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Incendie des transformateurs de la gare Montparnasse

SNCF, RTE été 2018 : une communication ratée qui coûte cher au voyageur
Un week-end d’enfer et ruineux

Nos vacances d’été en famille de juillet 2018 avaient déjà bien commencé à l’aller grâce à la SNCF. Le retour allait être un feu d’artifice dans le style WTF (ou portenawak pour les générations précédentes).

Suite à l’incendie dans un poste de transformateurs de RTE (ex-EDF) à Issy-les-Moulineaux le vendredi 27 juillet, la SNCF a « annulé » (un mot politiquement correct pour dire supprimer) des dizaines et des dizaines de trains, particulièrement des TGV de vacanciers.

Communication contradictoire

Pour le samedi 28, la communication de la SNCF parlait de 60 à 70% de trains disponibles. Et dimanche 29, ce fut pire : 50% seulement [1]. Ce qui n’a pas empêché le nôtre d’être supprimé le vendredi soir. Au moins, puisque nous avions donné notre mail à TrainLine, la SNCF a pu nous prévenir directement, par un mail reçu vendredi à 21h08. Mais quand les bureaux de la gare locale sont fermés et le 3635 totalement injoignable (message d’accueil en boucle), ça fait "short" pour trouver une solution de rechange. Bon, on se démène, on en trouve une : un OuiBus (tiens, une filiale de la SNCF !).

Absence de communication

Mais pas de chance, le lendemain, le TER [2] qui nous emmène à Rennes où nous devons prendre notre Ouibus, ce TER se prend 1h30 de retard. Ce retard est dù à une panne de la locomotive [3] d’un train de marchandises [4] situé sur la même voie ferrée devant nous. Nous passons une heure en rase campagne avec peu ou pas de connexion, cherchant frénétiquement des alternatives.

Notre Ouibus part donc à 13h30 sans nous. Et faute d’avoir été prévenu à temps de l’ampleur du retard (combiné à l’absence de connexion), nous sommes hors délai pour tenter d’échanger notre Ouibus de 13h30 contre le dernier disponible samedi — même s’il arrive à minuit à Paris [5].

Arrivés en gare de Rennes, nous allons passer trois heures à découvrir tous les étages et les différents départements d’une gare transformée en véritable labyrinthe par ses travaux pharaoniques de reconstruction, à nous énerver, à nous émerveiller du manque de maîtrise de la communication de la compagnie nationale puis à finalement trouver un arrangement correct mais sans plus au service clients (là où on vend les billets ... et où on traite aussi les réclamations ...).


Intérieur de la gare de Rennes en travaux à l’été 2018

Communication : le service client meilleur que la direction

C’est à ce service client que nous allons apprendre un point clé. Bon à savoir : en cas de grandes perturbations sur le réseau ferré (vocabulaire interne à la société nationale pour signifier grandes graves ou grandes pannes) : n’annulez pas vos réservations et ne vous faites pas rembourser vos billets, quand bien même votre train risque d’être ou a été annulé. Je répète : N’ANNULEZ PAS vos résa et billets (que vous les ayez pris auprès de la SNCF, de TrainLine ou de tout autre agence de voyage). Gardez vos titres de transport. N’achetez PAS une autre solution de transport.

En effet, en cas de grandes perturbations, et sans le reconnaître officiellement, la SNCF accepte (et ses contrôleurs et chefs de gare recommandent même expressément) que toute personne ayant un billet non utilisé et non annulé pour un trajet donné puisse monter dans un train allant à sa destination sans se préoccuper de savoir s’il a une réservation ni de quoi que ce soit d’autre.

Or, pour éviter que tout le monde fasse ainsi et que cela crée des paniques, de la fraude et des problèmes de sécurité, la SNCF s’abstient soigneusement de communiquer sur cette possibilité. Pire : elle conseille/demande à ses clients de reporter leur voyage.

Autrement dit : la direction et sa com’ dans les médias, d’une part, et leurs agents sur place, d’autre part, se contredisent. Et les bons tuyaux ne sont pas ceux de la direction.

Sans trains disponibles, allons devoir, ce samedi, passer une nuit à l’hôtel et dîner au restaurant. A quatre, ce n’est pas donné ...

Encore des lacunes dans la communication

Deuxième gros problème de communication SNCF : le fameux train de marchandises qui nous a fait rater notre Ouibus est un train privé opéré par un opérateur privé, pas la SNCF. Les contrôleurs me disent donc : pas la faute de la SNCF, pas d’indemnisation. Et puis de toute façon, ça ne dépasse pas les fameuses trois heures de retard.

