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Remise sur les ouvrages : 5% maximum

Rappel : la loi Lang sur le prix du livre autorise des remises maximum de 5% sur le prix public des lives neufs — prix fixé par l’éditeur.

Pourtant, on a vu des choses bizarres [1].

Et même récemment. Comme ici sur le site d’un syndicat étudiant [2] où un Code très populaire est vendu à un prix inférieur à 95% du prix public fixé par l’éditeur. Je passe sur les horreurs d’orthografe ...

Pour celles et ceux que ça intéresse, ou si vous n’êtes pas convaincu, voici le détail de l’argumentation :

On pourrait penser que le droit des associations à faire bénéficier leurs membres/adhérents — et seulement eux — de tarifs réduits permet de donner une caution légale à cette pratique. Mais ...

 1. On voudrait donc avancer que le syndicat étudiant est une association et que les Codes sont des ouvrages scolaires qui bénéficient d’une exception prévue par l’article 3 de la loi Lang [3]. Mais :

  • cette exception est soumise à la condition que l’ouvrage corresponde à la définition du livre scolaire donnée par l’art. 1er du décret n° 85-862 du 8 août 1985 devenu l’art. D 314-128 du Code de l’éducation. C’est confirmé dans le guide Le prix du livre mode d’emploi diffusé par la Direction du livre et de la lecture (DLL) du ministère de la Culture qui exclut les « codes juridiques » (voir leur interprétation de l’article 3 alinéa 1er) [4]
  • s’il ne s’agit pas de livres scolaires (cas des codes comme nous venons de le voir), l’association n’a pas le droit de les revendre à perte ses membres, elle doit les leur revendre avec 5% de remise maximale sur le prix public éditeur.

 2. La loi Lang est d’ordre public [5] (Le commerce électronique du livre : une remise en cause de la loi Lang ?, 2004 [6]).

 3. De plus, le droit de la consommation et celui de la concurrence, dont les règles sont également d’ordre public, condamnent ce type de vente liée ou, si elle n’est pas considérée comme liée, à prix coûtant. Ces deux domaines du droit condamnent également la revente à perte.

 4. Enfin, la cour d’appel de Versailles puis la Cour de cassation se sont déjà prononcé dans un cas similaire en condamnant la vente avec prime où la "prime autopayante" était constituée par un rabais de plus de 5% sur le prix d’un livre : c’est la jurisprudence Lucky Luke (CA Versailles 28 janv. 1999 Dargaud c/ Esso, Légipresse 1999, n° 161, III, p. 70 ; Cass. com. 29 janv. 2002 n° 99-16.053 Bull. civ. n° 23 [7]).

Notes

[2Je cite : « Etudiants en droit : commandez votre code civile mois cher
Tous les étudiants en droit doivent acheter un code civil. C’est pourquoi l’... offre la possibilité à ses adhérents de commander leur code civil à tarif réduit.
Le prix du code civil pour les adhérents de l’... s’élève à 32 euros contre 36 euros dans le commerce ! Pour commander ton code civil remplis ton bon de commande et joins le règlement correspondant. »

[3« Les dispositions du quatrième alinéa de l’article 1er ci-dessus ne sont pas applicables aux associations facilitant l’acquisition des livres scolaires pour leurs membres. »

[4Extrait du guide Le prix du livre mode d’emploi diffusé par la Direction du livre et de la lecture :

ARTICLE 3, ALINEA 1ER

"Les dispositions du quatrième alinéa de l’article 1er ci-dessus ne sont pas applicables aux associations facilitant l’acquisition des livres scolaires pour leurs membres."

Quelles sont les "associations facilitant l’acquisition des livres scolaires pour leurs membres" ?

Ce sont principalement les associations de parents d’élèves, elles peuvent également être des associations d’élèves ou d’étudiants. Les membres de l’association qui acquièrent des livres scolaires doivent en avoir naturellement l’usage, les associations dont la destination n’est pas de faciliter l’acquisition des livres scolaires pour ses membres (associations sportives, artistiques, religieuses, etc.) ne peuvent être concernées par les dispositions de l’article 3, alinéa 1er. Le statut juridique des associations visées par cet article n’est pas précisé, il peut donc s’agir d’associations non régies par la loi du 1er juillet 1901. Quel que soit le statut de ces associations, il est nécessaire que les conditions dans lesquelles on en devient adhérent soient précisées afin de pouvoir déterminer précisément quelles sont les personnes physiques habilitées à se prévaloir de l’exception prévue par l’article 3, alinéa 1.

