Le nombre de juges de proximité réduit par manque de greffiers — Une des explications de la lenteur de la Justice
Quand on veut expliquer les lenteurs de la Justice par son sous-financement, quelques exemples concrets valent mieux qu’un long discours. Voici, tel quel, un extrait de l’annexe n° 25 (consacrée à la Justice) au rapport Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2008, annexe rédigée par René Couanau, député. Les gras sont de nous.
Les juges de proximité en format réduit
« À la suite d’un rapport d’étape de novembre 2005, le nombre de juges de proximité compatible avec la situation actuelle des juridictions a été révisé à 1 000, au lieu de 3 300 initialement. L’objectif est désormais de faire coïncider le recrutement avec les besoins des juridictions et leur capacité à pouvoir accueillir fonctionnellement les juges de proximité, ce qui est déterminé en fonction de l’effectif de greffe nécessaire et des moyens d’installation matériels.
À la suite d’un recrutement opéré sur plusieurs années, 578 juges de proximité sont actuellement installés dans leur fonction. [...]
La juridiction d’instance supporte à moyens constants la mise en place de la juridiction de proximité. À cet égard, le manque de personnels greffiers fait sentir ses effets par l’impossibilité de dédoubler les audiences des juges de proximité, de raccourcir les délais de jugement et d’assurer une présence aussi régulière que possible des juges en dehors des audiences souvent trop espacées.
Le ratio greffier/juge de proximité doit être amélioré ; l’administration envisage d’affecter un poste de greffier dès qu’une juridiction moyenne ou grande accueille un juge de proximité, sachant que l’effectif moyen de cette juridiction sera à terme de 10 juges de proximité. »
Les moyens en personnel de greffe, administratifs et techniques demeurent très insuffisants malgré les recrutements réalisés depuis 2002
« Pour 2008, il a été souligné que la création de greffiers et de magistrats était à parité, ce qui ne suffira pas à rattraper le manque de greffiers et de personnel de catégorie C. »
Côté Sénat, sur ce même projet de loi de finances pour 2008, il y a aussi le rapport "Justice et accès au droit" du sénateur Detraigne,
Extraits :
« Au cours de son audition devant votre commission des lois le 13 novembre dernier, la Garde des sceaux a jugé essentiel d’assurer une stricte parité entre les créations de postes de magistrats et celles de greffiers. Elle a martelé que sans greffier, une décision de justice rendue par un magistrat n’est pas notifiée et ne peut donc être appliquée. »
Ce rapport Detraigne est ainsi commenté par un billet de Dadouche (pseudonyme) sur le blog d’Eolas : « On y apprend par exemple que 76 % des postes de magistrats annoncés dans la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 ont effectivement été créés. [...] On y apprend surtout que moins de 40 % des postes de greffiers et agents promis ont effectivement été créés. »
Et dans les commentaires rédigés par des magistrats et avocats (à peudos eux aussi) sur ce même sujet du manque catastrophique de greffiers dans les tribunaux, on y lit notamment qu’en réalité, il faudrait, idéalement, plus de greffiers que de magistrats pour faire tourner correctement cette poussive et complexe machine nommée Justice ...
Lisez ces commentaires, même s’ils sont d’abord critiques, ils renseignent, depuis l’intérieur de la machine, sur ce rouage essentiel, méconnu et toujours débordé qu’est le greffier.
In fine, les commentateurs abordent le nerf de la guerre : l’argent. Car dans ce permanent et criant manque de personnel à la Justice, il est largement question de (tentatives d’ ?) économies ... Sur le sujet "Quelle Justice veut on vraiment", on peut lire le rapport Truche de 1997 [1] et son commentaire par le Conseil national des Barreaux (CNB), autrement dit par les avocats. La commission Truche écrivait :
« Notre pays n’aura jamais que la justice dont il veut bien payer le prix. »
Tout, ou presque, est dit.
Notes
[1] Rapport de la commission de réflexion sur la Justice présidée par Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation, La Documentation française, juillet 1997, format PDF, 500 pages.