Appuyez sur Entrée pour voir vos résultats ou Echap pour annuler.

Comment exploiter le contenu d’une thèse de droit
Comment savoir rapidement si une thèse en vaut la lecture et quels paragraphes y lire

Cet article est la version complète de mon intervention à la journée Juriconnexion de décembre 2017 sur les thèses de droit [1].

Pour ceux qui sont pressés (TL ;DR) :

Les critères de l’intérêt d’une thèse de droit, pour l’évaluer sans avoir à la lire :

  • la qualité en tant qu’auteurs ou enseignants des membres du jury (pas seulement le directeur de thèse)
  • soutenance récente
  • réputation de la faculté de droit
  • abondance des notes de bas de page
  • mise en page claire et propre
  • absence de fautes d’orthographe
  • présence des mots-clés recherchés dans le résumé
  • innovation par rapport à la littérature existante.

Pour trouver rapidement les paragraphes pertinents dans la thèse — et vérifier l’intérêt de celle-ci pour votre recherche —, utiliser dans l’ordre :

  • d’abord l’index alphabétique à la fin
  • puis la table des matières
  • enfin, la recherche par mots-clés sur le texte intégral (Ctrl+F)

Faire / ne pas faire :

  • ajouter dans votre catalogue les thèses librement accessibles en ligne intéressant votre structure, en ajoutant le lien hypertexte vers le texte intégral
  • ne pas partager en ligne le PDF d’une thèse ni l’envoyer en pièce jointe.

Nous rappellerons d’abord rapidement les critères de qualité de la thèse de droit (I). Ensuite, nous aborderons la méthode pour exploiter celle-ci (II). Puis nous verrons trois exemples de bout en bout (III). Enfin, on rappellera ce qui est autorisé et ce qui est interdit dans l’exploitation des thèses (IV).

I. Les critères de qualité de la thèse de droit

Avant d’exploiter une thèse, avant même de la lire, et quand bien même son titre a l’air alléchant, il faut en vérifier la qualité. C’est en fait la première étape de l’exploitation de la thèse.

La thèse de droit, diront certains, c’est un pensum : c’est gros, théorique et fumeux. C’est peu pratique. C’est : les-universitaires-parlent-aux-universitaires.

Les thèses ont exercé leur attraction sur moi dès mes premières années comme bibliothécaire documentaliste. Mais pas une attraction irrésistible. Quand je vois presqu’une faute par page ... eh bien je vérifie à fond les autres critères de qualité.

Quels sont-ils ? En général, une "bonne" thèse de droit :

  • a été soutenue récemment. Le droit évolue de plus en plus vite. C’est en partie selon les domaines du droit, mais disons que 10 ans est souvent un maximum. En droit du travail, quelques années et encore, avec les réformes de 2016 et 2017 ... Attention aux thèses publiées chez des éditeurs : la thèse est en général publiée un à deux ans après sa soutenance et la date de cette soutenance n’est jamais mentionnée dans l’ouvrage. Il faut aller la chercher sur theses.fr
  • la faculté. C’est "bateau" mais il est évident pour presque tous les juristes qu’une thèse originaire d’Assas ou Panthéon Sorbonne bénéficiera de préjugés favorables. Aussi Lille 2, Bordeaux, Strasbourg, Aix Marseille, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Poitiers, Toulouse (des Universités très souvent dotées de Presses universitaires reconnues en fait comme des éditeurs) ... Mais attention : certaines facs de droit peu connues peuvent avoir une compétence pointue sur des matières précises
  • est bien présentée : mise en page claire, aérée, lisible, sans faute d’orthographe
  • a au moins un "grand prof’" dans le jury, particulièrement le directeur de thèse. Par exemple, Christophe Radé en droit du travail, Bruno Dondero en droit des sociétés ou Jean-Jacques Daigre en droit financier. Les meilleurs enseignants cherchent souvent à être membre des jurys de thèse intéressantes. Ils peuvent ainsi se faire communiquer la thèse. Si l’on ignore la réputation d’un membre du jury, il suffit de le Googler et de consulter ses publications
  • est riche en notes de bas de page
  • innove, fait preuve d’audace et nous apprend quelque chose par rapport à la littérature existante. Une bonne thèse évite les compendiums, les paraphrases de l’existant. Elle critique le droit positif ou, si elle ne propose rien, elle fait au moins une analyse fine et détaillée du droit existant.
    Un exemple très net : Le droit des données personnelles, une police administrative spéciale, par Nicolas Ochoa (Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2014). Une thèse qu’on peut sans exagération qualifier de révolutionnaire dans son domaine. L’auteur considère en effet que la loi Informatique et libertés organise une liberté de traitement des données personnelles qui constitue une liberté publique de manière à protéger la société, qui a fait le choix de développer les fichiers informatisés. Cette thèse renverse la perspective habituelle, où le droit des données nominatives (l’expression d’avant le RGPD) est censé protéger les personnes physiques. Elle a divisé le jury de thèse en deux camps farouchement opposés, ce qui n’a pas empêché son auteur d’être qualifié dans la foulée aux fonctions de maître de conférences en droit public
  • a, éventuellement, obtenu un prix. NB : l’obtention d’un prix de thèse, même si elle est est évidemment un critère de qualité, a une utilité réelle mais bien délimitée : 99% des thèses publiées (sauf celles publiées chez L’Harmattan [2]) le sont parce qu’elles ont obtenues un prix, les prix de thèse étant en réalité destinés à financer la publication des meilleures thèses [3]. On peut donc dire que dès lors qu’une thèse est publiée chez un éditeur (sauf l’Harmattan), elle est ipso facto de très bonne qualité et qu’il est inutile de se préoccuper des critères supra. Inversement, si elle est publiée purement en ligne, les autres critères donnés ci-dessus jouent à plein.

