Pistes pour une histoire récente de l’édition juridique française
Juillet 2021 voit enfin un trou bouché avec la publication à la LGDJ de L’histoire de l’édition juridique (XVIe-XXIe siècle) : Un état des lieux, dirigé par Robert Carvais et Jean-Louis Halpérin. Il s’agit des actes d’un colloque qui s’est tenu en janvier 2018 [1].
Collectées (et publiées ici) des années avant la publication de cet ouvrage, voici des pistes pour ceux qui voudraient écrire une autre histoire de l’édition juridique française moderne.
Chiffres, activité
- Livres Hebdo pour les éditeurs français et les filiales françaises des grands groupes (des brèves en accès gratuit sur le web, pour le reste s’abonner ou à consulter en bibliothèque). Une étude chaque année sur l’édition juridique française
- le site du Syndicat national de l’édition (SNE). Notamment ses chiffres-clés annuels. Ainsi, on peut lire dans les Chiffres clés de l’édition 2017 :
« En 2015, le marché de l’édition numérique, tous supports et toutes catégories éditoriales confondus, a généré un chiffre d’affaires de 163,8 millions d’euros, en progression de 1,5 %. Cela représente 6,5 % du chiffre d’affaires des ventes de livres des éditeurs. L’édition numérique continue sa progression et voit son poids augmenter dans les revenus des maisons d’édition, quoique de manière plus modérée que les années précédentes. Le marché est porté par l’édition professionnelle, notamment l’édition juridique. »
- articles isolés :
- Le secteur de l’édition a connu une année 2017 "médiocre", Challenges.fr, 22 juin 2018
- article du Monde (2015) sur L’Harmattan, une maison d’édition parisienne non spécialisée dans le juridique mais qui publie essentiellement des auteurs africains à leurs débuts, donc notamment en ce qui nous concerne des thèses en français de docteurs en droit africains ou originaires d’Afrique. Attention, c’est du quasi-à compte d’auteur
- Le groupe d’édition juridique Lefebvre-Sarrut lance des produits communs à ses trois maisons : une préfiguration ?, par Emmanuel Barthe, precisement.org, 12 avril 2011
- Une marque s’efface : Litec devient LexisNexis, par Emmanuel Barthe, precisement.org, 20 septembre 2011
- Changement de tête aux éditions Dalloz, par Clément Solym, Actualitte, 13 juin 2009
- Francis Lefebvre rachète Dalloz, par Emmanuel Barthe, precisement.org, 28 juin 2005
- Créer de nouvelles revues juridiques : un outil pour fidéliser clients ... et auteurs, par Emmanuel Barthe, precisement.org, 2 juin 2005
- Le marché de l’édition spécialisée bénéficie de valorisations élevées, par Nathalie Silbert, Les Echos, 27 juin 2005
- Hachette Livre prêt à vendre Dalloz aux Editions Lefebvre Sarrut, par Nathalie Silbert, Les Echos, 23 juin 2005
- histoire de la newsletterde veille Omnidroit 2008-2011 (sur ce blog)
- Reed-Elsevier prend le contrôle des Editions Techniques, par Pierre de Gasquet, Les Echos, 12 mai 1993.
Analyses de professionnels de la documentation juridique
- La diffusion de l’information juridique, une activité en pleine mutation : Etude de l’évolution actuelle du marché de la documentation juridique en France, par Cécile Lagabe [2], Mémoire INTD, 2002, 104 p. (PDF). Beaucoup de choses ont changé depuis [3]. On y apprend cependant beaucoup de choses, dont pas mal encore utiles aujourd’hui
- du côté de l’édition juridique publique numérique et de la diffusion des données juridiques publiques (legal open data comme on dit aujourd’hui) : Historique de la documentation juridique électronique, par Stéphane Cottin, ServiceDoc Info, 31 mai 2003. Cette "timeline" unique rappelle la création des bases de données aux noms parfois bizarres dont beaucoup constituent aujourd’hui le contenu de Legifrance (JADE, SYDONI, CALYPSO, DIVA, LEX, LEGI ...) et des bases de données de jurisprudence et de doctrine des éditeurs privés (Juris-Data, le Doctrinal, GPDoc ...), et celles des premiers instituts d’informatique juridique (l’IRETIJ de Montpellier en 1968, par Pierre Catala, et l’IRIJ en 1969 à Sceaux, par Jean Imbert et Jean-Paul Buffelan-Lanore) (trois pionniers décédés depuis)
- Etude du marché de l’information juridique électronique, par SerdaLAB et Juriconnexion, avril 2013
- Les éditeurs juridiques et le numérique, par Jordan Belgrave, Le Village de la Justice, 17 juin 2014
- Bases et banques de données juridiques et économiques françaises, par Anny Maximin, Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1981, n° 7, p. 391-405.
