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Evaluer la recherche : uniquement sur la base de la publication d’articles dans des revues majeures ?
La méthode d’évaluation des unités de recherche utilisée par l’AERES devrait englober toute la production scientifique et pédagogique

Un billet d’Olivier Ertzscheid (affordance.info) nous apprend que son unité de recherche [1] se voit en quelque sorte critiquée par l’agence nationale d’évaluation de la recherche scientifique (AERES) (qui "note" donc les facultés et centres de recherche).

Le labo de recherche d’O. Ertzscheid n’a pas publié assez d’articles dans des revues scientifiques selon l’AERES [2]. Je cite :

« Ces 9 enseignants-chercheurs ont produit, durant le quadriennal, 15 articles dans des revues reconnues par l’AERES, soit une moyenne de 0,41 article par enseignants-chercheurs et par an, dont 1 seulement dans des supports à très bonne visibilité internationale (soit 0.03 article par an et par enseignant-chercheur). Cette production d’articles scientifiques dans des revues reconnues est quantitativement insuffisante (en dessous du minimum requis), et elle reste à une très grande majorité cantonnée dans des supports à faible visibilité. »

Enseignant passionné et en pointe en sciences de l’information, Olivier a mal pour son labo et en défend le bilan.

A mon avis, il s’agit d’une sous-évaluation, peut-être même d’une erreur dans la méthode d’évaluation de la part de l’AERES. En effet, selon le site web de l’AERES, « l’analyse de l’unité [de recherche] porte sur sa production scientifique ». L’AERES, selon son propre site, devrait tenir compte autant des ouvrages, directions de thèses et colloques que des articles. L’évaluation AERES des centres de recherche ne devrait donc pas se faire sur le seul critère de la publication d’articles.

Pourtant, comme le rapport de l’AERES le reconnaît lui-même, le labo de recherche d’O. Ertzscheid a assuré 24 chapitres d’ouvrages, 10 ouvrages et 7 directions d’ouvrages. Et publié 6 articles dans des revues mineures ... Mais il ne donne pas à ces productions la même valeur.

Ce n’est pas le seul problème, à mon sens, dans les évaluations menées par l’AERES. La production scientifique ne devrait pas être le seul domaine évalué : en effet, les universités et centres de recherche sont aussi et d’abord des lieux d’enseignement, de transmission du savoir, de formation et de pédagogie. Quid, par exemple, de l’introduction un jour dans les critères de l’AERES du temps passé à former les jeunes doctorants et de leur nombre ?

Comme je le twittais récemment, je ne pense pas qu’il faille ignorer les classements, ni les réprouver par principe, d’autant que leur importance médiatique et commerciale est une réalité incontournable de nos jours et qu’ils peuvent révéler des problèmes, des problèmes à traiter, donc, et non à ignorer [3]. En revanche, dénoncer leurs biais et limites (fréquentes voire inévitables) me semble nécessaire.

En l’occurrence, une évaluation fondée sur un critère unique me paraît incomplète et biaisée.

Emmanuel Barthe
documentaliste

Notes

[1Un laboratoire de recherche en sciences humaines et sociales de l’université de Nantes.

[2Les chercheurs sont des loosers / Olivier Ertzscheid, affordance.info 4 juin 2011.

[3Par exemple, le classement mondial des universités de Shanghaï pousse le Gouvernement et de nombreuses universités françaises à se regrouper (cf la récente sélection de trois universités comme "universités d’excellence") pour mutualiser leurs moyens et gagner en visibilité internationale afin d’attirer plus d’étudiants étrangers et si possible les meilleurs. Là aussi, on peut discuter des critères de ce choix.