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C2i Métiers du droit : un excellent cours de recherche documentaire en droit

L’Université de Clermont-Ferrand a mis en ligne un des supports du C2i Métiers du droit [1] proposé par l’Université Numérique Juridique Francophone (UNJF) [2] : le module D2-1 "Rechercher et utiliser des ressources d’information et de documentation juridique" (PDF) [3], rédigé par David Marcheix, maître de conférences en informatique à l’Université de Poitiers. A qui je tire mon chapeau.

Car c’est un bon — personnellement, je dirais très bon — cours et tutoriel pour la recherche dans la documentation juridique en ligne [4], qu’elle soit officielle ou doctrinale, qu’elle vienne des éditeurs ou du Web gratuit. Il comporte pas mal de vidéos (disclaimer : j’ai été interviewé) et, à la fin, des exercices pratiques avec corrigé. Le quiz, notamment, n’est pas facile du tout ....

On peut donc considérer mon précédent billet sur ce C2i comme totalement dépassé. Tant mieux :-)

On peut cependant ne pas toujours être complètement d’accord avec certaines conclusions du module D2-3 du C2i. Par exemple, dire que les moteurs de recherche sémantiques ("en langage naturel"/avec classement des résultats par pertinence) pour le juridique ne facilitent pas la recherche sur la doctrine peut se discuter. D’un côté, en effet, les tables, index, bibliographies, notes de bas de pages et liens hypertextes vers les citations suffisent souvent à trouver, à partir d’un ouvrage de base, les autres ouvrages sur le sujet et les chroniques et commentaires d’arrêt pertinents. Mais d’un autre côté, pas toujours. Et depuis peu, les moteurs sémantiques se sont améliorés (Lamyline, voire Navis : focalisation du moteur sur la présence des mots-clés dans le titre).

Cependant, et pour aller dans le sens du C2i, les moteurs sémantiques comportent encore de nombreuses lacunes, particulièrement sur les documents bruts.

Un exemple des avantages et limites des nouveaux moteurs est le nouveau moteur de recherche du (remarquable [5]) site du Conseil constitutionnel [6]. En effet, la question "objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi", avec les réglages par défaut du moteur de recherches des décisions (recherche sémantique et recherche sur tout le dossier et non sur le texte de la seule décision), apporte 63 résultats, dont la 11e est la bonne.

Toutefois, plusieurs décisions sur les 63 ne comportent pas les mots accessibilité et intelligibilité [7] [8]. Avec des réglages modifiés (recherche de l’expression telle quelle et uniquement sur le texte de la décision), on trouvera les 8 décisions parlant vraiment de ce principe. Et encore, même ainsi réglé, le moteur ne dit pas quelle décision a créé ce principe et surtout lesquelles l’expliquent et le justifient [9]. En fait, il faut analyser la question avec les premiers commentaires trouvés pour se rendre compte que les mots-clés sont clarté, transparence, accessibilité et intelligibilité de la loi et qu’ils constituent ici des synonymes documentaires. Puis les réinjecter en requête "full text" classique dans un moteur acceptant l’opérateur logique OU (comme Legifrance) et chercher les occurrences dans les résultats [10]. On peut aussi consulter les tables analytiques des décisions du Conseil. Ca pourrait même pu être plus rapide, à condition de les avoir téléchargées, voire imprimées préventivement (plus de 2000 pages PDF [11]). Là, vive le papier ! :-)

Attention : j’ai pris un exemple publiquement accessible, mais les mêmes limites existent pour Lamyline ou Navis, surtout quand on est dans les documents officiels bruts (textes, jurisprudence). Ce type de problème est en revanche beaucoup moins net sur la doctrine, où la présence beaucoup plus forte des expressions juridiques classiques leur facilite la tâche.

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique, formateur à la recherche en ligne

Notes

[1C2i : certificat informatique et Internet.

[2L’UNJF est une des grandes "Universités Numériques Thématiques" dont le développement est initié et soutenu par le ministère de l’Education nationale. Voir notre article Les missions de l’Université numérique juridique francophone (UNJF).

[3Ce module nous crédite largement, ainsi que d’autres collègues. Une autre façon, après l’article des Echos sur le Conseil constitutionnel citant ses documentalistes juridiques, de montrer publiquement les performances des professionnels de la recherche et de la gestion de l’information.

[4Précision importante : le document n’aborde pas la méthodologie de la recherche papier. Rappelons qu’il s’agit d’un cours de formation au C2i = informatique et Internet.

[5De toutes les juridictions françaises le Conseil constitutionnel est sans discussion celui dont le site est le plus riche, le plus transparent (voir les vidéos des audiences QPC), le plus à jour (mise en ligne d’une décision et de son dossier le jour même du rendu) et le mieux organisé. Et ce, dès ses débuts.

[6Voir le chapitre "Moteur de recherche" du tutoriel vidéo "Mode d’emploi du site du Conseil constitutionnel", par le responsable de la documentation du Conseil, Lionel Brau, pour mieux comprendre les subtilités et les performances de ce moteur.

[7Ni même clarté ou transparence (voir plus loin).

[8De mon point de vue, Google ne fait pas mieux.

[9Il s’agit de la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 sur la loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes, réaffirmée par la décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 sur la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

[10Tiens ! En étendant la recherche aux décisions QPC, on apprend une information intéressante : selon le Conseil constitutionnel, « si l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi [...] impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ».

[11Si on pouvait les diviser en paquets d’environ 200 pages, ce serait plus pratiques.