II. Méthode pour exploiter une thèse de droit

Partons de la définition de la thèse de doctorat à la française : 

  • une publication scientifique (A.)
  • un travail de recherche (B.)
  • un ouvrage ... (C.)
  • long ... (D.)
  • et détaillé (E.).

A. C’est une publication scientifique, elle est donc obligatoirement accompagnée d’un abstract (résumé + mots-clés). Il est situé dans la plupart des cas sur la page web/notice de la thèse, rarement dans le fichier PDF de la thèse. Avant de consulter la thèse elle-même, prendre le temps de parcourir le résumé permettra de vérifier le sujet exact de la thèse, son titre souvent court pouvant être ambigu. Il informe aussi sur l’angle d’attaque de la thèse, son "ton". Toutefois, il devrait souvent être plus précis, afin d’aider le non initié à appréhender en 30 sec. le contenu concret de la thèse.

B. Une thèse est un travail de recherche, elle est censée ajouter au savoir existant. Ce n’est pas toujours vrai, mais comme elle est censée être exhaustive, même quand elle ne fait que rassembler et organiser tout le savoir juridique sur un point donné, cela fait gagner beaucoup de temps au juriste. Le juriste professionnel préférera lire la partie sur le droit positif.

Autre conséquence : la thèse a un directeur (de thèse) et elle est validée par un jury (de thèse). Ces personnes sont obligatoirement mentionnées sur la 2e page de la thèse, après la page de titre. La réputation et la qualité des publications des membres du jury sont des critères de l’intérêt de la thèse. Prendre en compte ces informations avant de lire la thèse n’est pas inutile.
NB 1 : sur theses.fr, ils sont généralement mentionnés dès la fiche/page web. C’est pratique mais on les voit mal à cause de la petite police de caractères. Sur TEL, en revanche, il faut carrément systématiquement aller les chercher sur le fichier PDF.
NB 2 : lorsque nous retenons une thèse pour notre billet Les "meilleures" thèses en droit disponibles en open access (2000-2017), nous ne citons pas tous les membres du jury, seulement ceux les plus connus ou dont nous connaissons la réputation ou la valeur.

Quant aux mots-clés, ils sont souvent peu nombreux et peu travaillés. Si l’on ajoute qu’ils ne sont pas faits pour être lus mais pour aider à l’indexation de la thèse, on comprend qu’il ne faut pas s’appuyer sur eux.

