Elaboration des textes officiels : une circulaire impose une simplification et une analyse d’impact des mesures concernant les entreprises — Ou la RGPP appliquée à la réglementation
Une circulaire du Premier ministre, parue au Journal officiel du 18 février, impose une simplification des textes et une analyse d’impact des mesures concernant les entreprises : circulaire du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales (JORF n° 41 du 18 février 2011 page 3025 texte n° 3).
Extraits des motifs :
« La nécessité de réduire la dépense publique suppose que l’Etat prenne spécialement garde au coût induit par les réglementations dont il impose le respect aux autres personnes publiques, en particulier les collectivités territoriales. [...]
Il revient à chaque ministère d’appliquer ces principes en se soumettant à une discipline d’évaluation préalable approfondie dès les premiers stades de la préparation de mesures concernant les collectivités territoriales, comme l’exigent déjà la consultation de la Commission consultative d’évaluation des normes et les dispositions prises dans le cadre du moratoire applicable à l’adoption de mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. Il en ira de même, désormais, pour toutes les mesures concernant les entreprises.
Les annexes à la présente circulaire précisent le cadre dans lequel ces travaux d’évaluation préalable doivent être conduits.
Le commissaire à la simplification désormais placé auprès du secrétaire général du Gouvernement a pour mission de s’assurer de la qualité des évaluations préalables effectuées par les ministères, de rechercher avec eux les solutions les plus simples dans la mise au point des projets de mesure et de signaler à mon cabinet les difficultés que l’exercice de ses fonctions lui fera apparaître dans la réglementation en vigueur. Il est fondé à nouer des contacts directs avec les destinataires potentiels de ces projets de texte. »
Sera t-elle détaillée, cette analyse d’impact, sera t-elle faite à fond, et la prévision d’impact aura t-elle un effet concret sur le texte pris ? A la lumière des études d’impacts législatives, devenues obligatoires pour les projets de loi [1], souvent bien faites et détaillées (exemple), mais également souvent un peu rapides sur le plan des incidences financières pour l’Etat, les entreprises et les particuliers, et vu la sous-évaluation du coût et des recettes/surévaluation des économies à réaliser de nombreux textes clés (comme la réforme de la carte judiciaire), ce n’est pas si évident ...
Beaucoup d’études d’impact législatives semblent être d’abord et avant tout des exposés des motifs, des argumentaires plus détaillés que celui qui précède le texte du projet de loi déposé par le Gouvernement. Car, lorsqu’on aborde le chapitre clé de l’impact économique et financier des mesures projetées, il est fréquent de lire des formules comme celles-ci [2] :
« Le partenariat envisagé devrait permettre de commercialiser une part plus importante de ... »
« Le volume dépendra à la fois de l’évolution de la demande, en particulier de l’issue de la crise économique actuelle, et du volume qui sera identifié dans ... dans les futurs plans régionaux pluriannuels de développement ... »
« A priori, le potentiel total identifié sur toute la France représente près de ... d’ici 2020, soit un volume supplémentaire de plus de 50% par rapport à la récolte actuellement commercialisée »
« Cette mesure devrait accroître le volume d’activité des entrepreneurs de ... »
« Ce surcroît d’activité est toutefois difficilement quantifiable dans la mesure où les propriétaires sont libres d’élaborer et d’exécuter par eux-mêmes leur propre plan »
« L’impact économique attendu est une meilleure mobilisation des ... et une valorisation accrue du patrimoine ... dans le respect d’un (sic) gestion durable et multifonctionnelle des ... »
« A une échelle plus fine et plus près du territoire, la reconnaissance de l’importante contribution des stratégies locales de développement ..., comme outil de déclinaison locale de la politique ... doit donner un signal aux acteurs pour créer une dynamique en faveur du développement ..., à l’échelle d’un territoire pertinent »
Avec une telle imprécision dans les montants et les estimations avancés et de telles précautions de langage, ces études d’impact feraient plus penser à des études de probabilité, ou à de la "soft law".
Est si le but est ailleurs, je veux dire : freiner la production de normes, il suffit de jeter un coup d’oeil aux chiffres de la prolifération législative produits par Hervé Moysan (le directeur du JurisClasseur Codes et Lois) ou Legifrance depuis l’apparition de l’étude d’impact législative obligatoire pour se convaincre que le bouclier diminue l’effet de l’épée, mais ne la supprime pas ...
Notes
[1] Pas pour les propositions de loi, en revanche ...
[2] Exemples extraits de l’étude d’impact de la loi de modernisation de l’agriculture.