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L’intérêt du PACS et du mariage par rapport aux impôts est une légende urbaine

Impôts : ne vous mariez pas, ne vous pacsez pas !
Le pourcentage de couples qui ont intérêt à déclarer leurs revenus séparément (et donc à ne pas s’unir) est beaucoup plus important qu’on ne le croit

Ce qui suit est du vécu.

Avec ma compagne, nous nous sommes pacsés récemment. Nous avons donc fait un changement de situation (autrement dit nous avons déclaré notre Pacs aux Impôts) et avons fait (en 2019) une déclaration des revenus 2018 commune.

Au final, le site des impôts m’annonce que nous allons globalement payer 56 euros de plus par mois ... Nous sommes donc sanctionnés financièrement pour un acte positif et valorisé de la vie sociale. Pardon ?!?!

Se pacser/marier = augmentation de vos impôts

Contactée par mes soins en avril 2019, la plateforme de renseignements téléphoniques sur le prélèvement à la source m’apprend que les responsables de cette perte financière ne sont pas uniquement ma légère augmentation de revenus en 2018 mais aussi les mécanismes même du droit fiscal français !

Oui, vous avez bien lu : se pacser ou se marier augmente très fréquemment le montant global de votre impôt sur le revenu.

Internet ne vous préviendra pas

Pourtant, Internet ne m’avait rien dit. J’ai l’habitude de chercher en ligne. Mais là, pas ou (très) peu de "warnings".

Illustration de ce manque d’avertissements publics : une requête Google utilisant des termes précis et officiels (impôt sur le revenu déclaration commune pacs OR mariage intérêt) renvoie dans ses 10 premiers résultats des pages insuffisamment précises.

Deux exemples [1] de ces pages web en accès gratuit induisant les contribuables en erreur faute d’être suffisamment précises :

Même la page sur le sujet Impôt et mariage font-ils bon ménage ? de la startup spécialisée TacOTax n’est pas claire. Tout au plus avertit-elle de manière cryptique :

Exemple, en sens inverse, d’article en accès gratuit ne disant pas de bêtises. Mais c’est uniquement à la fin qu’il dit les choses plus clairement que les autres : https://www.l-expert-comptable.com/a/532527-le-mariage-et-l-impot-sur-le-revenu-2018.html

Quant au site impots.gouv.fr, il ne traite hélas pas le sujet. Parmi ses résultats, la requête Google précitée ne renvoie que trois pages venant du site officiel. Aucune ne répond à la question :

Les Impôts laissent ainsi la légende urbaine survivre voire prospérer et faire son lot de victimes fiscales. Car les sites d’information dédiés aux particuliers ne sont généralement pas tenus par des fiscalistes et se contentent de reprendre des informations et rapports publiés (ou non) sur des sites officiels — comme impots.gouv.fr ou l’INSEE justement.

Se marier/pacser serait bénéfique sur le plan fiscal : une idée fausse

Ce n’est pas moi qui ai qualifié cette information de légende urbaine mais certains conseillers de la plateforme téléphonique des impôts [2]. De mon point de vue, ils ont parfaitement raison.

Voici pourquoi l’idée selon laquelle se pacser/marier fait baisser vos impôts est une légende urbaine, autrement dit une idée fausse :

  • parce que c’était vrai autrefois. Plus maintenant
  • parce que se pacser/marier, c’est faire grossir vos revenus de beaucoup. Donc, on dépasse des seuils sous lesquels chacun ou un des deux restait auparavant. Or l’impôt sur le revenu compte beaucoup d’exonérés mais en revanche il est fortement progressif : autrement dit, il grimpe vite [3]
  • parce que, les seuils mis à part, certains dispositifs avantageux sont perdus quand fait une déclaration commune. Tel est le cas des couples ayant des revenus assez élevés pour être imposables, mais assez faibles pour être concernés par la prime pour l’emploi ou par le système de la décote
  • parce qu’il faut absolument distinguer des cas très différents et que les cas où on est gagnant sont minoritaires (contrairement à ce qu’affirment pas mal de pages web). Il y a deux catégories de cas et plusieurs cas dans chaque catégorie. Or les résultats sont vraiment très différents selon les configurations :
    • rémunérations des membres du couple :
      • l’un ne travaille pas, l’autre oui => ils ont tout intérêt à s’unir
      • les deux travaillent mais ont des salaires TRES différents => ils ont un intérêt à s’unir
      • les deux travaillent mais ont des salaires proches (à peu près 20% maximum de différence) ou identiques => aucun intérêt fiscal à se pacser/marier ; or c’est un cas devenu fréquent
    • modes de garde des enfants :
      • aucun enfant => peu avantageux car pas de demi-part supplémentaire
      • des enfants du couple qui n’a jamais divorcé => idéal car les demi-parts supplémentaires seront importantes
      • un des deux (ou les deux) membres du couple a divorcé et a des enfants en garde en garde => idéal car les demi-parts supplémentaires par enfant seront importantes
      • un des deux (ou les deux) membres du couple a divorcé et a des enfants en garde en garde alternée => nettement moins avantageux car les demi-parts supplémentaires par enfant deviennent des quarts de part.

