’Etat. Les mémoires, les dossiers de plaidoirie doivent être en papier. De nombreux documents et pièces n’existent pas au format numérique. Par conséquent, il est très long et coûteux de scanner et référencer en informatique le dossier client, d’autant qu’il faut maintenir en parallèle un dossier papier. L’informatisation des juridictions est en route, mais étant ce qu’elle est, le dossier entièrement électronique n’est pas pour demain, surtout du côté des juridictions judiciaires [2].
[mise à jour à janvier 2017 : cet aspect a radicalement changé : à part devant les petites juridictions de première instance, la procédure a été informatisée]

 La tarification des publications papier et la possibilité de les partager et de les prêter sont d’énormes avantages pratiques, surtout quand certains éditeurs — rares en France pour l’instant dans le mileu juridique, mais couramment dans le milieu scientifique et médical — pratiquent des hausses de tarifs difficilement supportables.

 Le format papier se conserve beaucoup plus longtemps que tout format électronique. Les données électroniques sont étroitement dépendantes des logiciels et matériels qui permettent de les lire. Il n’y a guère aujourd’hui que le format texte brut ASCII — et encore — qui soit resté lisible depuis les débuts de l’informatique. Or on produit depuis une dizaine d’années en France des ouvrages et bases de données qui ne peuvent pas du tout être réduites à ce format. Les données numériques doivent tous les 5 à 10 ans être changées de format de fichier pour pouvoir rester consultables par les logiciels et matériels du jour.

 les index alphabétiques matière — rares ou peu ergonomiques sur les plateformes en ligne — sont des outils certes peu utilisés mais extrêmement efficaces pour baliser des recherches larges ou identifier les études sur une notion précise, bien que relativement large (comme la compétence, en procédure civile), ou encore une notion implicite

 Le confort de lecture, de travail intellectuel et de transport qu’offre le papier reste insurpassable par le numérique. Si vous en doutez, répondez sincèrement à ces trois questions : 1/ Aimez-vous lire à l’écran plus de 4 pages ? 2/ Imprimez-vous les textes longs plutôt que de les lire à l’écran ? 3/ Avez-vous mal aux yeux après avoir lu un long texte à l’écran ?

Si la cause n’était pas entendue après ce test, voici d’autres arguments plus académiques, repris de ma réponse à la question suivante de Marie Lebert : le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui ? (entretien avec Emmanuel Barthe du 22 octobre 2000) :

  • la facilité et le confort de lecture du papier sont bien supérieurs aux possibilités des meilleurs écrans informatiques (21 pouces y compris)
  • le papier permet une visualisation tridimensionnelle des informations, qui entraîne une meilleure représentation mentale des informations. Celles-ci sont alors plus faciles à comprendre et à manipuler
  • on lit et on annote plus facilement une revue ou un livre dans le métro, qu’un e-book ou un document sur un ordinateur portable.

Pour bien me faire comprendre, je vais prendre l’exemple suivant que je connais bien : un juriste travaille couramment avec quatre ouvrages ouverts sur sa table et consultés en même temps ou immédiatement l’un après l’autre : un code (recueil de textes officiels annotés), une revue juridique, un recueil de jurisprudence et une encyclopédie juridique. Imaginons qu’il possède la version électronique de chacune de ces publications ou leur réunion (ça existe). Afin de ne pas compliquer la démonstration, je laisse de côté le fait que notre professionnel du droit doit aussi avoir sous les
yeux le dossier de son client et la consultation ou la plaidoirie qu’il doit rédiger pour lui.

Sur écran, passer d’un ouvrage ou d’un document à l’autre impose à au juriste pressé de perdre de vue l’ouvrage ou le document précédent, sauf écran 21 pouces, dont le prix reste proche de celui d’un PC de base. L’écran d’ordinateur, aussi grand soit-il, ne peut afficher, dans le meilleur des cas, que deux pages A4 (notamment avec la fonction Lecture de Word 2003) et ne permet pas de feuilleter le ou les ouvrages électroniques. Autant dire que le juriste, même partisan de l’informatisation, a bien du mal à se repérer dans un monde d’une surface de 21 pouces et sans profondeur.

Alors qu’avec le papier :

  • le juriste a à sa disposition la possibilité de feuilleter rapidement le contenu des ouvrages quand (ce qui est fréquent) il ne sait pas encore exactement ce qu’il cherche
  • il visualise les informations en trois dimensions partout dans son bureau, donc dans un espace d’environ 10 m2 de surface et 2 m de haut, ce qui est infiniment plus vaste que les 21 pouces maximum sans épaisseur de son écran
  • ça ne tombe jamais en panne !

