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Tout ce qu’on ferait mieux (ou aurait mieux fait ...) de conserver en papier

Les retraits de collections des plateformes en ligne par les éditeurs juridiques
Suppressions d’ouvrages et de revues juridiques sur les bases de données des éditeurs

Avez-vous souvenir des cas où un éditeur juridique a retiré de sa base de données (ou des archives en ligne de celle-ci) une collection de revues ou un ouvrage ? C’est la liste que vous trouverez infra.

Précision : je ne cherche pas à lister ici les arrêts de publication en eux-mêmes (comme par exemple celui de la revue AJ Contrats de Dalloz en 2020) mais :

  • les retraits de publications des plateformes en ligne (contre-exemple : AJ Contrats est resté en ligne), qu’ils fassent suite à un arrêt ou pas
  • ou les non mises en ligne (cas beaucoup plus rare).

Bref, tout ce qu’on ferait mieux (ou aurait mieux fait ...) de conserver en papier [1].

Pour les contenus en ligne "perdus" des organisations administratives et autres AAI disparues, voir notre billet Archivez les fonds juridiques publics — certains risquent de disparaître.

Sommaire

Les publications juridiques retirées des plateformes en ligne

Voici ce dont je me souviens (j’ai aussi exploité les archives de la liste Juriconnexion).

 Lamy :

  • a perdu le Lamy droit du sport (départ de l’équipe des fondateurs rédacteurs pour fonder leur propre éditeur). Il n’a donc pas été gardé dans Lamyline, même dans les archives
  • le Lamy Social Groupes a été arrêté fin 2012, il n’est pas dans les archives de Lamyline
  • les Lamy Contrôle et contentieux fiscal et Fiscalité des opérations internationales ont été arrêtés et retirés des archives de Lamyline
  • NB : point positif, depuis 2013, tous les titres arrêtés ou cédés restent disponibles en archives sur Lamyline — avec un recul chronologique important (un avantage signalé par Juriconnexion). Par exemple : Lamy Sociétés commerciales : premier millésime disponible en archives : 1997 ; Lamy droit du tourisme (ouvrage arrêté) : dernière mise à jour archivée septembre 2014 ; Droit et Patrimoine L’Hebdo (titre cédé) : archives de 2011 à 2019.

 LexisNexis :

  • le JurisClasseur Codes et lois a d’abord été retiré de la plateforme en ligne, puis arrêté fin 2018 [2]. Des raisons de format non adapté au en ligne et de concurrence de Légifrance ont été invoquées par l’éditeur, mais in fine cela se résume à : absence de rentabilité
  • la base Juris-Data Doctrine, une sélection d’articles des revues non diffusées par Lexis, abstractés mais sans le texte intégral (normal, ce sont des concurrents de Lexis), a disparu de la version Intelligence de Lexis 360 [3], censée remplacer en janvier 2023 Lexis 360 tout court. Cette base est un produit commencé dans les années 1960 par ce qui s’appelait à l’époque les Editions Techniques et continué depuis. Et semble-t-il, arrêté en 2015 (avec la requête droit réseaux, en sélectionnant autres revues, aucune notice "Bibliographies" depuis 2015). C’était la seule concurrente du Doctrinal. De mon point de vue, Juris-Data Doctrine était plutôt bien réalisée puisque j’avais pris l’habitude d’interroger les deux bases et non le seul Doctrinal
  • NB : LexisNexis a gardé en ligne les archives de toutes ses revues, y compris des titres rares comme les Cahiers juridiques de l’électricité et du gaz (CJEG) devenus Revue juridique de l’entreprise publique puis Revue juridique de l’économie publique (RJEP). Côté ouvrages à mise à jour, Lexis a gardé en ligne les fascicules du JurisClasseur civil sur le droit des obligations d’avant la réforme de 2016.

