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Les revues juridiques en accès libre : compte-rendu de la matinée Juriconnexion du 19 mai 2011

Le 19 mai 2011, se tenait au cabinet Clifford Chance à Paris une Rencontre avec ... organisée par Juriconnexion sur les revues juridiques en accès libre. En voici un compte-rendu personnel, forcément imparfait et non exhaustif. Pour les supports, ils sont en ligne sur le site de Juriconnexion.

Revue des juristes de Sciences-Po

  • les deux étudiants de l’Ecole de droit présents à cette matinée ont bien défendu leur revue !
  • contexte du lancement de l’Ecole de droit, du "nouveau" Sc-Po version Richard Descoings et concurrence avec les facs de droit
  • la revue est née d’une ancienne newsletter par e-mail aux anciens élèves de Sc-Po juristes

 comment ça marche :

  • effectifs de la revue : 1 directeur + 3 à 6 rédacteurs
  • assurer la pérennité de la revue : reconnaissance par l’établissement (ici, la direction de la scolarité de Sc-Po valide la revue comme un projet collectif étudiants, le projet est une obligation pour les étudiants de Sc-Po)
  • contenu :
    • pas trop d’articles d’étudiants pour éviter le désintérêt des lecteurs
    • insistent sur multidisciplinarité et brièveté des articles
    • essayent d’échanger quelques articles sur des revues anglo-saxonnes
    • qualité du contenu : supervision d’un professeur, comité de rédaction étudiant, difficultés relationnelles inévitables avec certains auteurs dues à des refus d’articles

 combien ça coûte, et qu’est ce que ça rapporte :

  • choix du format numérique dû au coût proche de zéro
  • choix de la gratuité pour favoriser la naissance d’une revue, qui plus est étudiante, aussi pour plaire aux contributeurs, notamment les professionnels
  • éviter les subventions pour éviter la contrainte de demander sans cesse l’aval de Sc-Po et les soupçons si financement par cabinets d’avocats
  • diriger une revue est un bon moyen d’intégration dans la vie professionnelle (exemple : les étudiants de la revue ont rencontré Christiane Feral-Schuhl pour un numéro)
  • diffusion : envoi spontané à 2500 professionnels + feuilletable + let blog de la revue : contenu plus "décalé", impertinent, entretiens en vidéo + bientôt un podcast sur iTunes (version longue des interviews)

 difficultés liées au format en ligne :

  • squattage du nom de domaine ajsp.net, perdu car enregistré par un ancien et pas transmis à l’association
  • modèles et charte graphique sur Indesign perdus car sur un portable dont le DD a cramé et pas sauvegardés
  • référencement sur Internet et dans les catalogues des bibliothèques à améliorer
  • risque juridique car articles pas sécurisé par les cessions de droits (pas de rémunération des auteurs, les auteurs sont des anciens et écrivent pour se faire plaisir), fut ce par une licence CC, la revue est considérée comme une œuvre collective et les auteurs sont libres de réutiliser leurs œuvres, mais ils savent que c’est encore à sécuriser
  • J. Daleau (rédactrice-en-chef de la newsletter Dalloz Actualité et chef de projet Dalloz.fr) remarque que chez Dalloz ils n’écrivent pas pareil pour les étudiants et pour les professionnels, et pense que c’est une œuvre de collaboration et non pas collective ; les deux étudiants reconnaissent que le mélange n’est pas évident mais aussi que c’est un challenge intéressant
  • J. Gasnault fait remarquer que la revue s’inscrit, comme ses homologues US, dans une stratégie de communication, de marketing de l’établissement universitaire (aux USA, les grandes Universités sont des sociétés)
  • la revue n’adjoint pas de métadonnées aux articles (cf Zotero), les étudiants en reconnaissent le besoin

L’accès libre

 contexte :

