Appuyez sur Entrée pour voir vos résultats ou Echap pour annuler.

In memoriam

Catherine Labrusse Riou ou le droit tissé de la bioéthique et des personnes
Hommage à une professeure de droit qui aimait le vivant

Départs ...

Après un éditeur, une professeure de droit. Catherine Labrusse Riou est partie pour un autre monde le 16 janvier [1]. L’église était pleine là aussi.

Professeure de droit privé, spécialiste du droit de la famille et des personnes et de bioéthique, membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) (1984-1990) dès sa création [2], de la Commission du génie biomoléculaire (1998-2001) et du Comité de protection des personnes dans la recherche biomédicale de l’Hôtel-Dieu, Mme Labrusse Riou a créé le Master de recherche Personne et droit et le centre de recherche "Normes, sciences et techniques" en 1994 à Paris 1, aujourd’hui intégré à l’Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne (ISJPS). De 1990 à 2005, elle a dirigé le centre de recherche Sciences et droit CNRS/Paris 1.

L’Université Paris I lui rend hommage. En juillet 2022, le projet de mélanges en son honneur s’était concrétisé [3]. Je relève pour ma part, parmi les contributions, celles de :

  • Isabelle de Lamberterie : De l’informatique juridique à l’open data des décisions de justice : 50 ans d’histoire
  • Mireille Delmas-Marty (elle-même décédée en février 2022) : L’écocide et la loi "climat-résilience" : Puissance et non-sens de la mondialisation.

Elle m’orienta vers le droit, vers la faculté de droit de Sceaux [4], où elle enseignait et où je fis mon droit.

Elle a beaucoup enseigné, beaucoup publié, dirigé et participé à beaucoup de recherches. On peut sur ce sujet consulter l’hommage que lui a rendu Isabelle de Lamberterie [5]. Elle a elle-même écrit sur la fin de vie [6].

La messe de funérailles en l’église Saint-Jacques du Haut-Pas fut l’occasion de témoignages de Muriel Fabre-Magnan, Florence Bellivier, toutes deux professeures de droit privé à Paris I, et Pascal Riou, frère de Catherine Labrusse.

F. Bellivier, professeure agrégée de droit privé, spécialiste des liens entre droit et évolutions scientifiques :

Austère, pudique, n’ayant pas créé une école de pensée mais tissé des liens, mis en avant ses étudiants de DEA en faisant publier leurs mémoires de DEA, pratiqué lors de séminaires l’interdisciplinarité avant même que le mot ne soit à la mode ...

Pascal Riou :

Sourire et tendre et parfois inquiet.
Passion de comprendre, d’argumenter, de transmettre.
Reconnaissance pour le moindre geste d’attention.
Souci d’une parole juste qui lui faisait dire : « Oui mais, justement, toutefois ... »
Conscience oh combien aiguë de notre finitude.
« Voici je me tiens à la porte et je frappe ... »

Catherine Labrusse a travaillé en fait sur l’altérité. C’est ce que souligne l’homélie du père belge Xavier Dijon, enseignant en droit lui aussi et qui eut des échanges académiques avec Mme Labrusse. Il raconte la parabole arabe [7] sur l’amant qui répond « C’est moi » à celle qui demande « Qui est là ? ». L’amant est éconduit et ne comprend pas. Il finit par mûrir et répond « C’est toi », la porte s’ouvre alors. Personne n’est condamné à s’enfermer dans l’égoïsme du « C’est moi ».

Le père Dijon explique que « le droit offre à la société des formes infiniment précieuses de reconnaissance de l’autre. Le droit s’occupe des personnes car il s’occupe des relations. » Il rappelle qu’il existe un au-delà de soi-même. Le droit garantit des abstractions mais elles ne suffisent pas, il faut aussi la fraternité comme le rappelle même la Déclaration universelle des droits de l’Homme :

Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Emmanuel Barthe
juriste documentaliste

Notes

[1Catherine Labrusse Riou était ma tante.

[2Voici le seul avis du CCNE où son nom ait été cité : Etat des études conduites par le Comité concernant les dons de gamètes et d’embryons, avis CCNE n° 18,15 décembre 1989.

[3Mélanges en l’honneur du professeur Catherine Labrusse-Riou, IRJS Editions, 2022.

[5Hommage [à Catherine Labrusse-Riou], par Isabelle de Lamberterie, Cahiers Droit, Sciences & Technologies, 16 | 2023.

[6Conclusion. La fin de vie, in Dossier : La fin de vie. Préoccupations légales et éthiques, Droits et culture 2018/1, p. 223-227 (en open access).

[7Rapportée par Henri Caffarel, Lettres sur la prière, Paris, Editions du Feu nouveau, 1961, p. 142.