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Copropriété, conseil syndical et syndic : comment ça fonctionne (en vrai)

Sur Internet, on trouve quantité d’articles et de posts sur le fonctionnement des copropriétés et sur les relations entre le syndic et le conseil syndical [1]. Hélas, ils parlent de la théorie, pas de la vraie vie.

Sur Internet, on trouve aussi énormément de discussions entre particuliers sur des forums à propos de la copropriété. Ces forums sont bourrés d’erreurs.

Mais alors, quelle est la réalité quotidienne du travail d’une copropriété et de son conseil syndical (en abrégé CS) ? C’est ce que j’aborde ici.

Que pouvez-vous, de manière réaliste, demander à votre syndic ?

Je suis président du conseil syndical dans un immeuble de 6 étages et une vingtaine d’appartements, dans une ville de banlieue parisienne, depuis 2018.

La vérité sur les syndics, c’est qu’ils sont loin de faire la totalité du boulot de gestion d’une copropriété. Pour qu’ils gèrent tout, il faudrait les payer beaucoup plus cher que ce qu’ils demandent généralement — soit 5000 à 6000 euros par an pour une copropriété de cette taille, alors qu’ils devraient demander au moins 8000 (en échange d’une rapidité et d’une fiabilité garanties ; voir calcul infra). Eh oui, ils se sous-vendent ... parce qu’ils savent que les copropriétaires rechignent à sortir leurs sous pour la copropriété et que la concurrence entre syndics est féroce.

Le travail qu’on peut raisonnablement demander à un syndic et dont on peut raisonnablement attendre qu’il le fasse, c’est :

  1. de recommander des entreprises/prestataires
  2. de faire établir des devis
  3. de coordonner les travaux
  4. de tenir les comptes et
  5. d’organiser l’assemblée générale annuelle.

Le reste — notamment vous donner des conseils en matière de BTP, d’entretien, d’assurance —, il y a fort peu de chances qu’il ait le temps et l’expérience pour ça.

Les points 3. et 4. (travaux et comptes) sont généralement super compliqués et super importants. Sauf si vous êtes une toute petite copropriété (moins de 4 copropriétaires), ne vous imaginez pas le faire à la place du syndic. Si votre gestionnaire de copropriété est débordé et met du temps à lancer les travaux ou à faire ce que vous lui avez demandé, c’est entre guillemets "normal" — c’est un métier où les burn-outs sont très fréquents, vous ne trouverez pas mieux chez un autre syndic, c’est partout pareil. Les petits syndics indépendants, compétents, serviables et pas débordés, ne rêvez pas, ça n’existe quasiment plus, ils ont presque tous été rachetés et les survivants sont déjà bien occupés et refusent généralement de prendre de nouveaux clients.

Le marché des syndics de copropriété est dominé par trois acteurs très bien établis : Foncia (groupe Emeria), Nexity et Citya, qui achètent des cabinets quasiment toutes les semaines (Les Echos du 15 mai 2023). Le phénomène est facilité par le fait que les syndics indépendants sont fatigués, peu rentables, organisent peu leur succession et cèdent donc facilement leur activité. Prenez l’exemple de Foncia (Les Echos du 6 mars 2023) : plus de 6 millions de Français vivent dans un appartement géré par Foncia. Pourtant, Foncia perd chaque année 5 % de ses gestionnaires et 1 % de ses copropriétés. Pour contrer le phénomène et grandir, la marque rachète quasiment un syndic par semaine. Une équipe de 5 personnes est consacrée à cette tâche. Et ils misent tout le reste sur une méga-app, dans laquelle ils ont investi 60 millions d’euros. Pour que les copropriétaires et les membres du conseil syndical fassent tout par Internet. A la place des gestionnaires ...

Donc si votre gestionnaire de copropriété est très lent à vous répondre, n’arrive pas à vous fournir un devis, oublie de résilier un contrat avant d’en prendre un autre etc. c’est certes regrettable mais classique hélas, et tolérable à court ou moyen terme.

En revanche, si votre comptable de copropriété, lui, fait des erreurs et/ou change tous les ans [2], c’est beaucoup plus dangereux : vous risquez de perdre beaucoup d’argent, de ne plus savoir où vous en êtes sur le plan financier et de ne plus pouvoir organiser les AG. Si c’est le comptable qui ne s’en sort plus, il faut impérativement changer de syndic, et vite.

