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Deux visions de la veille dans les structures juridiques
Conclusions de la journée Juriconnexion du 25 novembre 2014

En conclusion de la journée Juriconnexion du 25 novembre 2014 sur la veille juridique (les supports des présentations des intervenants sont disponibles sur le site de l’association), ma collègue Sandrine Esclangon et moi-même avons exprimé deux vues sur la veille dans les structures juridiques aujourd’hui :

  • celle de Sandrine, très concrète — et poétique dans la forme de son intervention
  • la nôtre, qui revient en arrière pour montrer à quel point la veille est devenue le "premium". La voici infra.

Les débats de ce jour permettent de distinguer trois types de veilles  :

  • celles des éditeurs
  • celles des documentalistes, veilleurs et KM lawyers
  • on en a peu parlé : celles des juristes eux-mêmes, soit en lisant la veille des éditeurs et des veilleurs, soit en se débrouillant tout seul (lecture du sommaire du JORF et de leur BO …).

Car – phénomène important – les éditeurs – et pas forcément ou pas tout de suite les plus grands – se sont emparés de la veille.

A l’origine, 20 ans auparavant, la veille consistait à lire les revues, le Journal officiel papier et les ou les BOs papier de son domaine du droit. Mais les textes signalés avaient 3 semaines de retard et les JP au moins 1 mois et jusqu’à 3.

Puis les quotidiens (Les Echos, Le Monde, La Tribune …) devinrent une source d’information sur les avant-projets de loi et les débats au Parlement.

Puis le sommaire par mail du JO, les BOs en ligne et les sites web parlementaires arrivèrent et ce fut une rubrique de 2 à 3 pages sur les textes et JP récents (distincte du reste du contenu) dans les revues comme le Dalloz ou le JCP E. Mais elles avaient 2 semaines de retard.

Puis les éditeurs juridiques s’y mirent pour de bon :

  • sur les plateformes en ligne, une fonctionnalité permet de basculer une requête en question enregistrée avec e-mail si les résultats sont mis à jour – peu utilisé car trop de bruit et de silence, et peu pratique à passer en revue
    les grands éditeurs juridiques lancent des produits éditoriaux spécifiques : Dalloz Actualité, Net-Iris, AJDA Actualité, EFL Actus (le FR et le BRDA avant leur versions papier, en plus bref et plus complet)
  • des acteurs non juridiques ou startups se lancent : l’AEF en droit social, Fil DP en droit public, Lexbase avec ses revues hebdomadaires qui sont autant d’outils de veille
  • LexisNexis est dans une démarche plus spécifique : il cherche, lui, à répondre à la demande croissante de veille et d’accélération de celle-ci non par des produits uniquement dédiés à la veille mais par l’adaptation de ses outils courants :
    • une réduction des délais de traitement de l’information dans ses revues (par ex. dans le JCP, on trouve désormais des arrêts commentés frais d’à peine plus une semaine)
    • la création, dans Lexis 360, d’un onglet systématique de veille
  • les Editions Francis Lefebvre commercialisent « TP », leur outil éditorial de veille sur les travaux parlementaires en droit des affaires
  • la base Alinéa de Luxia vend sa fonctionnalité de veille. La recherche est devenue gratuite. Dans un business model de type « premium », on vend les fonctions avancées. Et ici la veille est devenue ce qui se vend. Quel chemin parcouru ...

Dans le même temps, les juristes veilleurs et les documentalistes courent devant. Pour eux aussi, la veille est devenue leur offre premium. Pas seulement par l’importance qu’elle a acquise, mais aussi parce qu’elle les relie aux dirigeants.

Certains sites publics comme celui du Sénat ou BOFiP leur facilitent le travail de veille. Pas tous, par manque de moyens et par souci du respect de la « ligne jaune ». Les outils de veille gratuits ou à faible coût (IFTTT, HTML to RSS, lecteurs RSS …) aident aussi. Ces outils peuvent être difficiles à combiner et leur avenir n’est pas toujours assuré. Les centres de documentation de grandes structures cherchent alors à se raccrocher aux contrats existants avec des outils de veille payant de haut niveau comme Tadaweb, Digimind (Taj), KBCrawl ou AMIsoftware.

Pour garder la veille en main – à tous les sens du terme – les veilleurs et documentalistes doivent certes maîtriser les outils – et leur prix ... – et le contenu exact et la structures des sources d’information. Mais peut-être doivent-ils surtout et de plus en plus :

  1. aller chercher, analyser et présenter les besoins de veille
  2. maîtriser une démarche de mise en place des veilles où ils sont le chef de projet et la cheville ouvrière
  3. voir la veille non seulement comme ce qui valorise leur fonction auprès des juristes et des dirigeants/associés, mais aussi comme le moyen, en interne, de savoir tout ce qui se passe et de vendre leurs autres compétences.

Dans cette optique, ils/elles sont devenus des communicants.

Emmanuel Barthe