Accès à la justice : 35 euros
Extrait de L’accès gratuit à la justice, c’est bientôt terminé / Emilie Rosso, Rue89 17 juin 2011 :
35 euros. C’est ce que coûtera l’accès à la justice, d’après le projet de loi de finances rectificative pour 2011 [1]. Il s’agit de financer la réforme de la garde à vue votée le 14 avril dernier dont le coût est estimé à 158 millions d’euros.
Au nom de la « solidarité financière entre l’ensemble des justiciables », l’article 20 du projet de loi exige une contribution « pour chaque instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire, ou par instance introduite devant une juridiction administrative ».
L’acquittement de cette contribution, sous forme de droit de timbre fixé à 35 euros, deviendra une condition de recevabilité du dossier. Le gouvernement a tout de même décidé d’exonérer les justiciables bénéficiaires de l’aide juridictionnelle et les victimes d’infractions pénales.
Autrement dit : une réintroduction masquée des anciens frais de justice.
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 - Assemblée nationale document n° 1306
Extrait :
I. - Le chapitre III du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section XIII intitulée : « Contribution pour l’aide juridique » et comprend un article 1635 bis Q ainsi rédigé :
« Art. 1635 bis Q. I. – Par dérogation aux dispositions des articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l’aide juridique de 35 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire, ou par instance introduite devant une juridiction administrative. »
« II. - La contribution pour l’aide juridique est exigible lors de l’introduction de l’instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.
« III. - Toutefois, la contribution pour l’aide juridique n’est pas due :
« 1. Par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ;
« 2. Par l’État ;
« 3. Pour les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, devant le juge des enfants, devant le juge des libertés et de la détention et devant le juge des tutelles ;
« 4. Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaire ;
« 5. Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français, ainsi qu’au droit d’asile ;
« 6. Pour les procédures de référé-liberté.
« IV. - Lorsqu’une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n’est due qu’au titre de la première des procédures intentées.
« V. - Lorsque la procédure est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique.
« Lorsque la procédure est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.
« Les conséquences sur l’instance du défaut de paiement de la contribution pour l’aide juridique sont fixées par voie réglementaire.
« VI. - La contribution pour l’aide juridique est affectée à l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (UNCA), association de la loi 1901 fédérant l’ensemble des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA). Cette contribution est répartie entre les CARPA par l’UNCA. Elle est intégralement affectée au paiement des avocats effectuant des missions d’aide juridique, par l’intermédiaire des CARPA.
« VII. - L’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats et les CARPA participent à la bonne exécution du service public de l’aide juridique. A ce titre, l’UNCA assiste le ministre de la justice pour veiller à ce que les CARPA, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, notamment en matière de rétribution des avocats qui prêtent leur concours aux bénéficiaires de l’aide juridique, utilisent à juste titre les fonds qui leur sont alloués.
« VIII. - Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment ses conditions d’application aux instances introduites par les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. »
II. - Les dispositions du I sont applicables aux instances introduites à compter du 1er octobre 2011.
III. - Il est inséré dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique un article 64-1 bis ainsi rédigé :
« Article 64-1 bis. - La personne qui a bénéficié de l’intervention d’un avocat commis d’office dans les conditions prévues à l’article 63-4 du code de procédure pénale et qui n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l’État. Le recouvrement des sommes dues à l’État a lieu comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. ».
Exposé des motifs :
La réforme de la garde à vue récemment approuvée par le Parlement (loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue) va entraîner une augmentation importante des rémunérations versées aux avocats au titre de l’aide juridique. Afin de financer cette nouvelle dépense dans une période budgétaire contrainte, le présent article institue une contribution pour l’aide juridique, destinée à assurer une solidarité financière entre l’ensemble des justiciables.
Cette contribution sera exigée pour toute procédure intentée en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance administrative introduite devant les juridictions administratives. L’acquittement de cette contribution deviendra une condition de recevabilité de la requête. Son tarif est fixé à 35 €.
Cette contribution n’est pas due lorsque la partie est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et pour certaines procédures dans lesquelles le versement de la contribution apparaîtrait comme une entrave disproportionnée au droit d’accès à la justice ou ne répondrait pas à l’objectif de solidarité de la contribution. Elle n’est pas non plus exigible pour les affaires pénales.
Elle est acquittée sous forme de droit de timbre mobile ou dématérialisé, soit par le justiciable soit par l’avocat pour le compte de son client, et est affectée à l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) afin de financer les dépenses d’aide juridique.
Enfin, le III de l’article permet la récupération par l’État des sommes exposées au titre de l’aide à l’intervention de l’avocat dès lors que la personne ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle.