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La main au collet

Le Web est bien en train de devenir payant
Bientôt du ménage sur le Web ?

Les médias sociaux deviennent progressivement partiellement payants, comme l’a repéré l’excellent magazine L’ADN centré sur la création numérique [1] et comme le confirme le site Pixel de Tracking [2]. Twitter, par exemple, si vous voulez y éviter la pub, vous impose de payer son service.

Mais il n’y a pas que les "RS". Des sites web banals mais tout autant quotidiennement utilisés comme Allo Ciné ou Libération sont passés au "laissez-nous afficher de la publicité et vous traquer sinon payez un petit abonnement" (souvent 2 euros par mois, parfois 4). Leur version à eux du RGPD ... Pour un élément de comparaison, 4 euros c’est le prix de certains DVD vendus dans des magasins spécialisés à Paris.

Faites vous vous-même une idée en cliquant par exemple sur les 14 premiers résultats de la recherche de la bande annonce (une courte vidéo à but elle-même, déjà, publicitaire) de La main au collet, le film de Hitchcock avec Grace Kelly et Cary Grant. Vous constaterez que la majorité des résultats vous soumettent à ce choix désagréable.

Vous soumettent au choix supra "vos données ou votre argent" (on appelle ça aussi "cookies wall" ou "accès alternatif) — ce qui fait un peu penser à un chantage (liste à compléter) :

  • Google
  • Youtube (qui affiche une publicité toutes les 5 mn — pire qu’à la télévision américaine)
  • Marmiton
  • Allô Ciné
  • Télé-Loisirs
  • Télé 2 Semaines
  • Femme Actuelle.fr (la preuve)
  • Gala.fr
  • Challenges.fr
  • Jeux-video.com
  • Libération.fr

Ne pratiquent pas ce chantage et vous laissent les consulter même si vous refusez la pub et la traque de vos données :

  • Dailymotion
  • Vodkaster (un site communautaire de Télérama)
  • Rakuten.tv
  • L’Express.fr
  • Le Monde.fr
  • ...

Je parie que ces choix suivent les frontières des grands groupes de presse. Ce serait logique. Et concernant la presse, cette évolution va de pair avec la très nette réduction, voire suppression, du nombre d’articles consultables gratuitement (Les Échos, Le Monde ...) [3].

Pourquoi est-ce que je parle de chantage ? Parce que :

  • on a affaire à une interprétation que je qualifierais de "tendancieuse" du RGPD
  • certains de ces sites sont incontournables, on ne peut pas surfer sur le Web sans passer par eux en pratique
  • j’ai tendance à considérer que c’est soit option n° 1, soit option n° 2 :
    • option n° 1 : on ne paye pas, c’est gratuit et on peut être amené à regarder de la pub mais pas à avoir en plus à céder ses données personnelles. Je considère que "j’ai déjà donné" en devant "me payer" la pub [4]
    • option n° 2 : on paye et il n’y a pas de pub. Or quand bien même on accepte de payer, nombre de ces sites affichent une publicité très invasive (Les Echos.fr ...)
    • et puis, dans l’option n° 1, pour prendre un exemple précis, est-ce qu’une simple bande annonce de film (sur Allô Ciné) vaut 2 euros ? J’ai tendance à en douter : une bande annonce, c’est déjà de la publicité, je ne vois donc pas très bien en quoi sa valeur dépasserait au mieux quelques centimes — et encore, pour des films anciens.

On ne peut pas mettre son argent partout (si tant est qu’on aie envie de payer), il va falloir faire des choix. Et selon toute probabilité, ce seront les gros sites qui en profiteront, ceux dont le contenu est déjà énorme et qui dominent le secteur.

Ou je me trompe, ou il va y avoir du ménage sur le Web à moyen terme.

Emmanuel Barthe

Notes

[2Comment les éditeurs se moquent de la CNIL, Pixel de Tracking, 9 juin 2021.

[3Avec toutefois une exception : les versions AMP des articles (un format exigé et hébergé par Google depuis 2015 pour une meilleure indexation).

[4Et oui, je sais que la publicité ne rapporte pas tant que ça pour un petit site. Je suis bien placé pour le savoir. Mais je suis aussi un internaute comme les autres.