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Bulletin officiel Justice : de grâce, plus vite !
Les circulaires du ministère de la Justice sont publiées avec un retard de 4 à 6 mois. Peut-on aller plus vite ?

Au point où en est le débat sur la liste Juriconnexion, posons franchement la question : le ministère de la Justice pourrait-il et devrait-il accélérer la parution de ses circulaires, qui mettent 4 à 6 mois pour être publiées, que ce soit en papier ou sur son site web ?

Techniquement, c’est parfaitement possible

Le ministère pourrait parfaitement publier ses circulaires sur son site dans une rubrique ad hoc, au fur et à mesure de leur parution au format papier.

Ca n’a rien d’irréaliste : c’est ce que fait la Direction générale des impôts (ministère des Finances). La DGI utilise pour cela, tout simplement, les versions numériques d’origine de ses circulaires. Celles-ci sont rédigées au format de fichier .DOC de Word [Mise à jour au 30 janvier 2006 : le BOI en ligne, depuis mi-2005, n’est plus alimenté que par du PDF] : la DGI se contente de les enregistrer au format HTML de Word (plus une version PDF) [1], ce qui en fait des pages web [2]. Elles sont ensuite chargées telles quelles sur le site web du BOI, et il reste à faire un lien hypertexte vers celle-ci dans la rubrique citée supra et un autre dans la série pertinente.

Internet a justement été conçu, notamment, pour cela : accélerer les parutions en les rendant plus faciles et moins coûteuses.

Une procédure de fabrication typique du temps du papier seul

Mais la procédure de fabrication du BO Justice est suffisamment complexe, donc lente, pour qu’elle revienne de facto à une non-transparence vu la difficulté de connaître les circulaires et de se les procurer. En effet, la procédure est la suivante, selon le webmestre de site justice.gouv.fr :

  1. les directions du ministère envoient leurs circulaires au Bureau de la documentation
  2. ce bureau collecte les informations, les catégorise et met en forme au format du Journal officiel
  3. le Bureau de la documentation transmet à la Direction des Journaux officiels, éditeur du BO du ministère de la Justice dans sa version papier
  4. la Direction des Journaux officiels retransmet au Bureau de la documentation après validation
  5. le Bureau de la documentation transmet le BO électronique au Service central de l’information et de la communication qui publie sur le site Internet.

La périodicité trimestrielle du BO Justice ne veut donc pas dire grand’ chose puisqu’il faut attendre un trimestre pour que les textes y soient mis. Son délai de parution réel aujourd’hui est donc de 3 + 3 = 4 à 6 mois.

Question : et si le Bureau de la documentation transmettait directement au Service central de l’information et de la communication les circulaires à publier au BO papier, voire les publiait lui-même, directement sur le site web du Ministère ? Techniquement, ce n’est pas si compliqué que cela : des documentalistes le font toutes les semaines pour alimenter leur rubrique sur le site web de leur entreprise. Les NTIC permettent, c’est bien connu, de raccourcir les circuits décisionnels et de publication.

Pourquoi il faudrait publier plus vite les circulaires du ministère de la Justice

Certes, les circulaires du ministère de la Justice ne sont pas opposables. Stricto sensu, elles ne sont qu’une interprétation du droit par l’Administration. Pourtant, en pratique, il est quasi-impensable pour les éditeurs et les acteurs du droit, publics comme privés, d’appliquer une réforme sans avoir sa circulaire d’application.

Le Ministère pourrait, en publiant ses circulaires sur son site web dans une rubrique "Bulletin officiel", accélérer l’application des réformes. [Mise à jour au 30 janvier 2006 : Exemple récent : fin janvier 2006, la circulaire n° CIV/02/06 du 9 janvier 2006 relative aux mesures législatives et réglementaires de la loi de sauvegarde des entreprises applicables aux procédures en cours fait l’objet de commentaires et publications chez Dalloz et la Gazette du Palais. Mais au 30 janvier 2006, elle n’est pas disponible sur le site web du Ministère ...] Le Ministère pourrait également toucher plus rapidement les magistrats [, ainsi que, dans l’exemple pris ici, les administrateurs judiciaires].

En effet, envoyer par courrier papier une circulaire, même à un nombre limité d’acteurs, revient à rendre sa consultation obligatoire de facto pour tous les juristes et avocats spécialisés dans son domaine. Ne serait-ce que parce que les éditeurs spécialisés vont immanquablement l’obtenir et la citer [3] (mais pas forcément la publier, sauf en droit social, merci à Liaisons sociales). Or tous les acteurs ne sont pas forcément abonnés au bon éditeur ... On aboutit ainsi à une certaine inégalité d’accès à l’information.

Dès lors, il ne semble ni utile pour le Ministère ni "fair play" pour la communautés des juristes de réserver — ou presque — sa consultation pendant 4 à 6 mois aux seuls magistrats ou fonctionnaires.

Emmanuel Barthe
documentaliste juridique

Notes

[1Pour le vérifier, faites un clic droit sur n’importe quel texte du BOI de 2004, puis cliquez sur Afficher la source. Vous pourrez alors lire, à la troisième ligne ce qui suit : xmlns:w="urn:schemas-microsoft-com:office:word".

[2Les puristes diront que de telles pages sont bourrées de code inutile et beaucoup plus lourde en kilo-octets que nécessaire. C’est vrai. Mais elles ne s’en affichent pas moins correctement sous un navigateur web.

[3Un collègue documentaliste juridique a on ne peut plus clairement expliqué le problème dans un message sur la liste Juriconnexion intitulé Bulletin officiel publié ou non ?.