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Les données publiques ne sont pas "données"
Etalab ou la nouvelle valorisation du patrimoine immatériel de l’Etat

Commentaire de texte de l’extrait suivant du compte-rendu du Conseil des ministres du 24 novembre 2010 :

« Un portail unique des données publiques, intitulé "Etalab", sera créé. Il favorisera la réutilisation des données publiques par des acteurs privés. Un directeur de projet sera prochainement nommé afin de piloter la mise en ligne de ce portail d’accès aux données publiques d’ici fin 2011. »

Cela fait deux ans qu’on parle de ce portail ou catalogue, notamment à l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE) [1]. Cette fois, un délai est fixé : rendez-vous fin 2011, donc.

Pendant ce temps, la jurisprudence de l’Internet français réunie par le Forum des droits sur l’Internet a disparu de son site, le site ferme au 31 décembre et aucune solution d’archivage en ligne n’est proposée à ma connaissance.

Par ailleurs, je remarque deux choses :

 Primo : un glissement sémantique. L’APIE devait créer un portail de données autour des RIP (action 39 du plan France numérique 2012 d’Eric Besson). Etalab, c’était « créer une plateforme d’innovation de services "Etat lab" permettant aux acteurs tiers de développer des services innovants à partir des données publiques » (proposition 22 du rapport Riester "Amélioration de la relation numérique à l’usager" de 2010
 [2]). Il est pourtant clair avec l’expérience américaine de data.gov et, plus proche de nous, de data-publica, qu’il est profitable d’avoir la synergie entre les données d’une part et les applications faites pour elles d’autre part. La communication du Conseil des ministres semble fusionner les deux projets en un, sans faire la part des choses. On peut y voir y voir une perte de sens.

 Secundo, dans ce compte-rendu il n’est question que des acteurs privés. Il n’est question ni des utilisateurs, ni des internautes, ni des citoyens, ni du grand public, ni des entreprises, ni des entrepreneurs, ni même des contribuables avec l’argent/l’impôt desquels ces données publiques sont produites. Juste des "acteurs privés". Les acteurs privés des données publiques, autrement dit.

Quant aux utilisateurs, internautes, citoyens, grand public, entreprises, entrepreneurs et contribuables, si ces données ne sont pas disponibles en ligne, ils vont devoir payer [3] pour les y chercher et les consulter — comme pour la base JuriCA des arrêts de cour d’appel [4], non disponible sur Legifrance.

C’est ce qu’un archiviste qualifiait déjà en décembre 2009 sur son blog de « décalage entre les attentes ».

Cela ne reviendrait il pas à payer deux fois la même chose ? Non, si on suit l’argument qui veut qu’on paye (aussi) un service [5]. Mais dès lors, ne peut on qualifier de service un site web de l’administration qui met(trait) en ligne ces mêmes données, certes un peu en vrac, moins bien structurées et plus mal présentées ?

Dans cette conception, Legifrance serait forrt probablement qualifié de service — et même un bon service, même si imparfait. Ne serait ce pas justement là qu’est le problème ?

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique

Notes

[2Amélioration de la relation numérique à l’usager : Rapport issu des travaux du groupe "Experts Numériques" remis à Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l’état et Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’état chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique, 12 février 2010. Voir aussi le dossier de presse et le résumé du rapport fait par le blog TIC de l’Association des maires de grandes villes.

[5Les abonnements aux bases de données et plateformes en ligne sont soumis au taux de TVA de 18,6%, soit celui des services.