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Dans notre série sur l’e-administration

L’e-justice avance : des téléprocédures allégées côté justice administrative, hypra-sécurisées côté judiciaire

Dans notre série sur l’e-administration et l’e-justice, voici les arrêtés publiés au JORF, qui posent les bases pratiques — et non théoriques, c’est déjà fait par le décret du 10 mars 2005 [1] — des téléprocédures de la justice administrative :

  • arrêté du 27 mai 2005 relatif à l’expérimentation de l’introduction et de la communication des requêtes et mémoires et de la notification des décisions par voie électronique devant le Conseil d’Etat [2]. Il s’agit du texte qui a lancé l’application Télérecours au Conseil d’Etat
  • arreté du 11 mai 2007 lançant Télérecours au Tribunal administratif et à la Cour administrative de Paris [3]
  • arrêté du 24 décembre 2008 relatif à l’expérimentation de l’introduction et de la communication des requêtes et mémoires et de la notification des décisions par voie électronique devant les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise, Melun, Paris et Versailles et les cours administratives d’appel de Paris et Versailles (JORF du 31 décembre 2008)
  • arrêté du 3 février 2009 relatif à l’extension de l’expérimentation de l’introduction et de la communication des requêtes et mémoires et de la notification des décisions par voie électronique devant le Conseil d’Etat (JORF du 8 février 2009).

Dans ces arrêtés, les informations importantes sont les suivantes :

  • il suffit d’un identifiant et d’un mot de passe pour se connecter
  • et c’est l’action en justice même qui peut être introduite en ligne, y compris l’appel. Comme le relève Me Icard, « à partir du 1er janvier 2009, les parties représentées par un avocat peuvent introduire devant les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise, Melun, Paris et Versailles, au moyen de la procédure électronique de transmission des requêtes relevant du contentieux fiscal d’assiette, à l’exclusion des référés administratifs. Elles peuvent, par le même moyen, interjeter appel devant les cours administratives d’appel de Paris et de Versailles de jugements ou d’ordonnances rendus sur de telles requêtes »
  • navigateurs acceptés : Internet Explorer 5.5+ bien sûr, mais si Netscape 7+ y est, ni Firefox ni Opéra ne sont cités
  • Adobe Acrobat 6.0+ est également nécessaire
  • formats de fichier acceptés : Word, RTF, JPEG, TIFF et PDF. Pas la moindre place pour un format libre (le PDF est un format ouvert, pas libre). Traduction : on peut penser que l’informatique du Conseil d’Etat est sous Windows. Les fichiers PDF transmis ne doivent être protégés en aucune façon
  • les fichiers sont horodatés par un serveur du Conseil d’Etat.

Depuis le décret de 2005 précité, le contentieux fiscal de l’assiette devant le Conseil d’Etat permet une procédure entièrement en ligne grâce à l’application en ligne Télérecours. Comme l’expliquent Stéphane Derlange et Antoine Errera, conseillers au tribunal administratif de Paris, dans leur article au JCP G du 17 décembre 2008 :

« Une expérimentation a d’abord été menée au Conseil d’Etat, pour le contentieux fiscal d’assiette à partir de juin 2005. Elle a rencontré un grand succès (89 % des recours ont été déposés par voie électronique, et 11 % seulement par voie papier) et suscité des retours d’expérience très positifs. Le succès de cette expérimentation a justifié son extension, depuis le mois de juin 2007, au tribunal administratif et à la cour administrative d’appel de Paris, toujours pour le contentieux fiscal de l’assiette. Les résultats permettent aujourd’hui d’envisager une extension aux juridictions d’Ile-de-France au début de l’année 2009. »

Le dernier arrêté, celui de février 2009, ne concerne que le contentieux du ministère de la défense, mais montre bien que le e-contentieux administratif continue à s’étendre pas à pas.

La juridiction administrative est décidément précurseur dans ce domaine. Certes, ses moyens financiers souvent supérieurs à ceux des juridictions judiciaires et le moindre nombre des contentieux qu’elle a à traiter [4] jouent, mais j’ai aussi le sentiment que son approche de la numérisation des procédures est à la fois plus rigoureuse sur le plan technique et plus pragmatique aussi.

Un bon exemple en est le choix qu’elle fait d’identifier les parties par les codes d’accès classiques en informatique qu’est le couple login + mot de passe. Par un souci — en théorie louable — de sécurité, les juridictions judiciaires tentent d’imposer le trio suivant :

  • cryptage des flux par un boîtier de chiffrement que l’avocat doit connecter à son modem ADSL
  • certificat électronique sur clé USB
  • abonnement payant (e-Barreau) [5].

Ce n’est hélas pas ce qu’il y a de plus pratique pour fonctionner en réseau d’entreprise ou laisser son collaborateur travailler ou son asssistante s’occuper de finaliser le dossier ...

Résultat : si les grands cabinets d’avocats ne se sentent pas trop de sauter le pas de e-Barreau, les mêmes, s’ils ont des publicistes parmi leurs membres, travaillent depuis plusieurs années sur Sagace (ou e-Sagace) sans aucun problème [6]. Et vu la similitude entre les deux applications, il est fort probable que les fiscalistes des cabinets parisiens "accrochent" bien également avec Télérecours.

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique

Notes

[1Décret n° 2005-222 du 10 mars 2005 relatif à l’expérimentation de l’introduction et de la communication des requêtes et mémoires et de la notification des décisions par voie électronique (JORF n° 59 du 11 mars 2005 p. 4212 texte n° 35). Précédé par le rapport de Thierry Somma, juge administratif, alors premier conseiller au tribunal administratif de Versailles, pour le Conseil d’Etat : Mettre en oeuvre les téléprocédures dans la juridiction administrative, novembre 2003 (format PDF).

[2JORF n° 125 du 31 mai 2005 texte n° 54.

[3Arrêté du 11 mai 2007 relatif à l’expérimentation de l’introduction et de la communication des requêtes et mémoires et de la notification des décisions par voie électronique devant le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris (JORF n° 113 du 16 mai 2007 p. 9234 texte n° 120).

[4180 000 requêtes par an devant les tribunaux administratifs, c’est beaucoup. Toutefois, les juridictions judiciaires gèrent plus de deux millions de nouveaux dossiers par an. Rien qu’au civil : les juridictions de proximité 80 000, les tribunaux d’instance (TI) 600 000, les tribunaux de grande instance (TGI) 950 000, les cours d’appel (CA) au moins 200 000, les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) 90 000, les conseils de prud’hommes (CP) 200 000, les tribunaux de commerce (TCom) 200 000 ...
Source : Annuaire statistique de la Justice 2007 (chiffres 2005).

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