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Infogreffe, l’INPI et le RNCS : le feuilleton n’est pas terminé

Post à lire de Jean sur la liste Juriconnexion :

« Dans les tempêtes que fait lever le projet de loi sur les professions libérales, il en est d’une qui pour l’instant est peut-être un peu plus discrète : les discussions autour de l’ouverture et du partage gratuit des données du Registre National du Commerce et des Sociétés (RNCS). Il est vrai que pour les utilisateurs des bases de données sur les informations légales des entreprises cela aurait sans doute un effet direct sur leurs pratiques.

Tout d’abord les paragraphes qui créent la polémique :

Avant-projet de loi "pour la croissance et l’activité" de M. Macron, exposé des motifs :

"L’article 9 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour : ../... permettre l’ouverture et le partage gratuit des données du RNCS. L’objectif est d’améliorer la diffusion et la réutilisation des informations légales d’entreprises contenues dans le registre national du commerce et des sociétés (RNCS). Centralisé par l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), ce registre est constitué à partir des données d’entreprises collectées lors de dépôts d’actes. Dans la plupart des départements métropolitains, cette mission de collecte est confiée à un greffier de tribunal de commerce, officier public et ministériel. Dans les départements et régions d’outre-mer, elle relève d’un greffier fonctionnaire d’un tribunal mixte de commerce, et dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, d’un greffier fonctionnaire d’une chambre commerciale d’un tribunal de grande instance. La réforme permet de confier à l’INPI, en lien avec le projet de bases de données ouvertes promu par le gouvernent, la mission d’assurer la diffusion gratuite des données retraitées informatiquement contenues dans le RNCS à des fins de réutilisation, notamment par les entreprises spécialisées dans la valorisation d’informations économiques. L’ouverture complète et gratuite ne devra pas exclure la signature de conventions de réutilisation."

Avant-projet de loi, article 9 :

" Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi : : [...] 6° Permettant :

  • d’organiser la transmission par voie électronique à l’Institut national de la propriété intellectuelle des documents, inscriptions, actes et pièces établis ou recueillis par les greffiers des tribunaux de commerce dans le cadre de leur mission. Ces transmissions devront être gratuites, sans délai et dans des formats ouverts permettant l’interopérabilité et la réutilisation ;
  • d’organiser la centralisation par l’Institut national de la propriété intellectuelle du registre national du commerce et des sociétés notamment sous forme numérique et la mise à disposition libre et gratuite de l’ensemble des données et documents transmises par les greffiers des tribunaux de commerce."

Les réactions des greffiers de tribunal de commerce : Blog Infogreffe : Ouverture et partage gratuit des données du RNCS : ce que le projet de loi a visiblement négligé [1]

Les arguments contre :

  • " La volonté de vouloir mettre en données ouvertes les données des entreprises afin de faciliter leur réutilisation dans le but de favoriser le développement économique ne ressort pas du simple postulat. Si aucun pays européen ne l’a encore mis en œuvre c’est que à cette liberté s’oppose des règles de droit dont l’essentiel ont pour but de protéger les individus"
  • l’usage des données personnelles des dirigeants : " En clair, chaque dirigeant, administrateur de société, chaque commerçant délivre son identité, son adresse et son âge. Ce sont autant de données personnelles. Si comme le prévoit le projet de loi gouvernemental, ces données devaient être exploitées à des fins commerciales, ce ne serait possible qu’avec l’accord de l’intéressé."
  • la propriété intellectuelle sur les données : " Tout comme il pourra constater qu’il n’est pas juridiquement possible de demander aux greffiers et à leur GIE Infogreffe d’abandonner leur droit de propriété intellectuelle issu de leur qualité de producteur de bases de données"

Mais ils proposent une solution :
" La raison voudrait qu’une solution viable pour tous soit envisagée. C’est pourquoi nous proposons de diffuser en licence ouverte les données par exemple sur le site d’Etalab. Ce choix d’un projet phare du gouvernement éviterait le doublon que représente la solution INPI. Qui de mieux placé que les greffiers dont la mission est de recevoir, contrôler, saisir et valider les informations, actes et documents déposés par les entreprises lors de l’accomplissement de leurs formalités légales pour en assurer une diffusion en données ouvertes respectueuses du droit."

Pour bien comprendre les relations entre les greffes de commerce, l’INPI, le RNCS et Infogreffe, une décision de l’Autorité de la concurrence de décembre 2013 en dresse un tableau très complet : décision n° 13-D-23 du 30 décembre 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la diffusion par voie électronique des informations économiques et juridiques sur les entreprises. »

Derrière ce débat (combat ?) :

  • la rémunération des greffiers de commerce
  • le coût de constituer et maintenir — en bon état — une gigantesque base de données
  • et le mouvement open data. Dont on sait maintenant qu’il n’est plus une passade pour les pouvoirs publics [2].

Le projet de loi va peut-être un peu vite en besogne, mais les greffiers ont raison de proposer un compromis vu la tendance open data.

Toutefois, comme du temps où l’INPI commercialisait aussi le RNCS, la vraie question face à cette proposition du GIE Infogreffe serait : quel délai de mise à jour pour la version sur data.gouv.fr ?

Emmanuel Barthe
Precisement.org
Consultant

Notes

[1Egalement publiée sur le Huffington Post.fr