Quel est le vrai travail du conseil syndical et de son président ?

Le syndic ne vous proposera quasiment jamais de travaux. C’est aux membres du conseil syndical (CS) de tenir la liste des travaux à faire, de demander les devis au syndic (voire hélas d’aller les chercher si ça ne vient pas) et de transformer cela en un programme pluriannuel de travaux, en fonction des coûts des travaux et des moyens financiers des copropriétaires. Le DTG (diagnostic technique global) et le PPT (plan pluri-annuel de travaux), qui en 2025 seront alors obligatoires pour toutes les copropriétés, pourront y aider, mais là encore, encore faut-il que le conseil syndical y travaille. En pratique, c’est aussi aux membres du CS de surveiller la bonne exécution des travaux — même si le gestionnaire de copropriété est censé en faire la réception.

La vérité sur les copropriétés, c’est que c’est le conseil syndical qui fait l’essentiel du boulot. Et gratuitement. Enfin, on va dire bénévolement, pour rester politiquement correct.

Plus précisément, dans 80% des cas, c’est le président du conseil syndical qui fait 80% du boulot du conseil syndical. Toujours bénévolement [3]. Par exemple, le président doit recevoir les entreprises pour les devis, puis analyser ceux-ci avec les membres du CS. C’est aussi le président qui gère les nombreux et fréquents échanges (téléphone, courriers, emails) avec les employés du syndic. Et si l’immeuble n’a pas de concierge, le président de facto en jouera en partie le rôle. Tout cela bénévolement, alors même que les critiques en interne ne vont pas manquer.

Hors vacances, une petite copropriété représente en moyenne entre trois et cinq heures de travail par semaine pour le président du conseil syndical. Non rémunéré, je répète. Et si en AG, les deux tiers des critiques portent sur la gestion du syndic, le tiers restant porte sur les choix faits par le président du conseil syndical — et pourtant validés ou au moins non contestés par les autres membres du conseil syndical.

Les tâches prioritaires du président du CS sont de :

  • tenir une liste des travaux en cours, faits et à faire
  • préparer les décisions à faire voter en assemblée générale
  • de préparer et animer trois ou quatre réunions du conseil par an, où le syndic doit absolument assister (entre deux, il échange avec le syndic et les autres membres du conseil par email)
  • et surtout vérifier que les choses avancent et de relancer qui de droit quand ce n’est pas le cas. Comptez en moyenne un coup de fil de 20 minutes par semaine au gestionnaire de copropriété. Le plus simple est de se mettre un rendez-vous dans son agenda tous les lundis matins et de tenir sur son smartphone la liste des dossiers en cours et leur état. Et le lundi matin, on appelle son gestionnaire, on fait le point avec lui et on le relance sur ce qui n’est pas fait. Et c’est d’un fatiguant ... (charge mentale en plus du boulot de secrétariat, de lecture et de vérification)

Le travail du président du conseil syndical est alourdi chaque fois que le gestionnaire de copropriété ou le comptable changent car il faut alors tout leur réexpliquer. Si les erreurs ou les retards se multiplient, le boulot du président consiste alors, en plus, à chercher un autre syndic et s’assurer que la décision soit mise au vote à l’AG dans le respect des procédures — sinon la copropriété restera coincée avec le syndic voire — pire — se retrouvera sans syndic. Ne restez pas avec un syndic qui gère mal la comptabilité et/ou reporte plus de deux fois consécutives l’assemblée générale. Ça va vous coûter très cher, les travaux urgents ne seront pas faits et le président du conseil va devenir fou à force de relancer sans cesse en vain et de faire le travail du syndic à sa place. Et toujours sans aucune rémunération.

Combien le travail bénévole du président du conseil syndical fait-il économiser à la copropriété et au syndic ?

Répétons le : le président du conseil syndical ne peut pas, selon la loi, être rémunéré ni même indemnisé (sauf dans une copropriété sans syndic professionnel). Pourtant, il travaille bel et bien.