C. La thèse est un ouvrage donc elle a :

  • un sommaire (i.e. il tient sur une page A4, parfois un tout petit peu plus), souvent trop bref pour aider
  • une table des matières (TDM) (i.e. détaillée : elle prend généralement de 6 pages à 12 pages)
  • souvent (pas toujours, et c’est un regret de ma part) un index alphabétique permettant de chercher des notions pas forcément présentes dans la TDM.
    Exemple d’absence regrettable d’index : la thèse de Sophie Bensmaine-Coeffier sur le principe d’autonomie des universités françaises (2016) Il y est souvent question de l’accroissement des pouvoirs des présidents d’université mais comme la TDM ne révèle aucune sous-partie consacrée à ce sujet, il est difficile de trouver aisément et rapidement les nombreux paragraphes qui en parlent.
    Exemple de l’intérêt de l’index : la thèse sur le traitement de l’insolvabilité de l’Etat par le droit international privé de Fanny Giansetto (thèse dirigée par les professeurs Vincent Heuzé et Horatia Muir Watt, entre parenthèses ; Heuzé est le co-auteur d’un des traités de DIP de référence, le Mayer Heuzé) aborde notamment la clause de pari passu, une clause très importante dans les financements et les procédures collectives. Mais si l’on tape pari passu dans la loupe, on obtient 165 résultats. Alors certes, vous allez me dire qu’ils se concentrent en deux zones précises du document : à partir du n° 362 puis du n° 465. Mais l’index, s’il pointe bien le n° 363 s. (signification de la clause de pari passu), signale aussi le n° 381 s. (sanction de la clause). En dépit des apparences, les n° 483 s. ne traitent pas réellement de la clause de pari passu mais de la reconnaissance d’un droit à l’aménagement de l’endettement souverain, dans lequel la clause n’est qu’un exemple. [mise à jour au 19 octobre 2022 : un excellent débat sur l’intérêt de l’index en ces temps de Ctrl+F vient d’avoir lieu sur Twitter avec mon collègue Rémy Lérignier et Aurélien Conraux, administrateur ministériel des données (autant dire archiviste numérique) délégué au ministère de la Culture]
  • et une bibliographie censée être quasi-exhaustive (même si la formule suivante de retrouve dans la majeure partie des thèses : « La présente bibliographie ne prétend pas à être exhaustive. Par ailleurs, elle ne reprend pas l’ensemble des références citées dans les notes de bas de page de cette étude. »). La bibliographie — surtout les ouvrages et articles de doctrine — peut être exploitée pour gagner du temps en recherch

Si on faisait une sorte de moyenne, la bibliographie serait structurée ainsi :

  • études dans les ouvrages à mise à jour
  • traités, manuels
  • thèses et mémoires
  • contributions à des colloques ou ouvrages collectifs
  • articles de doctrine (commentaires d’arrêts et de législation, chroniques). Cette rubrique est parfois coupée en deux : les commentaires de JP d’un coté, le reste de l’autre
  • jurisprudence. Cette rubrique est parfois sortie de la bibliographie et constituée sous forme d’une table/index des arrêts.

NB 1 : bien que la JP listée ici soit le plus souvent de la JP commentée ou publiée dans un recueil comme le Bull. civ., ces citations de JP ne sont généralement pas accompagnées de leurs références bibliographiques (une exception : la thèse d’Emmanuelle Vierling-Kovar (2013) sur le contrat de société en participation, qui distingue même les décisions ayant fait l’objet d’un commentaire, des autres). Cette liste de JP n’est donc pas exploitable. La JP doit être cherchée de manière indirecte, dans le corpus, avant d’être localisée en note de bas de page — ceci d’autant que la bibliographie ne reprend souvent pas la totalité des citations en note de bas de page ...

NB 2 : cette structuration de la bibliographie est très variable. J’ai consulté des dizaines de thèses récentes sans en rencontrer deux présentant leur bibliographie exactement de la même façon. Certaines thèses offrent un classement de leur bibliographie extrêmement détaillé. Un idéal serait celui adopté par la thèse de Sarah Périé-Frey sur le régime juridique du médicament (2017) :
1. Ouvrages généraux, dictionnaires, encyclopédies et répertoires
2. Ouvrages spécialisés et thèses
3. Articles de revues et contributions à des ouvrages collectifs
4. Leçons, conférences, contributions à des colloques
5. Etudes, rapports officiels, communications et instruments non normatifs
6. Dispositifs normatifs
7. Jurisprudence, avis, décisions
8. Ressources Internet
9. Interview et communiqués

D. Le texte même de la thèse de droit fait généralement dans les 300 à 500 pages donc c’est du très long. Si la consultation de la TDM et de l’index n’ont rien donné, il est hors de question de tout lire ou même de parcourir la totalité de la thèse. Il faut alors utiliser la recherche par chaîne de caractères dans le document avec de simples mots ou des expressions courtes, en privilégiant d’abord la recherche dans la TDM (située à la *fin* du document, donc positionner le curseur de la souris au début de celle-ci).

Le "jeu du Ctrl + F" suppose une bonne connaissance de ce qu’on cherche, un minimum de maîtrise préalable du vocabulaire du sujet de la recherche. Les versions récentes d’Acrobat Reader ainsi que le navigateur Chrome permettent par ailleurs, en cas de résultats très nombreux, de déterminer les pages les plus axées sur le sujet (zones jaunes dans l’ascenseur à droite).
Exemple : suppression du droit de vote double. Ici, les mots-clés à chercher dans la TDM et l’index sont Vote (droit de) et Actionnaire (droits de l’). Pas Suppression. En Ctrl + F, en revanche, chercher par "vote double". Et ne surtout pas prendre les paragraphes sur le vote plural (au sens plus large et non pas synonyme exact) ce qui suppose de s’y connaitre un minimum en droit des sociétés ou de vérifier le sens de vote plural.