 Groupe Lefebvre-Dalloz (Dalloz, Francis Lefebvre, Editions Législatives) :

  • Lettre Omnidroit : durant plusieurs années, les trois éditeurs du groupe, appelé à l’époque Editions Lefebvre-Sarrut (ELS), publièrent sur Internet une newsletter d’abord payante, puis gratuite pour les abonnés à leurs autres publications : Omnidroit. Ses brèves furent citées dans d’autres publications ou dans des documents internes aux conseils ou envoyés à des clients. A l’été 2011, sans prévenir, le groupe Lefebvre-Sarrut arrête la Lettre Omnidroit [4] et supprime son site web. Aucune archive ne fut gardée sur le site de l’un des trois co-éditeurs. C’est peu fréquent mais des références d’Omnidroit sont pourtant encore demandées [5]
  • la revue Dalloz Affaires, qui a pourtant été publiée pendant plusieurs années (de 1995 à 1999) et a été citée par ses pairs, n’a jamais été mise en ligne
  • l’ouvrage Pratique du contentieux administratif a été retiré de Dalloz-Avocats. C’était un ouvrage à feuillets mobiles très apprécié des avocats, supprimé en 2021 [6]
  • sur Navis, disparition du Mémento Groupe de sociétés à l’été 2022 [7]. Cet ouvrage, comme son homologue de Lamy (voir supra), avait été arrêté après le millésime 2019-2020
  • les Mémentos Agriculture et Associations et fondations, disponibles sur Navis, ne le sont pas sur Mémentis.

 Revue Banque : cet éditeur, restructuré et mis à la portion congrue en 2021 par la Fédération bancaire française (FBF) dont il est une émanation [8], a refondu son site. Les archives semble être en ligne depuis 1998 (au moins en PDF) mais l’accès par numéro de revue ou par date est impossible avant octobre 2018. Seul le moteur de recherche général du site permet — et par mots-clés seulement — d’accéder aux anciens articles. De plus, ce moteur indexe l’apostrophe : si vous tapez assurance, ça ne trouve pas l’assurance. Autant dire que si vous n’avez pas le titre exact ...
NB : du fait de l’impossibilité de faire une recherche rétrospective par date ou par numéro de revue, il est impossible en pratique (sauf à faire des milliers de requêtes en en vérifier les résultats un par un) de vérifier 1. que la totalité des archives a été remise en ligne et 2. à partir de quelle date.

 Groupe Infopro Digital :

  • le Journal de l’Environnement (JDLE) a été arrêté en janvier 2021 et son site supprimé.

 Barreau de Paris :

  • Bulletin du Barreau de Paris : une nouvelle technologie a été mise en place suite à une refonte du site de l’Ordre. Celle-ci a entraîné la suppression de l’antériorité entre 1995 et 2002 compris.

 Thomson Transactive / Lexbase :

  • la Revue trimestrielle de droit financier (RTDF) a été retirée du site du Doctrinal après la reprise des deux par Lexbase.

 Option Finance : les archives en ligne du plus lu par les juristes des magazines financiers ne remontent qu’à 2013. Petit éditeur indépendant, Option Finance a beaucoup tardé dans sa numérisation puis sa mise en ligne.

 Jurisoinne : le professeur Bernard Soinne, liquidateur judiciaire et spécialiste reconnu du droit des procédures collectives, avait migré sur le Web avec son site payant Jurisoinne. La mise à jour de facto de son Traité des procédures collective de 1995 était uniquement disponible en ligne sur Jurisoinne, avec des actualités. Bernard Soinne a migré ensuite sur Soinnejuris mais si des actualités de 2014 à 2020 sont visibles sur le site et si une bibliothèque numérique est évoquée, l’état de mise à jour du traité (autrefois souvent appelé "le Soinne") n’est pas clair et l’absence d’actualités depuis 2020 inquiète.

 Publications périodiques COB, CMF, CBV, SBF, CMT (sauf rapports annuels COB, qui ont été récemment remis en ligne sur le nouveau site de l’AMF) [9] :

  • rapports CMF, CBV, CMT
  • Bulletin mensuel de la COB
  • Décisions et avis de la Société des Bourses Françaises (SBF) [10].

Vous en voyez-vous d’autres ? Les commentaires sont ouverts.

L’origine des retraits de contenus en ligne des plateformes des éditeurs juridiques

Ce qui m’a frappé en préparant ce billet, c’est que les retraits ou non mises en ligne de contenus semblent d’abord liés à :

  • des cessations de publication. Chez certains éditeurs, l’arrêt peut ou a pu signifier le retrait de la plateforme dans les années qui suivent. Inversement, on l’a vu, certains comme Lamy et Lexis suivent une politique de conservation à encourager
  • la situation plus ou moins difficile de l’éditeur. Il peut être fragilisé par sa situation dans son groupe [11], sa situation financière [12] ou son indépendance/petite taille [13]
  • une absence (supposée) de rentabilité déduite des faibles ventes/petits tirages papier. Exemples : les revues de Revue Banque ou le Soinne
  • le départ des rédacteurs chez un autre éditeur ou leur mise à leur propre compte (un cas très rare). Exemple : le Lamy droit du sport.