 Enfin, le papier [3] permet infiniment plus facilement que le numérique, de parcourir [4] l’oeuvre, de consulter avant et après le point intéressant, de situer le point censé être pertinent dans un contexte, une thèse et une argumentation. Toute véritable oeuvre en droit, en effet, même un simple article, n’est pas qu’une succession de paragraphes sans lien entre eux autre que leur sujet. C’est une *démonstration*, avec un point de départ, une succession d’arguments qui s’enchaînent et une fin, c’est un tout dont il est délicat d’extraire un morceau sans avoir lu les autres morceaux. Cette facilité de parcourir le format imprimé offre aussi la possibilité de rencontrer des idées ou des arguments par hasard et qui vont faire "Tilt !".

Ariel Dahan, avocat (et associé du cabinet Dahan, Dahan-Bitton & Dahan), dans un message à propos de la formation des étudiants en droit, explique ça mieux que nous :

« Mon expérience, qui ne vaut certainement que pour moi, me porte à penser que la recherche papier est infiniment plus riche que la recherche en ligne, en ce qui concerne la recherche en droit. [...]
Je m’interroge sur la formation d’étudiants qui ne seraient formés qu’à la compulsion de bases de données.
Leur habitude de travail serait faussée, ab-initio, en raison de ce que la base de données ne donne que des informations pertinentes ou supposées l’être.
Mais elle ne laisse pas l’étudiant parcourir l’ouvrage à la recherche ne serait-ce que de la bonne page !
Elle l’aiguille sur un résultat donné, qui a tendance à devenir "le" résultat universel.
 » [5]

Le numérique a lui aussi ses avantages ...

Ce n’est pas pour dire que le numérique n’a pas ses avantages à lui. Bien au contraire :

 Le numérique offre un énorme gain de temps dans la recherche et aussi dans la mise à jour des ouvrages. Ce sont là les deux raisons majeures pour promouvoir le numérique auprès des utilisateurs. Pour citer un autre extrait du même message d’A. Dahan : « La recherche papier ne donne pas autant d’information "pertinente" que ne le ferait la recherche sur base de données informatisée, dans le temps qu’on peut lui consacrer. ». Les stagiaires et les jeunes juristes/avocats, de plus en plus pressés par le temps, sont demandeurs.

 Facilité d’utilisation : plus besoin de se déplacer, et on accède immédiatement au texte intégral des documents, sans compter que les pages web ont rendu les interfaces accesssibles à tout juriste.

 Les ressources numériques en ligne ont le don de vous suivre presque partout, sans encombrer votre valise. Elles sont en effet consultables partout où existe une connexion(Internet, mais aussi, avant, les bases de données consultables par ligne téléphonique RTC comme l’ex-Lexis de Lamy, ou par minitel comme l’ex-3613 JURIS, support d’origine de la base de données de jurisprudence Juris-Data). Avec la banalisation du haut débit, on pourra bientôt parler d’un don d’ubiquité du support "on line".

 Exhaustivité : le numérique prend si peu de place que tout avoir/tout gérer devient possible. Le rêve du bibliothécaire de bibliothèque universelle prend un peu de corps. Cet argument ("comprehensive") est celui le plus mis en avant, avec la facilité, dans les réponses à une question sur la liste LAW-LIB [6].

 Tous les documents annexes d’un ouvrage, qui sur papier doivent souvent être abrégés ou simplement cités, peuvent être disponibles en texte intégral.

 Les documents auxquels les citations et notes de bas de page renvoient sont immédiatement consultables grâce aux liens hypertextes (à condition d’avoir pris les abonnements nécessaires).

 Le lecteur peut rechercher des mots — et donc des notions — non prévus dans les index papier.

 Economies en mètres carrés, devenus très chers dans les grandes villes.

 Si, et uniquement si, on n’a pas de bibliothèque papier (cas, par exemple, d’un cabinet d’avocats qui vient de se créer), le coût initial de constitution d’une bibliothèque numérique est souvent inférieur. En effet, les ordinateurs sont obligatoires aujourd’hui pour tous dans une entreprise pour lire et envoyer les e-mails et travailler en bureautique sur les documents. Si la société est récente, les PCs ou Macs sont donc neufs et la connexion Internet à très haut débit. Par conséquent, les outils sont déjà adaptés à l’utilisation intensive de ressources numériques. Donc, pas d’investissements importants en informatique. Dès lors, si les coûts d’abonnement comparés papier-numérique sont inférieurs du côté du numérique (exemple avec les packs électroniques Lamy : l’ouvrage en ligne seul est moins cher que l’ouvrage papier), on y gagne sur le plan financier.