« Comment une association peut-elle faciliter l’acquisition des livres scolaires pour ses membres ?

Les associations peuvent acquérir des livres scolaires (voir la définition infra) avec des remises supérieures à 5 % par rapport au prix de vente au public, et répercuter ces remises auprès de leurs adhérents (et de leurs seuls adhérents). Seules les associations peuvent acquérir avec des rabais supérieurs à 5 % les livres scolaires pour leurs membres, mais non lesdits membres, à titre individuel. Les associations visées par l’article 3, alinéa 1er, peuvent acquérir et revendre des livres non scolaires à la condition expresse d’avoir acheté ces ouvrages au prix de vente au public, éventuellement minoré de 5 %.

L’association peut-elle revendre les ouvrages à ses adhérents ?

Remise obtenue par l’association Nature des ouvrages acquis L’association peut-elle revendre les ouvrages à ses adhérents ?
de 0 à 5 % livres scolaires oui
supérieure à 5 % livres scolaires oui
de 0 à 5 % livres non scolaires oui
supérieure à 5 % livres non scolaires non

Qu’est-ce qu’un livre scolaire ?

La définition du livre scolaire a été précisée par le décret d’application du 8 août 1985 ; sont considérés comme livres scolaires "les manuels, ainsi que les cahiers d’exercice et de travaux pratiques qui les complètent, régulièrement utilisés dans le cadre de l’enseignement de quelque niveau que ce soit et conçus pour répondre à un programme préalablement défini ou agréé par le ministre de l’éducation nationale ou l’autorité exerçant la tutelle de l’enseignement". Le décret précise que "la classe ou le niveau d’enseignement doit être imprimé sur la couverture ou la page de titre de l’ouvrage".
Le livre scolaire répond donc à des critères précis ; les ouvrages qui ne répondent pas à ces critères ne peuvent être considérés comme des livres scolaires (même si ces livres sont utilisés par un professeur dans le cadre de son enseignement) et ne peuvent donc bénéficier des dispositions de l’article 3 de la loi du 10 août 1981. Ainsi, des livres tels que Les femmes savantes de Molière, même s’ils sont souvent utilisés dans un cadre scolaire, ne sont pas des livres scolaires au sens de la loi de 1981, qu’ils comportent ou non des notes, commentaires et exercices divers. De la même façon, le fait que l’achat d’un ouvrage soit prescrit par l’enseignant (comme le sont les codes juridiques dans les facultés de Droit) ne confère pas à celui-ci la qualité d’ouvrage scolaire. Enfin, l’acquisition d’un grand nombre d’exemplaires du même titre par un enseignant ne justifie en rien l’octroi d’une remise supérieure à 5 %. »

[5Une norme d’ordre public est une règle impérative que les parties ne peuvent écarter et qui répond à des exigences fondamentales ou à des intérêts primordiaux (source Wikipedia).

[6Le commerce électronique du livre : une remise en cause de la loi Lang ? Le marché des livres-papiers vendus en ligne, 10 décembre 2004 / Camille Marcq et Delphine Valleteau de Moulliac, avocats. Extrait :
« Cette loi mettant en place un système de prix unique du livre dont les abus et contournements sont sanctionnés par des mesures d’ordre pénal, appartient à l’ordre public économique de direction. »

[7Extrait de Cass. com. 29 janv. 2002 :
« Attendu que la société Esso fait grief à l’arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen :
1° que constitue une seule et même opération juridique la vente d’essence accompagnée de la remise d’un livre à titre de prime moyennant le versement d’une somme complémentaire et symbolique lorsque le plein atteint 30 litres ; qu’en dissociant la remise du livre à titre de prime et la vente d’essence au motif qu’ils ne " faisaient nullement un tout indissociable ", la cour d’appel qui constatait pourtant que le droit à la prime n’était ouvert qu’à condition d’effectuer un plein de 30 litres dans les stations-essence de la société Esso, a violé ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 121-35 du Code de la consommation ; [...]
Mais attendu, d’une part, qu’ayant constaté qu’en l’espèce, l’achat de carburant n’imposait pas celui d’un livre et que la remise d’un album était obtenue moyennant le versement d’une somme d’argent, la cour d’appel en a justement déduit que l’obtention de la prime constituait une vente distincte de l’achat de carburant, peu important que sa conclusion soit consécutive à celle du contrat de vente de carburant »