L’industriel, le communicant, le consultant, le journaliste et le professionnel
Et la morale de l’histoire
— L’industriel (au communicant) : « On a besoin de vendre ce nouveau produit/logiciel. »
[Traduction : on s’est lancé trop tôt/trop vite/sans véritable étude de marché parce que nos produits traditionnels se vendent moins bien. On a beaucoup investi là dessus, résultat ça nous coûte un bras et les ventes ne décollent pas. Or l’équilibre financier de la boîte en dépend.]
— Le communicant/marketeur : « On va lancer une campagne de publicité et de communication. »
[Traduction : on va demander aux médias chez qui on place de la pub de parler du produit ou de son concept novateur en bien dans leurs articles et on va demander aux consultants qui bossent pour nous de le recommander dans leurs formations et sur leurs blogs.]
— Le consultant : « On m’a dit qu’il y a un nouveau concept/produit. Mes clients et collègues me disent que c’est bien. »
[Traduction : si je veux continuer à vendre à mes clients industriels des conseils et des formations, et avoir l’air dans le coup, il faut que je recommande la dernière mode. De toute façon, nouveau produit égale nouveaux conseils et nouvelles formations.]
— Le journaliste : « Il y a un nouveau concept/produit. Il faut qu’on en parle. »
[Traduction : mon directeur de la rédaction m’a fait comprendre que je dois écrire dessus, c’est un annonceur important. De plus, les consultants n’arrêtent pas d’en parler.]
— Le professionnel : « Il y a un nouveau concept/produit. Mes clients et donneurs d’ordres internes me disent que c’est bien, que les concurrents l’ont, qu’il faut le prendre. »
[Traduction : je n’ai pas le choix, je dois suivre le courant.]
Moralité : il suffit à l’industrie de mettre quelque chose à la mode pour que le secteur l’achète. Les besoins réels comptent peu. Même les entreprises vivent dans une société de consommation [1].
A moins que ...
A moins que le professionnel développe ses connaissances des produits et ses compétences d’acheteur, de communicant et d’influenceur. Qu’il développe une maîtrise de la chaîne et une connaissance fine de ses acteurs. Qu’il travaille avec les responsables financiers et les utilisateurs. A ce prix, il empêchera certaines erreurs. Pour le reste, "go with the flow". Le système possède une inertie formidable et les industriels n’écoutent guère.
A moins que des professionnels créent ou animent des associations de type consumériste où on produit, avec la coopération des industriels volontaires, des comparatifs et des guides de bonnes pratiques, et où on aide d’autres professionnels à évaluer les produits des industriels et à argumenter face à leurs offres.
Ca demande pas mal d’implication et de temps, mais on me dit que ça existe.
Emmanuel Barthe
Notes
[1] Même si, je le rappelle, entre professionnels, sauf exception rarissime (cas où le professionnel conclut un contrat qui n’a pas un rapport direct avec son activité professionnelle), le droit de la consommation ne s’applique pas.
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