Historiques par des éditeurs, des historiens, des journalistes ou Wikipedia
- Production et usages de l’écrit juridique en France du Moyen Âge à nos jours, Histoire et civilisation du livre, janvier 2005
- L’édition juridique à Lyon au XVIe siècle, par Olivier-Jean Wagner, mémoire ENSSIB janvier 2011, 69 pages
- Les premières lois imprimées : Étude des actes royaux imprimés de Charles VIII à Henri II (1483-1559), par Xavier Prévost, Mémoires et documents de l’École des chartes, 2018
- Pour une histoire européenne du droit des affaires : comparaisons méthodologiques et bilans historiographiques, dir. Luisa Brunori, Olivier Descamps et Xavier Prévost, Études d’histoire du droit et des idées politiques, Presses de l’Université Toulouse Capitole, 2020
- L’histoire de l’édition juridique (XVIe-XXIe siècle) : Un état des lieux, par Robert Carvais, Jean-Louis Halpérin, LGDJ, juillet 2021, 416 pages. Le sommaire montre toutefois que la fin du 20e et le 21e siècle sont peu traités et que les évolutions et les logiques économiques des groupes d’édition juridiques depuis les années 80 échappent largement au champ de cet ouvrage
- Les professeurs de droit parisiens et l’édition juridique sous la Troisième République, par Guillaume Richard, professeur d’histoire du droit à l’Institut d’Histoire du Droit (IHD), Université Paris-Descartes, pre-print, 2018, disponible sur HAL〈hal-01695784〉
- Le rôle des maisons d’édition d’ouvrages juridiques, par André Dunes, rédacteur en chef des Editions Dalloz, Revue internationale de droit comparé, 1990, 42-2 pp. 829-854
- Le droit vu par un éditeur, communication de Charles Vallée, PDG des éditions Dalloz, Académie des sciences morales et politiques, 28 janvier 2008, et débats ayant suivi la communication
- historique des Editions Francis Lefebvre (EFL) et du groupe Lefebvre-Sarrut (ELS), sur le site des EFL
- historique des groupes Liaisons, Lamy et Wolters Kluwer France, sur le site de WKF
- Les Dalloz, une grande dynastie bourgeoise dans l’édition (histoire des deux premiers de la dynastie Dalloz au 19e siècle, Désiré et son fils Paul ; accès payant), Le Progrès 5 janvier 2014 [4]
- Désiré Dalloz, par Thibault Ravel d’Esclapon, Dalloz, 2019, 426 pages : une biographie du fondateur des célèbres éditions
- sur Wikipedia [5] : Dalloz, Lextenso Editions, Le Moniteur universel (prenant les travaux du Parlement en sténo, ce journal né en novembre 1789 et portant d’abord le titre de "Gazette Nationale" deviendra en 1848 le Journal officiel de la République française en 1848, sans pour autant être publié par l’État [6].
Autres sources
- sur le Legal SSRN : exemples d’articles, avec certes une majorité sur le "legal open access" :
- http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=962411
- http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1339227
- http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=897784
- http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1350138
- http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=888321
- http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=940789
- http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=912304
- pour les éditeurs américains et les grands groupes : American Association of Law Libraries (AALL) > Committee on Relations with Information Vendors (CRIV) > A Legal Publishers List : Corporate Affiliations of Legal Publishers, 2d ed. (sur archive.org)
Enfin ouvrages, guides et sites sur la recherche documentaire en droit
Même s’ils ne sont pas des documents d’histoire, ils en contiennent des traces et peuvent fixer l’état des produits à un moment donné :
- La recherche documentaire en droit administratif : le cours de Stéphane Cottin
- http://urfist.enc.sorbonne.fr/F_dro...
- le Jurisguide
- Petit guide d’accès à l’information juridique française : pratique de la recherche documentaire juridique / Stéphane Cottin, Sophie Moyret, ADBS, 2000
- dépassé et épuisé mais utile pour l’historique, notamment sur la recherche documentaire juridique papier : Yann Tanguy, La recherche documentaire en droit, PUF, 1991. Que de chemin parcouru, me dis-je, à le relire !
Et que de chemin encore à défricher !
Emmanuel Barthe
documentaliste juridique, veilleur
Notes
[1] Compte tenu de l’ancienneté de notre blog sur le sujet, nous eussions apprécié que les auteurs nous contactent, au moins pour nous prévenir de la tenue du colloque, voire de la publication de l’ouvrage.
[2] Actuelle responsable de la documentation du bureau parisien du cabinet d’avocats international Baker & McKenzie.
[3] Il suffit de relire cet extrait du mémoire de C. Lagabe pour se convaincre que beaucoup de choses ont changé depuis : « L’offre de bases de données privées est très réduite. Elle souffre de l’offre des bases de données publiques qui ont vu le jour bien avant et proposent actuellement un grand nombre de données gratuitement en ligne. » C’était en 2002 et ce n’est clairement plus le cas aujourd’hui (2019). A titre personnel et au vu de mon expérience de gestion d’un budget de documentation juridique, j’estime que vers 2010 environ, ou un peu plus tard, les trois grands éditeurs juridiques français Lexis, Francis Lefebvre et Lamy passaient la barre des 50% de chiffre d’affaires réalisés dans les activités en ligne. Les autres les ont rejoint depuis, probablement vers 2014.
[4] Je relève une erreur de l’historien : Dalloz aurait eu un « monopole des éditions juridiques en France qui perdure jusqu’en 1964 ». Or les EFL sont créées en 1930. Et le JurisClasseur existait en 1914. La société a en tout cas été créée en 1907 selon l’article Wikipedia. L’auteur veut probablement parler de la position dominante de Dalloz sur le marché jusque dans les années 60.
[5] Attention au caractère souvent très "officiels" des articles, comme beaucoup de ceux sur les sociétés dans Wikipedia. De plus, beaucoup d’articles ne comportent qu’une partie historique très courte. Je ne cite donc que les articles comportant un historique intéressant, qui ajoute quelque chose aux autres sources citées ici.
[6] Ce n’est que vingt ans plus tard que le Journal officiel de la République française perdra tout à fait l’attache gouvernementale pour être remplacé par une création du ministère d’État, le Journal officiel de l’Empire français, à partir du 1er janvier 1869 après un conflit entre Napoléon III et la direction du journal. Entretemps, le fondateur Panckoucke avait revendu son journal à Paul Dalloz.