Les deux seuls cas où il est avantageux de se pacser/marier

En résumé : les deux seuls cas où il est avantageux de se pacser/marier sont :

  • on a au moins deux enfants à soi ou sous sa garde *exclusive*. Autrement dit : si vous êtes en garde alternée ou en droit de visite, c’est raté ! Or les familles recomposées sont devenues très fréquentes : selon une étude INSEE, « fin 2013, une personne sur trois âgée de 26 à 65 ans vivant en couple a déjà vécu une séparation »
  • un des deux ne travaille pas et n’a donc pas de revenus. Le revenu global du couple ne s’envole donc pas, et l’impôt sur le revenu non plus. Or les femmes [4] qui ne travaillent pas, c’est du passé. Ce cas est donc devenu rare.

La morale de l’histoire

Il y a deux morales à cette histoire.

Un : cette morale-là, je la connaissais déjà mais c’est une confirmation éclatante : Google ne donne pas réponse à tout.

Deux : je ne le savais pas et je suis profondément déçu, limite scandalisé : la fiscalité française défavorise probablement 50% des particuliers [5], si ce n’est plus.

Juriste de formation, je sais bien que le droit fiscal a ce qu’on appelle son autonomie — il a le droit de dire le contraire des autres domaines du droit, ici le droit de la famille. Mais là, c’est "border line". On a un truc positif, symbolique et affectif à célébrer et paf ! les Impôts vous le font payer. Autrement dit, la fiscalité française, le droit fiscal français pratiquent une discrimination en faveur du concubinage et contre le mariage et le Pacs. Notre fiscalité favorise le temporaire et non la sécurité.

Pourquoi n’existe t-il donc pas de mécanisme cliquet empêchant cela ? A la limite, je veux bien que ce soit neutre fiscalement de se marier/pacser. Mais qu’on y soit perdant ? C’est malsain et anti-social.

Anti-social et anti-stabilité ? Voilà une attitude bien surprenante de la part des pouvoirs publics !

Emmanuel Barthe
contribuable

Notes

[1Pris parmi les 10 premiers résultats de le requête précitée sur Google.fr entre avril et juillet 2019.

[2Surprenant, peu pratique mais apparemment très fréquent voire habituel : en « campagne » (i.e. pendant la période des déclarations de revenus d’avril à mai), les services locaux des impôts (service des impôts des particuliers (SIP), ex-centre des impôts, ex-hôtel des impôts) ne répondent plus du tout au téléphone. En revanche, on peut s’y rendre physiquement et sans rendez-vous — avec une longue attente à la clé ...
J’ai donc dû composer quatre numéros de téléphone avant d’en trouver un qui réponde (encore faut-il naviguer dans les menus de la boîte vocale pour enfin arriver avoir un conseiller ...) : le numéro sur le prélèvement à la source (LE grand dossier qui a (sur)occupé ces deux dernières années les impôts) : 0 809 401 401.

[3Je ne parlerai pas ici des couples qui à deux, doivent payer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI, ex-ISF), mais c’est aussi une réalité.

[4Pourquoi les femmes ? Parce que dans un couple, ce sont très majoritairement les femmes qui gagnent moins. C’est un constat.

[5Evaluation personnelle. Si vous avez des chiffres précis et récents, je suis preneur.