E. La thèse est très détaillée. Elle n’est donc pas à utiliser en premier lors d’une recherche. Pour un professionnel, c’est souvent de l’ordre du dernier ressort. Pour un chercheur, en revanche, c’est plus fréquemment utilisé.

III. Trois exemples concrets d’évaluation et d’exploitation d’une thèse de droit

Voyons maintenant trois exemples concrets de bout en bout pour illustrer les méthodes supra — le terme méthode est un peu prétentieux, disons des trucs.

Pour mieux comprendre, il est recommandé d’ouvrir le support PDF de mon intervention. Le III du support comporte des copies d’écran des thèses données en exemple infra.

A. Validité du mandat lorsque le mandat est indéterminé

Nous avons une question : le mandat (notamment dans le cas d’une délégation de responsabilité) reste t-il valable lorsque le mandataire est indéterminé (par exemple, le mandat désigne une catégorie de personnes) ? Très peu d’ouvrages et d’articles de doctrine traitent ce sujet étroit. On peut alors faire une recherche dans les thèses en open access.

Une rapide recherche par "mandat" sur Theses.fr nous ramène un seul titre potentiellement pertinent : la thèse d’Anne Gilson-Maes, Mandat et responsabilité (2013). Entre parenthèses, cette thèse a été publiée en 2016 dans la prestigieuse Bibliothèque de droit privé de la LGDJ.

Traite t-elle de la (in)détermination du mandataire ?

  1. Le titre : c’est mal parti, on ne parle ni de la validité du mandat ni du mandataire dans le titre.
  2. La notice : le résumé ne renseigne pas sur ce point.
  3. On ouvre donc le PDF. On lit les noms des membres du jury. Et là, bingo ! : Denis Mazeaud est président du jury, un gage de qualité de la thèse.
  4. Si on est impatient — nous le sommes tous, on lance une recherche par "mandataire". Et là, c’est la catastrophe : 1228 résultats ... On tente alors : "détermination" (ce qui devrait trouver aussi indétermination). 3 résultats seulement et évidemment aucun n’est pertinent. On voit bien là, que la recherche par mot, plus précisément par chaîne de caractères, est délicate
  5. On se positionne à la fin, on consulte l’index alphabétique puis la TDM. On cherche du regard la notion de mandataire et on voit que l’auteur n’envisage pas ce cas. Fin de la recherche.

Moralité :

  • si le titre n’est pas bien orienté , il y a peu de chance que la thèse le soit
  • la recherche par chaîne de caractères est délicate.

B. Question : doctrine sur le droit de vote double

Etapes :

  1. Google : thèse droit de vote double -> sur Glose.org : Le droit de vote de l’associé, par Renée Kaddouche (dir. Jacques Mestre), Aix marseille, 2001
  2. Theses.fr : droit de vote ET Discipline=Droit -> L’attribution du droit de vote dans les sociétés, par Caroline Coupet (dir. Hervé Synvet), Panthéon-Assas, 2012
  3. chercher dans la TDM et l’index Vote (droit de) et Actionnaire (droits de l’). Ne pas chercher par Suppression
  4. Ctrl + F : chercher par "vote double". Pas par "vote plural"(plus large et non synonyme exact)
  5. thèse de R. Kaddouch : pas d’index -> consulter la TDM : vote double y apparaît 3 fois, un A. (env. 3 pages) y est consacré + riches notes de bas de page
  6. thèse de C. Coupet : le droit de vote double est dans l’index, mais pas dans la TDM et il n’y a pas de véritables développements dessus (11 occurrences en tout seulement).

Enseignements :

  • que le titre soit bien orienté n’est hélas pas une garantie que la thèse le soit
  • la présence de la chaîne de caractères recherchée dans le texte intégral ne suffit pas à elle seule.

C. Question : un animal peut-il contracter ?

Etapes :

  1. réfléchir aux mots-clés : Google : animal contrat droit thèse : rien de pertinent ; mais si on réfléchit en juriste : animal contrat nullité thèse -> sur TEL : L’inexistence du contrat : Un autre regard sur sa formation par Alexis Posez (dir. Dominique Bureau), thèse, Université Panthéon-Assas, 2010
  2. index > Animaux : donne le bon passage, qui est titré "21. La chose animée" ! Bingo : 5 pages très riches en notes de bas de page
  3. table des matières : la consulter sera ici inutile, nous avons trouvé par l’index tout ce qu’il y avait à récupérer.