La réalité, c’est que le gestionnaire de copropriété devrait consacrer à une copropriété environ un jour de travail par mois, soit 7h. Mais il a généralement 40 copropriétés à gérer et le métier attire peu. Or un mois de travail comprend 152 heures. Divisez 152 par 7, cela donne 21. Théoriquement, un gestionnaire de copropriété ne devrait donc avoir que 20 copropriétés à gérer. Comme il en a deux fois plus, c’est le président du conseil syndical qui "bouche le trou".

Quelques calculs sur le travail du président du conseil syndical s’il est bien et régulièrement fait :

  • il faut bien compter 3 heures de travail en moyenne par semaine [4] et sur environ deux mois dans l’année (travaux à surveiller et préparation de l’AG) on passe à 5 heures par semaine, soit 148 heures de travail annuel
  • si le président du conseil syndical était payé au SMIC, il toucherait entre 1200 et 1500 euros net par an pour son travail. Mais si on le payait, ce qui serait logique, selon le salaire d’un gestionnaire de copropriété à 35000 euros brut minimum par an soit 27,78 euros en coût horaire, il toucherait 3223 euros par an pour donc 148 heures de travail
  • une copropriété fait donc en moyenne plus de 3000 euros d’économies par an en ne payant pas son président du conseil syndical. Autrement dit, si on voulait que les gestionnaires de copropriété fassent réellement TOUT leur boulot, il faudrait payer, pour une copropriété de 20 lots, non pas 5 à 7000 euros par an, mais 8 à 10 000 ...

Vous comprenez maintenant pourquoi il est préférable de confier la présidence du conseil syndical à un copropriétaire retraité.

Comment faire fonctionner de manière efficace votre conseil syndical ?

La plupart des copropriétaires ne sont généralement pas super chauds pour participer au travaux du conseil syndical. L’une des tâches du président consiste donc à convaincre des copropriétaires de venir participer au conseil syndical. Le président du CS peut les rassurer en leur disant la vérité : c’est lui qui fait 80% du travail.

Or au conseil syndical, discuter et boire un coup, c’est sympa et ça peut aider à faire venir des copropriétaires réticents (mais bosseront-ils pour autant ?) mais ça ne fait pas avancer les dossiers. Il vaut donc mieux avoir peu de membres au conseil mais des membres qui se chargent chacun d’un dossier (par exemple les travaux rendus obligatoires par la loi Climat : un gros travail, ça).

Pour la vérification des comptes avant l’AG, il vaut mieux confier cela à quelqu’un d’autre et qui s’y connaisse en comptabilité. Dans une grosse copropriété (plus de 50 lots), ça peut même être un comptable externe embauché spécialement pour ça. Dans une telle copropriété, vu la masse de factures et de documents à vérifier, c’est quasiment nécessaire.

La loi et l’ordre, c’est le syndic

Le président du conseil syndical doit préserver sa capacité à parler avec tout le monde au sein de la copropriété. Et juridiquement, il n’a pas de pouvoir de sanction.

Si le président du conseil syndical ne veut pas se retrouver pris dans des engu... à n’en plus finir et se prendre des votes négatifs en AG motivés par des animosités personnelles, il ne doit jamais prendre parti ou s’interposer dans des litiges/désaccords entre copropriétaires, même pour une simple médiation.

Il ne doit pas non plus se prendre pour le "sheriff" de la copropriété. Les rappels au règlement (de copropriété) ou à la loi ne font (juridiquement) pas partie de ses tâches. C’est au syndic de rappeler les règles et de prendre des sanctions s’il le faut, quitte à ce que le président lui donne les éléments et le guide pour s’assurer de l’efficacité des mesures et de la diplomatie utilisée.

S’informer de manière fiable sur le droit de la copropriété

Sur la théorie (le droit) de la copropriété et du conseil syndical, les sites gratuits les meilleurs, les plus fiables sont :

Surtout, évitez les forums (sauf ceux d’Univers-Immo). On y raconte n’importe quoi. Pas étonnant : 99,9% des intervenants ne sont ni professionnels de l’immobilier ni juristes ni présidents de CS.

Des professionnels pour vous assister

Si vous ne trouvez pas votre réponse, c’est que votre question demande un vrai travail. Trois solutions alors :

  • vérifiez si votre gestionnaire de copropriété a la réponse, mais si c’est important contre-vérifiez
  • consultez un ouvrage sur la copropriété, en l’achetant ou en bibliothèque. Je recommande l’ouvrage payant Mémento Particuliers de Francis Lefebvre (dernier millésime paru : 2020)
  • payez un avocat ou un conseil juridique pour une consultation (90 à 120 euros l’heure).