Certes, mais :

  • ni les contrôleurs ni la gare de Rennes ne sont pas capables de me donner les coordonnées de cet opérateur privé. Comment pourrais-je alors me retourner contre lui ?
  • et l’information sur le retard exact n’a été donnée par le chef de train du TER que bien trop tard pour la plupart des passagers du TER. En tout cas, trop tard pour nous pour pouvoir modifier notre réservation Ouibus.

Autres absurdités communicationnelles

Autres bizarreries voire absurdités communicationnelles, SNCF ou non :

  • la compagnie nationale a choisi de "charger" lourdement RTE, qui non seulement a failli mais n’a pu activer selon les Echos aucun des trois systèmes de sauvegarde ("backup"). Mais selon François Brottes, le président du directoire de RTE, c’est tout simplement parce que la SNCF avait choisi de mettre tous ses œufs dans le même panier : ses backups étaient sur le même site RTE d’Issy-les-Moulineaux [6]. Or tout plan de continuité d’activité (PCA) sérieux implique de choisir un fournisseur ou au moins un établissement/lieu différent pour son backup et de faire des exercices et des tests. Il s’avère que la SNCF a bien séparé ses trois lignes d’alimentation électrique de la gare Montparnasse et que RTE a commis l’erreur de les regrouper. Pour autant, la SNCF n’a visiblement pas poussé l’analyse de résilience jusqu’aux fournisseurs et contrats associés [7], contrairement à ce que pas mal de spécialistes des PCA recommandent [8]. Charger RTE peut aussi servir à masquer les déboires de la SNCF l’an dernier à la même époque
  • les médias ont insisté sur l’aspect catastrophe mais, très largement hélas, n’ont pas enquêté sur les causes de l’incendie du centre RTE ni surtout sur le plus important pour leurs lecteurs : l’importance exacte des dégâts sur les transformateurs. Ils se sont contentés des photos et commentaires des internautes ayant posté sur Internet et des (rares) communiqués de presse sur ce sujet puis des estimations de retour à la normale émises par RTE et la SNCF
  • RTE ni vendredi ni samedi n’avait publié quoi que ce soit sur son site web. La société s’était contenté d’un communiqué au format image — même pas texte — sur son compte Twitter et d’une courte déclaration aux radios TV du président de son directoire. En matière de gestion de crise médiatique et communicationnelle, à la question "Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?", la réponse pouvait être au choix "Les pilotes sont en vacances" ou "Les pilotes sont des amateurs" [9], voire les deux. RTE s’est toutefois excusé et a mis les bouchées doubles pour trouver une solution temporaire permettant aux abonnés EDF, Direct Énergie etc. de revenir à la normale.

Plus largement, la fébrilité des ministres des transports et de l’énergie masquait mal des questions sur les investissements sur les infrastructures et la préférence — et le soutien financier — de l’élite française pour le nucléaire (et Areva, ex-Commissariat à l’énergie atomique).

Emmanuel Barthe
consommateur voyageur, client SNCF, à qui cette histoire a coûté pas loin de 600 euros supplémentaires, billets Ouibus et frais de nourriture et d’hôtel pour quatre inclus

Notes

[1Jeudi 2 août, 4/5e du trafic était rétabli. Pour plus de détails sur les ratés de la communication de la SNCF et sa recherche d’un bouc émissaire en la personne de RTE, voir SNCF : un incendie en plein grand départ de vacanciers depuis la gare Montparnasse, blog PasSiDupes, 28 juillet 2018.

[2Train pas du tout Express mais bien Régional, financé (subventionné est le terme exact) par la Région mais opéré par la SNCF qui fournit conducteur, contrôleur et suivi du trajet.

[3Je sais, on dit motrice à la SNCF.

[4Oui, je sais, on dit fret en langage SNCF.

[5Nous essaierons de faire valoir la force majeure auprès de Ouibus pour obtenir le remboursement des billets de bus puisque nous n’avons pas été en mesure de connaître à temps la situation réelle et qu’en rase campagne nos portables ne captaient plus. L’assistance par mail nous fera une réponse standard dans le plus pur style "OSEF". Et mon courrier LRAR pourtant envoyé au siège officiel — Infogreffe dixit — me sera retourné avec la mention NPAI. WTF ou portenawak là aussi si je puis me permettre.

[6RTE a remis le courant à Montparnasse et refuse d’être le bouc émissaire de la SNCF, édité par Thomas Pontillon, Gaële Joly, Radio France, 31 juillet 2018.

[9Et je reste poli.