Le problème est aggravé par les déménagements successifs des structures juridiques professionnelles (à chaque déménagement, la surface de la bibliothèque recule).

Et par la fin des services de copie à distance : CERDOC (Cujas, supprimé), Service copie de la Bibliothèque de l’Ordre (Paris, dit "ORBIB") (combien de temps tiendra t-il encore ?).

La BNF est payante et nombre de publications ne sont accessibles qu’au rez-de-jardin, qui est réservé aux chercheurs et suppose une demande d’autorisation. Quant aux bibliothèques universitaires, elles suppriment elles aussi des collections papier prenant beaucoup de mètres linéaires, se reposant sur la plus grosse BU voisine qui garde elle la collection — mais pour combien de temps ?

La base Gallica de la BNF est bloquée à 1947 et son manque de moyens financiers pour aller plus avant est patent. Enfin, les règles du droit d’auteur (70 ans après le décès de l’auteur) la bloquent aussi.

Des solutions ?

Oui, il y en a. Déjà, une connue depuis des siècles : rester abonné au papier et relier ses collections de revues (et ses ouvrages s’ils sont abîmés).

Sinon, du côté du secteur public, un collègue bibliothécaire de BU suggère « l’intérêt d’achats pérennes de collections AVEC plateformes d’archivage public ». Exemple : le programme et plateforme ISTEX.

Emmanuel Barthe
bibliothécaire documentaliste juridique

Notes

[1Ce billet ne traite pas du risque bien moins probable mais potentiellement dévastateur de hacking ou rançongiciel sur un éditeur. Le délai moyen d’indisponibilité du site web dans ces cas-là est de une à deux semaines — ce qui ne veut pas dire qu’au bout de ce délai tout fonctionne mais que le site est à nouveau accessible, alors que les fonctions de vente, de recherche et de consultation des publications vont d’inexistantes à très limitées. Le délai minimal de reprise de la totalité des opérations (site web complètement opérationnel, toutes fonctionnalités et mises à jour des contenus retrouvées) étant, lui, de deux mois, comme on a pu le constater par exemple avec ce qui est arrivé à l’Afnor en février 2021, pour parler d’un éditeur juridique. Sur ce sujet, lire sur ce blog Edition juridique et sécurité informatique : quelques questions d’actualité.

[2L’éditeur a confirmé l’arrêt de la publication par courrier du 17 septembre 2018 adressé aux abonnés. Les JurisClasseurs Europe textes et jurisprudence, Travail et protection sociale textes et Codes et lois Fiscal ont également été arrêtés fin 2018 mais je ne suis pas certain qu’ils aient été en ligne, et de toute façon leur retrait (si mise en ligne il y a eu) n’est pas une perte puisque EUR-Lex et Légifrance diffusent et tiennent à jour l’essentiel de ces textes. Pour le JCl Codes et lois, c’est une autre histoire, car son recul chronologique (inclus l’édit de Villers-Cotterêts) et la qualité de sa consolidation faisaient, en tout cas pour les spécialistes, la différence avec Légifrance.

[3Pour la démonstration, interrogez la seule base Revues de chaque version de Lexis 360 par "monopole bancaire" (avec les guillemets) : Lexis 360 ramène 399 résultats dont des "Bibliographies" i.e. des notices Juris-Data, Lexis 360 Intelligence ramène 332 résultats, dont aucune "Bibliographie". Voir les PDF suivant :
Lexis 360 :


Lexis 360 Intelligence :

[6Information obtenue grâce au groupe de travail Juriformation de l’assocation Juriconnexion.

[7Information obtenue, là aussi, par le groupe Juriformation.

[8Actionnaire majoritaire, la FBF a annoncé en juin à l’équipe le licenciement de 9 des 17 salariés. Voir sur ce blog : Revue Banque : la FBF restructure radicalement sa maison d’édition, « structurellement déficitaire ».

[10NB : les cédéroms publiés à l’époque ne sont plus techniquement lisibles par les ordinateurs actuels.

[11Dalloz, de facto fusionné volens nolens avec les Editions Législatives et les EFL, Le Moniteur, Lamy pressuré de 2008 à 2022 par sa maison mère néerlandaise de l’époque Wolters Kluwer, Revue Banque.

[12Lamy, le Journal de l’environnement.

[13Option Finance.