Continuer la simplification du droit, développer les consultations publiques, améliorer l’application des lois : les chantiers du secrétaire général du gouvernement
Rénover le Journal officiel en lui ajoutant une partie "réglementation en projet"
Jean signalait sur la liste Juriconnexion une intervention de M. Lasvignes, secrétaire général du gouvernement [1], devant la commission pour le contrôle de l’application des lois du Sénat le 18 décembre 2012 (vidéo de 14 minutes). Serge Lasvignes expose pour partie des orientations décidées lors du comité interministériel du même jour.
Les chantiers annoncés, dont plusieurs ont de fait commencé sous la majorité précédente [2], sont impressionnants :
– Application de la loi (décrets) : avoir une approche qualitative et non simplement quantitative comme actuellement :
- 1:45 ajouter un indicateur de célérité dans l’application de la loi (décrets) : faire apparaître pour chaque loi, la partie des décrets qui sont pris en moins de 6 mois, entre 6 et 12 mois et ceux pris à plus de 12 mois
- 2:57 faire des points qualitatifs sur l’application (décrets) des lois les plus emblématiques
– Commissions consultatives :
- 5:08 suppression de 100 commissions consultatives sur plus de 700 dans les semaines à venir
- 5:45 que chaque ministère ait une vue globale et précise de "ses" commissions (une « cartographie »), ce que les ministres ignorent
– Développer la consultation publique :
- 6:25 rénover le JORF en lui ajoutant une partie « réglementation en projet » comme au Canada
- 7:15 car multitude de sites ministériels de consultation publique : « le plus souvent les gens ignorent l’existence de ces consultations »
- 7:40 mettre en ligne le plus grand nombre possible d’études d’impact sur les décrets les plus importants [3]
- 7:58 aller au delà de l’étude d’impact lorsque le texte concerne les entreprises en faisant des tests auprès des chefs d’entreprise
– Développer l’évaluation des textes :
- 8:35 avoir un « certificateur » auprès du SGG qui vérifie que le texte en projet « ne sur-réglemente pas, ne sur-transpose pas »
- 9:00 faire aller de pair avec l’objectif qui est de ne pas ralentir la publication des décrets d’application des lois
- 9:30 les principaux textes de loi seront évalués après 4 ans d’application
– Simplification du droit :
- 9:54 effort de simplification des textes par les ministères (« plans de simplification »)
- 10:30 le Premier ministre donnera une mission à des parlementaires pour la simplification des normes relatives aux collectivités territoriales
- 10:44 réguler le flot des circulaires : « chaque préfet reçoit dans l’année 80 000 pages de circulaires ». Les préfets expliquent du coup qu’ils ne lisent plus rien
- 11:26 démarche « une norme créée, une norme supprimée ».
– Accès au droit :
- 11:50 rénover des codes comme le Code électoral et celui de l’expropriation publique
- 12:30 créer un nouveau code, et pas à droit constant mais simplifiant : le « code des relations entre l’Administration et les usagers (hors procédures contentieuses) » (adresser une demande, avoir une décision motivée, savoir dans quel délai on peut avoir une décision implicite ...)
13:25 l’ensemble de ces chantiers serait coordonné par un haut fonctionnaire (un « Haut Commissaire à la simplification ») qui assisterait M. Lasvignes dans ces travaux.
Au vu des limites rencontrées par les précédentes tentatives [4], on peut toutefois se demander si les ministères — le SGG dépend lui du Premier ministre —, l’inflation législative persistante [5] et les nécessités de la politique permettront à tous ces chantiers, qui sont presque déjà aboutis selon Stéphane [6], d’avoir plus d’effet sur le volume et la cohérence de la production normative que ça n’a été le cas jusqu’ici.
Alors que certains de ces chantiers ont me semble t-il commencé sous la présidence de Jacques Chirac, le veilleur juridique que je suis constate toujours que :
- le volume du droit produit annuellement par le législateur et l’exécutif reste énorme
- ils sont moins nombreux, certes, mais de trop nombreux décrets d’application restent "en rade", surtout quand il s’agit du droit des particuliers
- les textes se comportent souvent soit comme des girouettes (effet du lobbying et ses successions de majorités politiques) soit s’empilent : la cohérence est loin d’être assurée
- les TPE, particuliers, juges locaux, conciliateurs, syndicats ... sont souvent en retard et non exhaustifs dans leur connaissance du droit positif.
En bref, on peut avoir l’impression que ces chantiers rendent supportable, voire facilitent l’inflation législative plus qu’ils ne la limitent [7]. De vrais changements, si tant est qu’ils puissent advenir, auraient probablement plus de chance de venir du côté économique [8] ou sociologique, ou peut-être politique.
Emmanuel Barthe
Notes
[1] Serge Lasvignes a pris ses fonctions à la tête du SGG le 3 octobre 2006.
[2] Lois Warsmann de simplification du droit, tableaux des dates prévues pour les décrets d’application d’une loi, censés inciter les ministères en retard à se dépêcher, suppression ou fusion de commissions devenues inutiles, consultations publiques sur les textes réglementaires en cours d’élaboration, enfin codification.
[3] Voir notre billet Elaboration des textes officiels : une circulaire impose une simplification et une analyse d’impact des mesures concernant les entreprises — Ou la RGPP appliquée à la réglementation.
[4] Sur la simplification du droit et ses écueils, voir notamment ces billets : simplifionslaloi.assemblee-nationale.fr — Une nouvelle tentative d’enrayer la "complexification" du droit, L’inflation législative a peu de bénéficiaires, Simplification du droit : une "accumulation de chantiers sans plan directeur", Insécurité législative : coïncidence .... Sur la difficulté de faire accélérer la sortie des décrets d’application des lois : Lutte contre l’insécurité législative — Une nouvelle circulaire relative à l’application des lois, Application des lois : un premier bilan semestriel peu flatteur.
[5] Voir notre article L’"insécurité législative" : causes, effets et parades.
[6] Selon Stéphane, « presque toutes sont déjà opérationnelles et en ligne sur l’extranet de la qualité du droit (’extraqual’) ou disponibles via SOLON (pour la programmation normative), et, pour certains déjà sur Legifrance, Vie-Publique ou Farandole (les documents budgétaires, comme par exemple la Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres). »
[7] En tout cas, ils visent de toute évidence aussi à renforcer le contrôle du Premier ministre sur les ministères et à lui permettre d’avoir une meilleure vue d’ensemble de la production normative de l’exécutif. De ce côté-là, il semblent être plutôt efficaces.
[8] Les moyens des ministères étant en réduction — la MAP (Modernisation de l’action publique) a succédé à la RGPP — peut-être cela ralentira t-il leur production normative ?
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