  • de + en + d’articles -> de + en + difficile de trouver des validateurs pour évaluer l’article
  • pression de + en + forte à la publication sur les universitaires pour leur carrière, car ils sont évalués là dessus
  • évalués uniquement sur publications dans des revues scientifiques traditionnelles -> défavorise les revues libres
  • les NTIC bousculent le fonctionnement de la revue scientifique traditionnelle, dont le modèle s’est formé il y a 300 ans
  • les revues en technique et SHS sont très peu représentées en OA
  • 60 sites de dépôt en accès "libre" en France, dont seulement 4 en droit (2 de ces 4 sont des sites de mémoires et le contenu en droit privé et notamment en droit des affaires est très faible)
  • attention : les coûts techniques n’ont pas baissé avec le passage au numérique, seuls impression, papier et courrier ont disparu, mais viennent payer les informaticiens, les serveurs, l’hébergement, la connexion
  • les 3 versions de l’article scientifique : preprint (version soumise, sans corrections), postprint (forme acceptée pour publication, avec corrections), éditeur (avec mise en forme, souvent en PDF)
  • aujourd’hui un article n’est plus forcément dans une revue, il peut être juste dans un site d’auto-archivage
  • une difficulté en France : la participation des étudiants à la recherche n’est pas reconnue, elle reste largement non citée et tabou -> les revues à l’américaine "student-driven and edited" ont des difficultés
  • certains domaines du droit se prêtent mieux à la diffusion libre en ligne : droits de l’homme, droit de l’Internet, droit de l’environnement matières non commerciales et faisant appel à l’option publique

 aux Etats-Unis :

  • le Legal SSRN [1], en droit, comporte beaucoup de simples références bibliographiques et non du texte intégral
  • les Universités aux USA offrent des services comme Expresso pour aider à publier dans plusieurs revues et à ajouter podcasts etc.

 en France :

  • HAL : Paris I a une collection de 269 documents dans HAL dont beaucoup de réf. bibliographiques, peu de texte intégral
  • DOAJ (Directory of Open Access Journals) : 1 revue (Droit et culture)
  • des revues isolées
  • une liste en cours sur le wiki Juriconnexion : page "Revues libres"
  • gros problèmes de référencement des revues juridiques libres françaises. Exemple : la Revue de droit d’Assas, financée par Lextenso, n’apparaît pas en premier sur Google si on tape son titre, elle ne possède pas de version HTML, et les articles ne sont pas accessibles individuellement (le seul document disponible est un gros PDF unique ; les Cahiers de la régulation n’a eu que deux numéros et a vendu 20 exemplaires, si elle avait été en accès libre en ligne, elle aurait eu de toute évidence plus de succès
  • gros problème de la pérennité des revues libres juridiques françaises (cf les problèmes de la Revue de droit des affaires d’Assas, prédécesseur de la Revue de droit d’Assas)

Actuassurance.com / prof. Sabine Abravanel-Jolly et Axelle Astegiano-La Rizza

 les atouts et les relations avec la RGDA (Revue générale de droit des assurances) et Jean Bigot, directeur de la RGDA :

  • Actuassurance publie en ligne pour suivre mieux l’actualité en assurance, car ces deux auteurs sont à la RGDA qui est trimestrielle -> on peut ainsi prendre les autres auteurs de vitesse et ainsi se “réserver” un arrêt intéressant
  • pas de concurrence avec la RGDA, dont elles sont aussi des piliers : les arrêts signalés ou commentés sont différents de ceux commentés à la RGDA (c’est un engagement de leur part auprès de J. Bigot). Elles sont aussi auteurs chez Lamy
  • la présidence du comité de lecture par Jean Bigot est un plus capital ; le fait que ses deux directrices sont co-directrices de l’Institut des assurances de l’Université de Lyon aussi
  • les deux fondatrices mettent bien en avant leurs qualités professionnelles sur le site de la revue
  • les « patronages » (Jean Bigot, Maison de l’Assurance et de l’Actuariat, Institut des assurances de Lyon, Barreau de Lyon) sont bien mis en avant sur le site

 techniquement, comment ça marche :

  • la revue est bimestrielle (pause en juillet-août). Cette périodicité est tenue : bravo
  • les deux fondatrices tiennent depuis 4 ans et sont auteurs d’environ 95% des articles
  • la revue a un webmestre professionnel, qui a également relooké le site en 2010 (Bernard Joffreau, Mekanoweb)
  • diffusion : liste de diffusion par e-mail + liste de destinataires ciblés (cabinets d’avocats, assureurs, institutions)
  • la revue est source de publication pour les jeunes docteurs en droit des assurances, ils sont très clairement signalés comme tels dans la revue
  • impression du document au format PDF (sans téléchargement, toutefois)
  • « abonnement gratuit » = inscription à la liste de diffusion par e-mail
  • disparition des numéros de page, car la base de l’organisation de cette revue est l’article

 difficultés :