Evidemment, pour les grands éditeurs, le papier représente une perte de contrôle sur leurs publications [7], une perte de revenus à cause de la photocopie et un coût logistique important. D’où leur tendance à privilégier le développement des supports électroniques, essentiellement leurs plates-formes web payantes.

... mais gare à la dépendance numérique

Attention toutefois :

 L’adhésion au format numérique pour la documentation, l’information et la veille est d’abord un phénomène de génération : les juristes moins de 35 ans y sont majoritairement favorables et y sont à l’aise. Au delà, on privilégie souvent le confort du papier, non sans raison comme on l’a vu supra. Or, à part des petits cabinets ou des avocats exerçant en solo, les dirigeants des cabinets comme des directions juridiques sont encore dans la tranche plus de 35 ans. Il peut donc y avoir un important travail à faire pour les convaincre.

 L’exhaustivité facilitée par le format numérique peut aussi être facteur de perte de temps, en empêchant d’aller directement au plus important. Il suffit de considérer le cas où, faute de doctrine pertinente sur le sujet d’une recherche, on sort une trentaine de jurisprudences au lieu de cinq ou six et de voir le temps perdu à les trier, les comparer et les hiérarchiser.

 Si ceux qui préfèrent le papier maintiennent leurs abonnements papier ou en prennent de nouveaux, ceux-ci, même si les éditeurs concèdent souvent des réductions, vont venir en double des abonnements en ligne et l’avantage financier du numérique s’efface.

 Si, en revanche, on fait le choix de s’abonner au tout numérique chez un ou des éditeur(s) et de supprimer les publications papier correspondantes, on espère réaliser une économie comme expliqué ci-dessus.
Mais ce n’est pas si simple :

  • vu les inconvénients de la lecture sur écran évoqués supra, les juristes impriment systématiquement tout ce qui dépasse 2 pages écrans. Résultat : une augmentation des coûts en papier, toner et imprimantes [8]
  • les éditeurs officiels peuvent être amenés à retirer de leurs sites web des documents anciens. La refonte des sites web de certains ministères (exemple récent : celui du Ministère de l’environnement) s’est traduite par la disparition du Web de documents et d’études. Et rien ne garantit, par exemple, que le Sénat et l’Assemblée nationale garderont éternellement en ligne les travaux préparatoires des lois
  • certains éditeurs ont des produits numériques très chers et ce n’est qu’en prenant de nombreux accès simultanés ou éventuellement en négociant longuement qu’on pourra y gagner. Il faut ici le dire clairement : le moindre coût global du numérique n’est pas évident, c’est en partie un mythe, surtout si on raisonne de manière personnalisée, globale et à long terme
  • de surcroît, les termes des licences des abonnements numériques des éditeurs juridiques, combinés avec les règles de la propriété intellectuelle et du droit du producteur des bases de données, prévoient clairement que :
    • on ne peut utiliser un même accès à plusieurs : en clair, plus de partage ni de prêt
    • on ne peut pas constituer ses propres bases de données par extraction de celles de l’éditeur
    • la résiliation de l’abonnement fait très souvent perdre tout accès à des ressources pour lesquelles on a payé pendant des années. Contrairement aux abonnements papier, on ne garde bien souvent rien ou pas grand’ chose [9]. Les éditeurs répliquent le plus souvent que leurs publications numériques ne peuvent techniquement pas fonctionner hors ligne ou bien que l’absence de mise à jour rendrait la conservation en l’état absurde. Pourtant, les bibliothèques conservent bien des collections papier de revues qui ont été arrêtées. Pourquoi n’en ferait on pas autant avec du numérique ? Un seul éditeur, à ma connaissance, l’a fait : Francis Lefebvre fournit, en fin d’année, un cédérom d’archive, inclus dans l’abonnement à ses Navis [10]. Pour les ouvrages, tout dépend de leur valeur : certains ont une forte valeur doctrinale et conservent donc leur valeur pendant 4 à 5 ans, voire 10 ans dans certaines matières qui évoluent peu
    • des éditeurs suppriment définitivement des collections numériques. Ce n’est pas de la science fiction. Ca arrive : citons l’exemple de la base Juris-Data qui a "perdu" tout le texte intégral (copies des "grosses") de ses décisions de justice antérieures à 1985 ... On ne garde pas, alors, chez soi ces collections. Si une revue papier cesse de paraître, les abonnés gardent chez eux les volumes. Pas en numérique.
  • surtout, si on supprime le papier, il faut être conscient qu’un retour en arrière serait très difficile, alors que les éditeurs ont tendance à régulièrement augmenter les tarifs de leurs publications numériques [11]. A cet égard, la politique suivie depuis plus de 10 ans par les grands éditeurs de revues scientifiques est on ne peut plus claire et sonne comme un avertissement.
    Pourquoi pas de retour en arrière ? Parce que les avantages de rapidité et d’exhaustivité des recherches par le numérique balaieront, pour beaucoup de juristes pressés par le temps, les avantages du papier, même si les coûts induits détaillés supra et les augmentations de tarifs seront difficiles à refacturer au client et devront in fine être supportés par la firme [12].