Des professionnels (payants) pour vous assister :

  • pour auditer la gestion de votre syndic, des conseils en copropriété : CoproConseils (site web cité plus haut ; testé) ou Copro+
  • pour changer de syndic, le courtier en syndic Syneval https://www.syneval.fr (très peu cher ; conseils corrects ; testé)
  • un problème juridique grave, une envie d’attaquer en justice ? Consultez Christophe Buffet, l’avocat dont j’ai cité le site web (j’ai fait appel à ses services).

Mon conseil : évitez Matera. Leur site est malheureusement très bien référencé dans Google, mais c’est en fait une "tech", une startup qui vous vend du syndic sans syndic. Autrement dit, Matera est une plateforme en ligne de gestion d’une copropriété par un syndic dit "coopératif". En réalité, ça s’appelle un syndic bénévole. Or ça marche mal, car au final, c’est ce copropriétaire qui va devoir faire presque tout le travail : saisir infos, devis, factures, appeler et recevoir les prestataires, vérifier leurs devis, relire les contrats etc. Il doit donc disposer de beaucoup de temps libre (de l’ordre d’un jour complet par semaine). Et il ne peut toucher qu’une indemnisation, pas une rémunération (pour être rémunéré, il doit proposer un contrat de syndic non-professionnel à l’AG). Sauf si vous êtes une très petite copropriété (5 lots maximum, je dirais), mon avis est : laissez tomber. NB : à mai 2023, Matera n’était pas encore rentable.

En revanche, un vrai syndic à distance, sans agence en dur, ok. Ça s’évalue comme un syndic classique :

  • nombre de gestionnaires de copropriété
  • nombre de comptables
  • nombre de copropriétés par gestionnaire et par comptable. La moyenne que j’ai constatée est de 40 : c’est déjà trop à mon avis ; au-delà de 42/43 copropriétés par gestionnaire, évitez
  • gère t’il déjà des copropriétés de votre taille en nombre suffisant pour en avoir une bonne expérience
  • qu’en disent les présidents de conseils syndicaux qui les font travailler ? Dans quel délai notamment répondent-ils aux mails ? Décrochent-ils systématiquement quand on les appelle ? Sont-ils en retard pour organiser les AG ?
  • les honoraires forfaitaires du syndic ne comptent pas trop car ils ne représentent qu’environ 10% des dépenses annuelles de la copropriété. Regardez plutôt quel pourcentage des travaux il prend. Et méfiez vous : si un syndic n’est vraiment pas cher, il fera des économies sur le dos du conseil syndical en le faisant travailler encore plus à sa place.

Emmanuel Barthe
président de conseil syndical

Notes

[1Le conseil syndical, ce sont les copropriétaires élus par l’assemblée générale avec lesquels le syndic discute tout au long de l’année.

[2Comme ceux de mon ex-agence Citya, qui changeaient tous les 14 mois en moyenne.

[3Parfois, très rarement même, dans de très petites copropriétés, un copropriétaire joue le vrai rôle du syndic. Il est alors défrayé pour ça. C’est ce qu’on appelle un syndic bénévole.

[4Réception des prestataires, vérification des devis puis des travaux, échanges avec le syndic, la comptable, les autres membres du CS et les copropriétaires, tenue de la liste des travaux, suivi des coûts si le syndicat n’a pas de trésorier.

[5Le DES était le diplôme d’études supérieures. Selon Wikipedia, il remplaça en 1925 les examens de doctorat et était nécessaire pour s’inscrire pour la préparation d’une thèse de doctorat. Il fut remplacé lui-même en 1974 par le DEA.

[6Peu de mises à jour et pas de version adaptée aux mobiles signifient une grosse perte de ranking sur Google.

[7De même, leur Guide juridique (une liste de textes officiels) ne me semble pas à jour. Il liste par exemple un texte abrogé : le décret n° 91-461 du 14 mai 1991 relatif à la prévention du risque sismique, abrogé le 16 octobre 2007 ... De manière générale, la partie Guide du site ne semble guère mise à jour depuis la mi-2015. UI n’est plus ce qu’il était, le site est lent et son graphisme même mériterait un redesign.