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Accès aux documents administratifs

Communicabilité des rapports de présentation des décrets
L’écueil de l’atteinte au secret des délibérations de l’exécutif

Résultat d’une discussion entre Frédérique, François-Xavier et Jean sur la liste Juriconnexion.

Le problème

On recherche un rapport rédigé par les ministres lors de la publication d’un décret "Sur le rapport du ministre …".

Il s’agit des rapports de présentation des décrets dont la liste a parlé dernièrement (et dont certains extraits sont repris en entête de certains décrets récents). Voir aussi l’article du blog Dalloz sur le sujet.

C’est typiquement le genre de données "publiques" (elles n’ont pas de valeur juridique) inaccessibles et jamais publiées — sauf semble t’il, selon l’article du blog Dalloz « lorsqu’ils accompagnent une ordonnance ou un décret portant virement de crédits ».

Ces rapports sont ils publiés sur le site du ministère concerné si le ministre y consent ? (par exemple sur le site du Minefi un rapport relatif aux cessions immobilières de l’Etat).

Les arguments pour refuser la communication des rapports de présentation

Comme le signale l’article du blog Dalloz, l’existence de ces rapports de présentation est évoqué au Guide de légistique présent sur Legifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/html/Guide_legistique_2/244.htm et surtout http://www.legifrance.gouv.fr/html/Guide_legistique_2/312.htm

La fiche évoque un arrêt du Conseil d’Etat du 19 octobre 2005 qui donne déjà une idée sur le caractère peu "diffusable" de ce type de document :
« Considérant que le rapport présenté au Président de la République en vue de l’examen d’une ordonnance en conseil des ministres, qui a pour objet de l’éclairer sur les raisons pour lesquelles le texte est proposé et sur son contenu, ne saurait être regardé, quels qu’en soient les termes, comme une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ; que, dès lors, les conclusions tendant à son annulation ne sont pas recevables ».

Sinon, il faut regarder le caractère de "communicabilité" de ces rapports à la lumière de la loi sur l’accès aux documents administratifs dite loi "CADA". Voici ce que dit l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 (version consolidée) :
« I. - Ne sont pas communicables : [...]
2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte :
_a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif [...] »

Les rapports que nous recherchons ici évoquent les divers points de vue des instances (SGG, ministères, Conseil d’Etat) participant à l’élaboration du décret — qu’on peut aussi appeler des délibérations. Si on applique l’article 6 de la loi de 1978, ils ne sont en principe pas communicables.

Certains sont publiés, mais c’est l’exception qui confirme la règle.

Les exceptions

Sur ces exceptions, le site de la CADA se trouve la liste des documents non communicables en raison d’un risque d’atteinte à l’exercice des activités régaliennes de l’Etat.

Les rapports de présentation des décrets sont évoqués mais à deux nuances près relevés dans les avis de la CADA : « le rapport de présentation d’un décret : la CADA pouvant relever que la teneur de ce document ne lui semblait pas faire obstacle à sa communication (conseil n° 20011270 du 22 mars 2001 et n° 20060649 du 2 février 2006) ».

Citons les deux avis :

  • avis n° 20011270 : « La commission a rappelé que, d’une manière générale, les rapports préparatoires à un décret ne sont pas communicables au titre de l’article 6-I de la loi du 17 juillet 1978 modifiée par celle du 12 avril 2000. Toutefois, en l’espèce, il est apparu à la commission, comme vous l’évoquez dans votre lettre du 7 mars dernier, que la teneur de ce rapport n’était pas telle que sa communication porte atteinte au secret des délibérations du gouvernement. Elle vous conseille donc de le communiquer à l’association requérante. »
  • avis n° 20060649 : « La commission estime que le rapport de présentation, au Premier ministre, d’un projet de décret, revêt le caractère d’un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978, sous réserve, conformément au I et au III de l’article 6 de la même loi, de l’occultation préalable d’éventuelles mentions dont la consultation ou la communication porterait atteinte, notamment, au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’État et à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. En l’espèce la commission, qui n’a pas pu en prendre connaissance, considère que les rapports de présentation, objets de votre demande de conseil, compte tenu de l’objet des décrets auxquels ils se rapportent, ne sont que faiblement susceptibles de contenir de telles mentions. »

La décision de mise en ligne des études d’impact vient ajouter un peu plus de transparence en diffusant des travaux préparatoires des décrets ce qui peut être rendu public : l’exposé objectif de la situation qui amène à la rédaction de ce décret. Ces études n’évoquent pas les discussions entre les acteurs concernés.

Mais cette mise en ligne n’a pas de portée rétroactive.

Si le rapport est donc communicable au sens de la CADA, on peut en faire la demande aux services documentation ou archives des ministères concernés, voire aux services juridiques du ministère.

En cas de refus, on peut alors faire appel à la CADA.

Annexe

Voici les motifs de refus de communication d’un tel rapport par le ministère du développement durable :

(merci Frédérique)
« -# Le service ayant élaboré ce décret est la Mission intermodale d’expertise des partenariats ;

  1. Si la demande émane de la DAJ à des fins internes, et sans communication à l’extérieur, il n’y a aucun obstacle à la communication entre services, en l’occurrence la DAJ et la MIEPPP, les agents de l’administration étant tenus au respect du secret professionnel ;
  2. Par contre la communication à l’extérieur, à l’initiative du ministère, notamment par la mise à disposition par le centre de documentation, est exclue.

Cf la fiche 3.1.2. du guide de légistique.

La fiche précise que "Les projets de décret et d’ordonnance sont toujours accompagnés d’un rapport de présentation qui obéit aux règles suivantes :

  • il éclaire le signataire — Président de la République ou Premier ministre selon le cas — ainsi que les ministres contresignataires, sur les raisons pour lesquelles le texte est proposé et sur son contenu ;
  • le cas échéant, il explique les raisons qui ont conduit à modifier la réglementation en vigueur et l’économie des dispositions prises en ce sens ; il peut renvoyer à l’étude d’impact si une telle étude a été réalisée ;
  • il précise la teneur des articles essentiels du projet."

Les deux premiers items paraissent pouvoir conduire à préciser des éléments entrant dans la cadre des "délibérations du gouvernement".

Surtout, il est précisé (cf. en bas de la fiche) que "le rapport de présentation d’un texte apportant au droit existant des modifications importantes peut, sur décision du secrétaire général du Gouvernement, faire l’objet d’une publication au Journal officiel conjointement avec le texte lui-même".

Il n’appartient donc pas aux services des ministres contre-signataires de décider la diffusion d’un rapport de présentation que le secrétaire général du Gouvernement n’a pas décidé de publier. »