 Attention aussi aux offres globales (tous les ouvrages d’un coup au format numérique pour un — important — prix forfaitaire) : le prix comparé avec le papier est bien sûr très souvent favorable au numérique, mais il est plus réaliste de raisonner sur la base des seuls titres dont on a besoin : or, si on n’a besoin que de 10 titres seulement au lieu des 30 titres de l’offre globale, le prix réel du choix papier n’est plus aussi élevé ...

Un compromis entre les deux mondes

Il n’empêche qu’un compromis reste possible. On n’est pas obligé de rester avec un papier plus lent ou de dépendre d’un numérique plus rapide. Pour citer encore Ariel Dahan : « Il faut donc s’autoriser un croisement entre la recherche papier et la recherche sur base de données. »

Combiner le meilleur des deux mondes n’est pas une vue de l’esprit : une bibliothèque papier dotée d’un catalogue informatisé avec au moins un exemplaire papier de chaque ouvrage (sécurité, éviter les hausses de tarifs, pouvoir partager et prêter) ET des bases de données imprimables au format PDF avec une mise en page reproduisant celle du support papier [13], des écrans 19 pouces, des PCs puissants et une connexion Internet très haut débit. Bien sûr, cela suppose une structure d’une certaine taille et de ne pas réduire la documentation à un pur choix financier à court terme. Car sur les plans des performances en recherche, de la sécurité/conservation de l’information achetée *et aussi* du coût global final, une solution équilibrée papier-numérique représente, en l’état actuel, la meilleure affaire.

Ce choix du mix est également défendu par ma collègue Genie Tyburski [14] du cabinet d’avocats américain Ballard Spahr Andrews & Ingersoll, auteur d’un des plus anciens et des plus renommés site pour documentalistes juridiques et juristes "researchers", The Virtual Chase. Les statistiques (américaines unqiuement, hélas) qu’elles citent montrent que « bien que la masse d’information nouvelle produite au format numérique dépasse celle produite au format imprimé/papier, la masse de publications et d’achats en livres reste significative » [15]. G. Tyburski ajoute que l’ouvrage papier conserve des avantages (confort de lecture, prêt facile, durabilité) mais que ses partisans parmi les juristes ont plus de 40 ans, que c’est donc une génération qui ira s’amenuisant. Comme l’auteur de cet article, elle conseille d’utiliser le meilleur des deux mondes et des deux groupes d’utilisateurs juristes, en :

  • évaluant l’utilisation des collections imprimées/papier. Veiller notamment à la redondance des formats, particulièrement à propos des sources officielles (bulletins et journaux officiels, répertoires de jurisprudence). Mais je crois que nous sommes nombreux à avoir déjà supprimé les JO, JOCE/JOUE, Bulletin de la Cour de cassation et autres Recueil de la CJCE papier
  • tâchant de former les juristes aux outils numériques de façon à en augmenter l’usage et d’associer dans les recherches les jeunes juristes et ceux plus expérimentés, qui pourront les amener à réaliser l’utilité d’une culture documentaire papier et se familiariser avec les outils papier. Le seul hic, là dedans, c’est que souvent les expérimentés donnent les recherches aux jeunes mais n’ont guère le temps de les faire avec eux. Il faut peut-être leur demander s’ils corrigent les recherches des jeunes en citant les sources ou les approches manquées. Sinon, à mon avis, c’est là typiquement une tâche pour un bibliothécaire-documentaliste expérimenté
  • expérimenter, dans les limites du raisonnable : logiciels de chat, blogs, RSS ... Les capacités de l’informatique interne limitent toutefois ces innovations.

Pour le futur, on peut aller plus loin :

  • mieux former au numérique — et sans oublier le papier — les étudiants en droit, les stagiaires et les jeunes professionnels du droit
  • encourager une meilleure ergonomie des plateformes actuellement commercialisées par les éditeurs.