  • assurer une meilleure perception de la revue par le monde universitaire, qui était très réticent au début
  • des articles de la revue sont repris sans citation ou purement et simplement copiés in extenso sans autorisation …grand classique d’Internet
  • une impression papier de chaque numéro est exposée et conservé à l’Institut des assurances de Lyon
  • la revue est de plus en plus souvent citée, notamment par les collègues de la RGDA
  • sur le fond, belle veille de jurisprudence et très pertinent et efficace classement thématique (spécialisé en droit des assurances : dommage corporel, perte de chance …) dans le menu « Recherche »

 ce que ça coûte et ce que ça rapporte :

  • jusqu’ici financement propre, sur le salaire des deux professeurs, qui voulaient démarrer rapidement cette revue, même si à terme, elles voudraient qu’elle s’autofinance ; partenariat Lamy
  • de leur propre aveu, la revue leur rapporte de la notoriété
  • revues dans même domaine : le JAC (Journal des accidents et des catastrophes) du CERDACC et Riséo (Risques, études et observations) (Mulhouse).

Revues.org / Pierre Mounier

 présentation :

  • plateforme de revues SHS en libre accès
  • la structure derrière : Centre pour l’édition électronique ouverte (Cleo
  • financement / tutelle : CNRS, EHESS, Université de Provence-Marseille, Université d’Avignon
  • début en 1998 avec 3 revues en histoire
  • l’idée est la mutualisation des moyens
  • 300 revues de SHS actuellement, mais pas de droit

 techniquement, comment ça marche :

  • la question de la légitimité du support est tombée, sur revues.org. Exemple : cybergeo est une revue purement en ligne et totalement gratuite qui existe depuis 10 ans et est classée par l’ARS (mais les revues juridiques françaises n’ont pas été évaluées par l’ARS, seulement les laboratoires de recherche)
  • les secrétaires de rédaction et les rédacteurs sont très fortement incités à se charger de la rédaction et de leur mise en ligne, Cleo ne se chargeant que de l’hébergement et des problèmes techniques
  • chaque revue a son propre site et sa propre maquette
  • l’outil commun aux revues, le logiciel en ligne d’édition électronique, est Lodel
  • Lodel comporte une chaîne de traitement, à partir de fichiers Word, dont les métadonnées sont renseignées
  • Lodel convertir ce fichier Word en XML pour stockage dans la base de données
  • Lodel génère ensuite, comme tous les CMS, le HTML et le PDF
  • Cleo organise une session de formation par mois
  • Cleo a développé une compétence en édition numérique : ses conclusions :
  • il n’y pas que le PDF dans la vie : c’est très bien mais il a des limitations en termes de référencement, accès et ergonomie → Cleo fait la promotion du format HTML, car même avec un très vieil ordinateur et une très mauvaise connexion, on peut le lire, et car le HTML permet l’insertion d’éléments multimédia (notion de publication augmentée)
  • les supports mobiles : Cleo a développé une mise en page magnifique pour iPad
  • sans protocole spécifique (OAI-PMH, Dublin Core - DC, Meta data Encoding & Transmission Standard - METS), donc sans placement sur une plateforme mutualisée comme revues.org, le référencement reste faiblard

 les modèles économiques :

  • les modèles économiques pour les revues doivent être adaptés à chaque revue
  • beaucoup des revus sont accès à barrière mobile afin de préserver le business model de ces revues (souvent appuyées sur des éditeurs ou des maisons d’édition universitaires
  • développer les partenariat avec des plateformes qui elles commercialisent le texte intégral d’articles sous embargo/barrière mobile (exemple : partenariat avec Cairn)
  • beaucoup de revues dépendent d’un financement des laboratoires universitaires et de l’implication d’enseignants chercheurs + difficile de pérenniser les subventions -> risque d’épuisement -> modèle open edition freemium : l’accès à la version HTML reste libre et gratuit, le reste (podcast, lire sur iPad/iPhone/smartphone, PDF) est payant ; bouquet de 75 revues proposés aux BU
  • depuis un peu plus d’un an, revues.org développe un partenariat avec des presses universitaires pour publier et vendre leurs livres numériques sur le portail revues.org

 rejoindre revues.org ?

  • critères d’acceptation d’une revue sur le portail : être inscrite dans la communauté universitaire et avoir un conseil/comité de lecture
  • revues.org serait intéressé de voir d’autres domaines scientifiques les rejoindre
  • aucun contrat de cession de droits ni besoin d’exclusivité sur revues.org (mais garder son site à soi, c’est beaucoup de travail, donc les revues finissent par migrer entièrement leur contenu sur revues.org).

Notes

[1Ou Legal Scholarship Network (LSN).