Enseignements :

  • un index bien fait n’a pas besoin d’être long mais d’expliciter ce qui est implicite dans les intitulés des sous-parties. Bien fait, il accélère et fiabilise la recherche et participe à valoriser la thèse
  • vive le résumé et les mots-clés de l’abstract, qui utilisent trois fois le terme "animal".

IV. Les limites à l’exploitation des thèses (rappels sur la propriété intellectuelle)

Attention : accès libre et gratuit ne veut pas dire autorisation de copier librement ni de constituer des répertoires communs à l’entreprise (délit de contrefaçon, extraction substantielle de base de données/droit sui generis du producteur de base de données). Sont parfaitement légales les utilisations suivantes — a contrario ... :

 Faire des listes de liens classés vers les pages web des abstracts des thèses. Pourquoi les abstracts et pas le texte intégral ? Parce que :

  • dans une forte proportion des cas, seule la page web/notice comprend le résumé, qui comme expliqué supra permet de mieux saisir le sujet de la thèse
  • il est de bonne pratique de ne pas faire de lien directement vers le texte intégral en PDF. Ceci afin d’éviter de faciliter les abus de type robot aspirateur de documents et de laisser l’environnement du site web à la disposition du lecteur. Ainsi, le site peut de faire de la publicité et le lecteur peut aller chercher d’autres thèses et se mettre à utiliser le site directement au lieu de toujours passer par Google.

 Rentrer les références bibliographiques de la thèse et son URL dans son catalogue d’ouvrages.

 Reproduire de larges extraits — de l’ordre de la demi-page — dans une oeuvre, un article ou une discussion par mail. Car le droit de courte citation est proportionnel à la taille de l’oeuvre citée. Comme une thèse fait au strict minimum 200 pages ... On prendra un exemple d’une telle citation ... dans une thèse, celle d’Anthi Kitsou sur le gouvernement d’entreprise dans les SA familiales non cotées : sa note 1822 s’étale sur 37 lignes, tant et si bien qu’il lui faut deux pages (pp. 424-425). Il va sans dire que citer à répétition différents longs extraits d’une même thèse est répréhensible. Non seulement cela constitue un abus du droit de citation mais on peut aussi arguer qu’on s’approche de l’extraction qualitativement substantielle (droit qui générosité du producteur de base de données).

Une copie personnelle du fichier, ou bien imprimer, relier et mettre dans sa bibliothèque sans être parfaitement légal reste dans les usages tolérés. En revanche, envoyer le PDF en pièce jointe est à éviter. Faire ça avec un lien hypertexte revient au même et respecte les règles de la propriété intellectuelle. Il est enfin évidemment illégal d’entasser des PDF dans un dossier Windows ou une base de GED (gestion électronique de documents).

Attention aussi à la fraude scientifique et la contrefaçon qu’est le plagiat. La matière juridique, de l’avis anonyme d’un enseignant en droit, n’en est pas immunisée. À cet égard, la publication des thèses en accès libre et gratuit devrait favoriser la détection des plagiats.

Conclusion

On souhaiterait parfois que les thèses en open access soient plus proches des interrogations des praticiens mais aussi plus audacieuses, mais peut-être le temps manque-t-il aussi aux doctorants (les bourses de thèse durent en général 3 ans).

J’espère qu’après les interventions de cette journée Juriconnexion 2017, les juristes seront enfin convaincus que les thèses sont une mine. Une mine qu’il faut miner, creuser, fouiller, étayer, exploiter et enrichir mais une mine solide, bien entretenue, étayée et riche. Une mine d’or.

Emmanuel Barthe
bibliothécaire documentaliste juridique, licence en droit, Faculté de droit de Sceaux

Notes

[1Les "slides" PowerPoint sont trop sobres — elles ne servent surtout à appuyer une intervention orale — et déjà disponibles sur le site de Juriconnexion. Je ne les republierai donc pas ici. En revanche, ces slides comportent des copies d’écran des thèses données en exemple dans la partie III de ce billet.

[2Pour publier chez l’Harmattan, il faut en général acheter un nombre minimal d’exemplaires de son ouvrage. C’est donc en réalité, tout comme Maxima ou Le Puits Fleuri, un éditeur qui ne "publie" que des ouvrages publiés à compte d’auteur. A lire : L’Harmattan, la maison d’édition qui ne paie pas ses auteurs, par Raoul Mbog, Le Monde.fr, 17 janvier 2015.

[3Pour plus de détails, voir sur ce blog Plus de 100 prix de thèse en droit.