C’est ce que nous tentons de faire dans le groupe de travail Juriformation, au sein de l’association Juriconnexion. Et c’est aussi la conclusion à laquelle arrive aux Etats-Unis Lee F. Peoples, Associate Director for Faculty, Research and Instructional Services à la Bibliothèque de la Faculté de droit de l’Université d’Oklahoma City, dans son article The Death of the Digest and the Pitfalls of Electronic Research : What Is the Modern Legal Researcher to Do ? [16] : il plaide pour que les bibliothécaires juridiques américains s’investissent plus dans la formation sur les bases de données, intègrent la culture juridique numérique dans le cursus universitaire, évaluent les produits électroniques et réclament les améliorations nécessaires pour améliorer les performances de leurs étudiants.

Emmanuel Barthe
bibliothécaire-documentaliste juridique

A signaler : une façon plus courte de dire presque les mêmes choses que nous, les problèmes de licences et de tarifs mis à part : le topo Débat papier c/ électronique rédigé par Carole Guelfucci, documentaliste au cabinet d’avocats Bignon Lebray & Associés, tiré de son intervention d’avril 2003 aux travaux dirigés sur les pratiques professionnelles de la Maîtrise de documentation assuré par Martine Martin, professeur à l’Université Paris I.

Notes

[1Quelques exemples : Revue des contrats lancée fin 2003 par la LGDJ, deux revues de la concurrence lancées respectivement par Thomson et Lamy, à l’automne 2004. Pour un tableau plus complet, voir notre article Créer de nouvelles revues juridiques : un outil pour fidéliser clients ... et auteurs.

[3Quand il s’agit d’un livre : le format imprimé, pour être précis.

[4En anglais, parcourir se dit "to browse". Et même si les navigateurs web sont appelés en anglais des "browsers", ils ne permettent pas du tout de parcourir les oeuvres aussi facilement et efficacement qu’un ouvrage ou une revue imprimé, car ils sont limités par l’écran, petit et à seulement deux dimensions, et la souris, qui n’a rien d’une main. Bien sûr, on arrivera probablement un jour à de grandes dalles tactiles un exemple avec un projet de Jefferson Y. Han où tous les doigts des deux mains peuvent agir sur un écran tactile trois fois plus grand que les écrans 19 pouces actuels.) ou des écrans hologrammes à trois dimensions. Mais avant que l’utilisateur de base y accède à un prix standard, le chemin sera long. Très long.

[5Gras ajouté par nos soins. Lire le texte complet de son message publié sur la liste Juriconnexion le 10 février 2006.

[7Ne pas oublier que les mesures de protection technique et le DRM frappent actuellement à la porte. Une solution partielle est déjà en service sur les produits électroniques de Francis Lefebvre : code d’activation des cédéroms réseau fourni uniquement par l’éditeur et cédérom fournissant un certificat électronique (il remplace de facto le mot de passe) pour les abonnements en ligne.

[8On imprime
toujours plus de numérique qu’on ne photocopie de papier, car en numérique, on consulte plus d’information et il est plus facile de cliquer sur Imprimer que d’aller à la bibliothèque et d’emmener à la photocopieuse de lourds volumes pour les tourner et les retourner et enfin les ranger.

[9Symptomatique à cet égard est l’attitude de l’éditeur tout numérique Lexbase, pourtant en avance sur les autres éditeurs dans la réflexion sur ce problème. Lexbase, par la voix de son directeur de la documentation, reconnaît que, pour un supplément, il pourrait techniquement fournir un cédérom contenant les données à jour à la date de résiliation, mais il n’envisage pas vraiment de le faire. Il renvoit à des solutions partielles : téléchargement d’études, etc.

[10Peut-être devrait-on dire que les autres éditeurs n’ont pas cherché de solution au problème.

[11Il s’agit pour les éditeurs de recouvrer leurs investissements et de répondre aux exigences de rentabilité des directions des grandes multinationales, auxquelles beaucoup d’entre eux appartiennent maintenant.

[12Le débat papier c/ numérique fait aussi rage aux Etats-Unis, voir par exemple Out of the Jungle / James Milles, AALL Spectrum février 2005 et les réponses à cet article dans le numéro de juin de la même revue.

[13Certains éditeurs se sont orientés vers ce chemin, notamment ceux du portail Lextenso. Les autres sont encore à convaincre.

[14Can We Throw Away the Books Yet ? / Genie Tyburski, The Virtual Chase 7 août 2007.

[15Traduction libre par nos soins.

[16Law Library Journal vol. 97 (2005) n° 4 p. 611.